Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous commençons cette nouvelle session parlementaire en abordant un sujet qui m’est cher : l’agriculture et l’avenir de nos agriculteurs.
Nous devons penser une nouvelle France agricole si nous ne voulons pas que les agriculteurs disparaissent et si nous souhaitons leur permettre de viser des marchés d’excellence en France et à l’export.
Une transformation est nécessaire, car le modèle dans lequel nous sommes aujourd’hui enfermés n’est plus soutenable : le solde extérieur de l’agriculture reste certes positif, mais il est passé de 12 milliards d’euros à 8 milliards d’euros, et les Français doutent de leur alimentation.
Mon groupe l’a rappelé tout au long de nos débats, le projet de loi que nous pourrions examiner aujourd’hui propose cette réforme ambitieuse dont l’agriculture française a besoin.
Depuis le début des États généraux de l’alimentation, l’année dernière, nous affirmons des objectifs clairs, qu’il nous incombe de graver dans le marbre : d’abord, faire en sorte que chaque agriculteur puisse vivre dignement et sereinement du fruit de son travail ; ensuite, rétablir la confiance entre l’ensemble des membres des filières et des interprofessions, afin de sortir des postures et d’aller vers de véritables négociations et compromis ; enfin, répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, qu’elles soient sanitaires ou environnementales.
La version du texte adoptée au Sénat nous éloigne de la concrétisation de ces objectifs. Certains articles essentiels ont été supprimés. Toutefois, au regard du bon déroulé des débats au sein de notre hémicycle et de l’ouverture d’esprit dont avait fait preuve le ministre de l’agriculture, le groupe La République En Marche s’était abstenu sur le texte, dans l’espoir d’une commission mixte paritaire conclusive.
Je ne retracerai pas l’intégralité des débats qui ont lieu en juin dernier, mais il me paraît utile de rappeler quelques points dont le souvenir a pu s’estomper à la faveur de la trêve estivale.
En ce qui concerne le titre Ier, j’entends les critiques de certains, qui estiment qu’il faudrait aller dans le sens d’une économie administrée, où l’État se substituerait au marché pour fixer les prix.
Ce que nous proposons, au contraire, c’est que les interprofessions se coordonnent, s’organisent et se responsabilisent pour établir un partage plus juste de la valeur. Nous croyons profondément que ce sont les filières qui sont le mieux à même de construire les outils économiques adaptés à leur activité. Sans consensus au sein des interprofessions, nous n’arriverons jamais à renverser le rapport de force entre les producteurs et la grande distribution. Nous souhaitons donner aux interprofessions le pouvoir de choisir leurs indicateurs et ainsi mettre en place un cadre afin de rendre le marché plus efficace et plus juste pour les producteurs. Ce n’est pas à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de le faire. L’État ne peut pas imposer d’indicateurs dans le cadre d’une relation contractuelle entre deux entreprises privées.
C’est cette responsabilisation des acteurs qui guide notre philosophie de l’action publique et politique. Nous avons des positions profondément divergentes sur le sujet, mais, afin de rassurer les opérateurs représentés dans les interprofessions, les députés ont adopté un amendement permettant à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires d’évaluer a posteriori l’effet des indicateurs sur les prix payés aux producteurs.
Sur le titre II, j’entends d’autres critiques, selon lesquelles le texte n’irait pas assez loin en matière de politique environnementale et de prise en compte des attentes du consommateur.
Pourtant, le titre II ouvre la voie à la construction d’une véritable éthique de l’alimentation, assortie d’un pacte pour la préservation de l’environnement et pour le respect du bien-être animal.
Si nous nous félicitons de l’accord sur l’introduction de 20 % de produits biologiques dans la restauration collective, nous regrettons vivement la suppression par le Sénat de l’une des mesures phares pour permettre une véritable refonte environnementale de notre modèle agricole : je veux parler de l’interdiction des remises, rabais et ristournes et de la séparation capitalistique du conseil et de la vente des produits phytosanitaires.
Oui, nous pourrions refaire le débat sur le glyphosate : ce serait la septième fois depuis le début de l’examen du texte. Nous sommes tous d’accord ici pour affirmer qu’il faut en finir avec cette substance. Inscrire son interdiction dans la loi servirait-il à quelque chose ? J’en doute.
Le Président de la République a été très clair avec ses homologues européens : la France sortira du glyphosate d’ici à trois ans. C’est encore une fois en nous appuyant sur notre philosophie de responsabilisation des acteurs que nous souhaitons y arriver. Cette méthode trouve sa traduction concrète dans le plan de sortie du glyphosate que vous avez proposé en juin dernier, monsieur le ministre, conjointement avec l’ancien ministre de l’environnement, Nicolas Hulot.
Enfin, je tiens à rappeler que, malgré le caractère passionnel des sujets qui ont été abordés, nous avons tous contribué, dans cet hémicycle, à ce que nos débats se tiennent dans un climat apaisé et fait preuve de sagesse. Nous ne nous sommes pas laissé enfermer dans des débats enflammés qui n’auraient pas fait avancer les choses ; nous sommes restés paisibles et constructifs, ce qui a favorisé la qualité des débats. Nous pouvons nous en féliciter.
C’est confiant en cette sagesse et à la lumière de nos débats que le groupe La République En Marche s’était abstenu en juillet dernier, dans l’espoir que les deux chambres trouvent un accord en commission mixte paritaire. Aujourd’hui, la majorité sénatoriale refuse un nouveau débat sur le texte et s’enferme dans une posture à l’égard de l’Assemblée nationale. Pourtant, près de 40 articles sur 110 ont été adoptés conformes durant la navette parlementaire. Ce débat est donc avant tout instrumentalisé à des fins politiques