Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 25 septembre 2018 à 16h45
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle lecture de ce texte par l’Assemblée nationale a été à l’image de la CMP, où aucune discussion n’a été possible, malgré nos propositions et notre volonté de compromis au bénéfice premier des agriculteurs et des consommateurs, comme si les bonnes idées, les propositions originales, justes, pragmatiques, en phase avec les attentes de la société en matière de qualité et du monde paysan en termes de partage de la valeur, ne pouvaient émaner que du Gouvernement et de sa majorité à l’Assemblée nationale. Comme s’il fallait démontrer que la Haute Assemblée est inutile, voire gênante, elle qui représente au Parlement les territoires, sources par excellence de nos productions nourricières de base !

En définitive, cette conception pour le moins restrictive du dialogue aboutit à un texte plat, sans souffle, qui ne réglera rien ou presque. C’est une occasion manquée de répondre au malaise et à la déconsidération que ressentent les agriculteurs.

Que restera-t-il des États généraux de l’alimentation, dont l’organisation était une bonne idée au départ ? Une loi, qui ne règle rien avec certitude pour les agriculteurs ; des plans de filière, en réalité davantage tournés vers la transformation et l’aval que vers la production…

En examinant le texte qui nous a été soumis en nouvelle lecture, nous avons le sentiment de ne pas avoir été entendus sur l’essentiel.

Nous n’avons pas été entendus sur les mécanismes de définition de la juste valeur économique qui doit être reconnue aux producteurs. Nous voulions que ces indicateurs soient validés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges et que cet organisme public puisse en proposer lorsque les interprofessions ne le font pas. En définitive, les interprofessions agricoles seront à l’initiative de ces indicateurs, mais, en cas d’échec des négociations, il reviendra à la grande distribution et aux industriels d’en établir. Une fois de plus, ce sera le pot de terre contre le pot de fer, et rien n’aura donc changé !

Nous n’avons pas plus été suivis sur l’instauration du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques – Nicole Bonnefoy y reviendra – ni sur la traçabilité des produits, exigence pourtant croissante des consommateurs.

Vous nous direz peut-être, monsieur le ministre, pourquoi vous n’avez pas retenu notre amendement visant à mieux informer le consommateur ou l’acheteur, par un étiquetage clarifié, sur le pays où le raisin a été récolté et vinifié. C’est une demande récurrente des viticulteurs de France.

La législation sur les relations entre coopératives et associés coopérateurs, que nous souhaitions discuter au Parlement, a été renvoyée à des ordonnances, tout comme la réforme des seuils de revente à perte.

En première lecture au Sénat, 15 de nos amendements, sur 140, avaient été adoptés. La plupart d’entre eux ont été rejetés par l’Assemblée nationale.

En définitive, pour le titre Ier, nous en restons à des aménagements de lois votées précédemment : rien de plus, rien de moins !

De plus, nous craignons que les hypothétiques bénéfices apportés par le présent texte ne soient annihilés par la baisse annoncée du budget de la PAC. Sur ce sujet, nos inquiétudes restent vives.

S’agissant du titre II, les déceptions sont grandes au regard de la nécessité de prendre en compte les attentes fortes de la société.

Je note comme un fait positif, malgré tout, que, contre l’avis du Gouvernement, les députés aient introduit dans le texte notre proposition de mener une étude de la définition et de la mise en œuvre d’une prestation pour services environnementaux rendus par l’agriculture à la société. Nous en reparlerons à propos de la PAC, mais il est grand temps que l’agriculture soit reconnue pour ses externalités positives, pour sa contribution au règlement des grandes questions de société, la transition climatique n’étant pas la moindre d’entre elles.

A contrario, quelle déception que, une fois de plus, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale n’aient pas voulu entendre la détresse des éleveurs des zones défavorisées, où l’exclusion du dispositif des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, va condamner l’élevage sur des territoires ancestraux de polyculture-élevage. C’est un pur déni de réalité, qui affaiblit économiquement des territoires déjà en difficulté et qui renforce le sentiment des citoyens d’être abandonnés par la République.

À la quasi-unanimité de ses membres, le Sénat demandait que le Gouvernement étudie aussi la possibilité de mettre en place, pour ces territoires, des zones intermédiaires spécifiques, comparables aux zones de piémont. Nous n’avons pas été entendus, et je vous renouvelle, monsieur le ministre, notre invitation à venir vous rendre compte de la réalité du terrain et de la dimension sociale du problème.

Sur le fond, le texte qui nous est soumis aujourd’hui en nouvelle lecture reste très décevant. Il est bien en deçà du minimum que les agriculteurs étaient en droit d’attendre. Il n’améliorera pas significativement leur revenu. Il ne répondra pas non plus aux attentes sociétales de nos concitoyens en matière de qualité, de traçabilité et de sécurité de l’alimentation.

Sur la forme, les débats en CMP ont démontré l’absence de volonté de dialogue constructif avec le Sénat de la part du Gouvernement. C’est une belle occasion ratée, qui engendrera de la déception dans les campagnes, ou pire… Nous attendons de voir comment le Gouvernement défendra l’agriculture française dans la perspective de la nouvelle PAC.

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