Intervention de Jean-Pierre Decool

Réunion du 25 septembre 2018 à 16h45
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je tiens à remercier personnellement les excellents rapporteurs de ce projet de loi, Michel Raison, Anne-Catherine Loisier et Pierre Médevielle, ainsi que tous ceux d’entre nous qui ont pris part au travail réalisé en commission et en séance.

L’agriculture et l’alimentation doivent être l’affaire de tous. La discussion de ce projet de loi s’annonçait, après les États généraux de l’alimentation, dans un esprit de dialogue et de conciliation. Parce qu’elle concerne plus d’un million d’agriculteurs qui animent nos campagnes, et chaque Français qui en bénéficie, la valorisation du monde agricole et de la ruralité dans son ensemble est une question vitale pour la France.

Concernant ce projet de loi, les principaux objectifs fixés par le Gouvernement étaient de garantir la souveraineté alimentaire de la France et d’assurer à chacun l’accès à une alimentation saine et durable. Le texte, que nous avons longuement examiné, est le premier jalon de la mise en œuvre de sa stratégie agricole.

Tout d’abord, pour préserver la capacité de production de nos filières et garantir à la France sa souveraineté alimentaire, nous devons renverser la logique de construction des prix, favoriser le regroupement des producteurs, limiter les pratiques commerciales déloyales, telles que la revente à perte, en complément des initiatives législatives européennes.

Tout au long de l’examen du texte au Sénat, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’est mobilisé pour défendre un modèle agricole économiquement viable pour l’ensemble des acteurs et écologiquement responsable. L’un ne va pas sans l’autre.

Si l’agriculture française doit évoluer, nous devons veiller à accompagner chaque transition pour ne pas heurter une économie déjà fragile et très concurrentielle. Le titre Ier du projet de loi devait tout mettre en œuvre pour permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leurs revenus : il s’agit d’une impérieuse nécessité.

À titre d’exemple, notre groupe avait proposé plusieurs orientations.

Tout d’abord, nous avions défendu les enjeux propres à la filière viticole, secteur économique majeur. Nous savons qu’il est le deuxième contributeur à la balance commerciale de la France, après l’aéronautique. Malheureusement, l’Assemblée nationale a décidé de revenir sur une mesure que nous croyons pourtant juste et efficace.

Le même sort a été réservé à l’amendement, adopté au Sénat de façon consensuelle, visant à lutter contre le « chantage à la collecte » du lait et le déréférencement des producteurs.

Dans un deuxième temps, il s’agissait d’assurer à chacun l’accès à une alimentation de qualité, respectueuse de la santé des consommateurs et de l’environnement.

Dans un climat consensuel, le Sénat avait rétabli l’objectif de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans les repas de la restauration collective. Toutefois, il ne s’agit pas de sacrifier notre agriculture locale au profit d’une production certes sans pesticides, mais parcourant des milliers de kilomètres avant de parvenir dans nos assiettes. Aussi, en complément de cette mesure, avions-nous souhaité favoriser l’approvisionnement local dans la restauration scolaire, pour promouvoir l’ancrage territorial de l’alimentation. La promotion des circuits de proximité, prenant en considération le bilan carbone, est un objectif de la PAC depuis l’adoption, en juin dernier, de la proposition de résolution européenne sur l’avenir de la politique agricole commune.

Il s’agit, à la fois, d’une question de souveraineté alimentaire et d’une garantie de qualité au regard des législations agricoles des pays extérieurs.

L’accès à une alimentation saine nécessite une éducation suffisante du consommateur et une information lisible, fiable et accessible. Aussi ma collègue Colette Mélot a-t-elle défendu un amendement visant à rétablir à 2019 l’entrée en vigueur de l’obligation d’indication de l’origine du miel. C’était une mesure de bon sens !

Comme nous avons eu l’occasion de le dire en première lecture, nous pensons qu’il convient de clarifier l’étiquetage des denrées alimentaires contenant du minerai de viandes, qui représente plus de 15 % de la viande bovine commercialisée en France.

Enfin, l’agriculture étant un sujet éminemment européen, nous avons défendu une disposition visant à évaluer les engagements de la France concernant les finalités de sa politique européenne et internationale en faveur de l’agriculture et de l’alimentation.

Je regrette sincèrement l’échec de la commission mixte paritaire du 10 juillet dernier. Elle aurait pu permettre d’aboutir à un texte équilibré entre les deux assemblées. Nous ne pouvions pas faire l’impasse sur le dialogue s’agissant d’un projet de loi aussi important. Or la majorité des dispositions adoptées au Sénat, soutenues par l’ensemble des sensibilités politiques, ont été supprimées à l’Assemblée nationale, si bien que le texte que l’on nous soumet aujourd’hui est une copie presque conforme de celui que nous avons examiné voilà quelques mois.

Nous ne sommes pas dupes. Clemenceau disait que « le Sénat est la raison de la République » ; perdez la raison, et la République suivra !

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