Tous les sénateurs partagent les objectifs assignés à ce texte : augmenter le revenu des agriculteurs et améliorer la qualité de l’alimentation.
En première lecture puis en commission mixte paritaire, nos rapporteurs auront tenté de remédier aux angles morts du texte tout en en préservant les grandes lignes, certes sans enthousiasme débordant ni adhésion aveugle, mais avec une volonté d’ouverture et de compromis qui aurait dû nous permettre d’aboutir. Cela n’a pas été le cas, en raison de l’intransigeance dont ont fait preuve le Gouvernement et sa majorité tout au long du processus.
Cela a été dit à maintes reprises, le rapporteur de l’Assemblée nationale a tout d’abord, de manière sans doute inédite, fait échouer la commission mixte paritaire sur des alinéas qui avaient été adoptés conformes par les deux chambres. Permettez-moi de rappeler qu’une commission mixte paritaire n’est pas censée créer des désaccords ; elle a au contraire pour vocation d’en résoudre. Le Sénat avait joué le jeu, ses rapporteurs proposant de nombreuses rédactions de compromis, qui n’ont même pas pu être présentées…
L’Assemblée nationale a ensuite rétabli en nouvelle lecture la quasi-intégralité de son texte, sans tenir compte des apports essentiels du Sénat. Notre assemblée avait pourtant rééquilibré ce texte sans remettre en cause sa philosophie générale, au terme d’un débat de fond de grande qualité. Je salue l’ensemble de nos collègues qui, sur toutes les travées de cet hémicycle, ont pris part à cette discussion passionnante.
Une lecture attentive du nouveau texte de l’Assemblée nationale révèle même l’ajout de mesures complémentaires substantielles. Outre qu’ils accentuent encore les points de désaccord entre nous, ces ajouts sont clairement contraires à la règle de l’entonnoir et nuisent à la qualité de la loi en la rendant illisible ; il est donc temps que cela cesse.
Sur le fond, monsieur le ministre, le texte transmis au Sénat révèle que les deux chambres ont une vision très différente de l’agriculture.
Le Sénat a formulé des propositions fortes pour l’instauration d’un véritable revenu agricole, contre la hausse des charges imposées aux agriculteurs, contre la surtransposition des normes, pour la sauvegarde de nos coopératives agricoles, pour la mise en place rapide d’une vraie et juste indemnisation des victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques – je salue à cet égard l’intervention très émouvante de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui traduisait bien l’état d’esprit du Sénat –, contre l’adoption d’une vision binaire opposant les différentes formes d’agriculture. Je crois que le Sénat s’est ainsi fait l’écho de nos campagnes. Je constate que ses appels n’ont pas été entendus.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ces conditions, vous comprendrez que nous ne souhaitions pas engager une nouvelle lecture de ce projet de loi : la position du Sénat a été largement détaillée en première lecture ; ce n’est pas celle de la majorité, et nous ne sommes pas en mesure de faire évoluer le texte.
Comme l’ont précisé les rapporteurs, la commission des affaires économiques ne baisse pas la garde pour autant. Elle sera extrêmement attentive à la constitutionnalité du texte, à son application et à l’évaluation de celle-ci dans le temps – la commission créera un groupe de suivi dédié –, s’agissant en particulier du revenu des agriculteurs, mais aussi des effets des décisions prises sans recul ni étude par l’Assemblée nationale, enfin à l’écriture des ordonnances – je pense notamment à l’ordonnance relative aux coopératives et à celle qui portera sur l’encadrement des promotions.
En conséquence, mes chers collègues, prenant acte que le Sénat s’oppose au projet de loi et qu’il n’y a plus lieu d’en poursuivre la discussion, la commission des affaires économiques vous invite à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.