Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Françoise Férat a exposé avant moi la déception de notre groupe devant le contenu du texte qui nous est soumis aujourd’hui. Je ne m’attarderai donc pas sur le manque d’ambition économique et sur l’éloignement de la réalité des difficultés des agriculteurs qu’il reflète. Nos doutes sur l’efficacité des dispositions du projet de loi, tel qu’issu de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour revaloriser le revenu des agriculteurs sont plus que sérieux.
Je souhaite exprimer ici les regrets du groupe Union Centriste quant à la méthode adoptée par les députés de la majorité et le Gouvernement.
Au Sénat, les deux rapporteurs au fond, le rapporteur pour avis et l’ensemble des groupes ont travaillé sérieusement en première lecture : qu’ils en soient remerciés. Nous avons eu des débats de fond et nous avons fait des propositions sur tous les titres du texte. L’objectif était clair : amender le projet de loi, mais sans trop l’éloigner des choix des députés, afin qu’il soit ensuite possible de construire ensemble un compromis. Quelle déception de devoir constater que, tant en commission mixte paritaire qu’en nouvelle lecture, la majorité gouvernementale n’a même pas étudié les positions du Sénat.
Je prendrai quelques exemples de mesures qui auraient mérité davantage de considération.
Tout d’abord, nous avions souhaité donner un rôle important à l’Observatoire des prix et des marges dans la construction des indicateurs de prix. C’était une garantie de professionnalisme et d’indépendance dans cette démarche si importante pour le revenu des agriculteurs et si cruciale dans les relations entre les producteurs et les distributeurs. Au lieu de cela, les indicateurs de prix seront élaborés et diffusés par les interprofessions, et l’observatoire n’interviendra qu’a posteriori.
Un autre point de discorde tout à fait regrettable tient à la suppression par l’Assemblée nationale de la création d’un fonds d’indemnisation des victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques. Cette création était une proposition mesurée, adoptée à l’unanimité par la Haute Assemblée. Comment pouvait-on imaginer qu’elle serait rejetée par les députés ?
La volonté de la majorité de l’Assemblée nationale d’interdire sans discernement et dans la précipitation nombre d’objets en plastique, sans même en mesurer les conséquences pour l’emploi, les collectivités, notre industrie, constitue un autre sujet de désaccord.
Sur d’autres points encore, les députés ont eu des intentions contradictoires, et en discuter avec le Sénat les aurait sans doute aidés à retrouver le chemin de la cohérence et de la mesure. Comment comprendre que l’on veuille interdire la production de produits phytosanitaires en 2022 tout en supprimant le fonds d’indemnisation que je viens de mentionner ? Comment comprendre, enfin, que l’on affirme vouloir simplifier les normes tout en en créant de nouvelles encore plus contraignantes ? Manifestement, les positions de l’Assemblée nationale sont fragiles et changeantes. Les discussions sur ce texte ne sont plus possibles aujourd’hui.
En conclusion, à quoi bon débattre de nouveau de tous les articles de ce projet de loi ? À quoi bon adopter des amendements que les députés ne liront peut-être pas ? Cette situation est plus que regrettable pour nos institutions. Le bicamérisme est le garant de la bonne construction de la loi. Pour qu’il puisse jouer son rôle, il faut un respect mutuel entre les deux chambres. C’est dans l’intérêt des Français.
Ainsi, adopter une motion tendant à opposer la question préalable n’est pas renoncer à nos positions ; ce n’est pas non plus abandonner nos prérogatives : c’est surtout tirer une sonnette d’alarme pour nos institutions. Le groupe Union Centriste votera cette motion.