Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 septembre 2018 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances et de M. Gérald daRmanin ministre de l'action et des comptes publics

Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Le projet de loi de finances que j'ai l'honneur de vous présenter suit un cap, celui de la prospérité française, qui ne doit plus reposer sur davantage de dépense publique, de dette et, finalement, d'impôts, mais sur la création de richesse par les entreprises et sur la valorisation du travail. Le Gouvernement a fait le choix structurel de valoriser le travail et de permettre à nos entreprises d'être plus profitables pour investir, innover et créer des emplois. Le présent projet de loi de finances obéit également à une règle à laquelle je crois profondément, celle de la constance. Il ne s'agit pas de lancer une révolution fiscale à chaque exercice budgétaire ! Dès 2017, nous avons engagé une transformation profonde de la fiscalité du capital avec le prélèvement forfaitaire unique, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la diminution de l'impôt sur les sociétés. Le projet de loi pour 2019 maintient ce cap et, j'en suis convaincu, notre constance paiera. Il apparaît enfin cohérent, au regard de notre volonté de relancer l'activité économique, de réduire la dépense publique et la dette et, surtout, de soutenir l'investissement et l'innovation, domaines dans lesquels la France doit combler son retard, dans un temps de rupture technologique et d'instabilité internationale.

Le projet de loi de finances pour 2019 doit, par ailleurs, être regardé en perspective de la dégradation constante des finances publiques au cours des dix dernières années. D'aucuns, certes, considèrent que nous n'allons pas assez vite ni suffisamment loin. Mais souvenez-vous qu'entre 2007 et 2017, la dette publique est passée de 64 % à 98 % du produit intérieur brut (PIB), la dépense publique de 52 % à 55 % de la richesse nationale et les prélèvements obligatoires de 42 % à plus de 45 % du PIB. Telle est la réalité et nous inverserons cette tendance ! Tous les débats sont permis sur la rapidité ou la force de cette inversion, mais le cap fixé - une réduction de cinq points de la dette publique, de trois points de la dépense publique et d'un point des prélèvements obligatoires - sera tenu. Je crois profondément en ce cap et en cette constance, d'autant qu'il donne déjà d'encourageants résultats : la France, lanterne rouge des finances publiques européennes depuis dix ans, est sortie de la procédure pour déficit public excessif ; la croissance, solide et soutenue, atteindra 1,7 % en 2018 et en 2019, contre une moyenne au cours des dix dernières années inférieure à 1 % ; les investisseurs sont confiants et les investissements dynamiques ; enfin, des emplois sont créés, notamment, pour la première fois depuis plusieurs années, dans l'industrie. Parce que nombre de ces résultats - je pense au niveau de croissance, de dépense publique et de chômage - demeurent insuffisants au regard de ceux de nos voisins européens, nous devons faire davantage. La France n'est pas condamnée au chômage de masse, à une dette supérieure à 90 % de son PIB ou à un déficit commercial extérieur !

Nous avons la volonté de redresser les finances publiques tout en relançant la croissance économique, d'autant que le contexte international apparaît préoccupant : le risque de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine n'a jamais été aussi élevé, nombre de pays émergents comme la Turquie ou l'Argentine se trouvent dans des situations économiques difficiles et de multiples incertitudes pèsent sur l'Europe. À cet effet, le Gouvernement a, en priorité, fait le choix du travail pour que davantage de Français travaillent et qu'ils soient mieux rémunérés. Tel est le sens de la suppression des cotisations pour l'assurance chômage et pour l'assurance maladie, effective au 1er octobre, des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et, comme le prévoit le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises dit Pacte, du forfait social de 20 % sur l'intéressement et la participation pour les entreprises de moins de 250 salariés. Nous avons également fait le choix de l'investissement en allégeant la fiscalité sur le capital. Nos entreprises ont besoin de fonds propres pour investir, innover et créer des emplois ; nous avons en conséquence sanctuarisé le crédit d'impôt recherche (CIR), diminué l'impôt sur les sociétés et mis en place un amortissement pour la digitalisation et la robotisation des petites et moyennes entreprises. Nous prônons enfin une croissance durable, respectueuse de l'environnement. Nos concitoyens sont attentifs à ce que nous bâtissions une compétitivité compatible avec l'objectif de transition énergétique. Cela nécessite des décisions courageuses comme la convergence de la fiscalité entre le diesel et l'essence ou la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier. Le succès de la prime à la casse en matière de renouvellement du parc automobile prouve que la fiscalité peut représenter un élément clé la politique environnementale.

La restauration des finances publiques demande un effort de chacun. Nous avons ainsi dû reporter de quelques mois l'allégement des cotisations salariales sur l'assurance maladie et l'assurance chômage pour tenir compte des contraintes budgétaires. Nous demandons le même effort aux entreprises en reportant au 1er octobre 2019 l'allégement de charges de quatre points supplémentaires au niveau du SMIC et en anticipant le versement du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros et en en augmentant le taux. Cet effort me semble légitime l'année où la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de charges offrira plus de 20 milliards d'euros de trésorerie à nos entreprises. Les efforts des Français donnent des résultats tangibles ! Notre déficit public se réduit. En 2019, hors la mesure relative au CICE, il atteindra 1,9 % du PIB, soit le taux plus bas depuis 2001. Notre effort structurel, sur lequel vous vous interrogez monsieur le Président, sera de 0,3 % du PIB en 2019, même si le Haut Conseil des finances publiques estime qu'il est en réalité de 0,2 %, compte tenu du fait que le versement du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés ne constituerait pas une mesure pérenne. Nous allons en conséquence pérenniser le dispositif, tout en améliorant les règles applicables aux pénalités en cas de difficulté à effectuer ce versement. La dette publique, en revanche, s'établira à 98,6 % du PIB à la fin de l'année 2019. Ce résultat n'est pas satisfaisant, même s'il résulte pour partie de la prise en compte, dans un souci de sincérité, de la dette de SNCF Réseau. Mais l'objectif sera tenu : à la fin du quinquennat, la dette aura reculé de cinq points grâce, notamment, aux cessions d'actifs prévues par le projet de loi Pacte. Si de nouvelles marges de manoeuvre apparaissaient au cours du quinquennat pour diminuer davantage la dette publique, nous les utiliserions. Enfin, les prélèvements obligatoires passeront de 45 % du PIB à 44,2 % du PIB en 2019 et le point en moins sur la durée du quinquennat sera atteint. Les promesses de campagne du Président de la République seront tenues, comme le seront nos engagements européens ! Nous engageons ainsi la convergence fiscale européenne validée par l'accord de Meseberg conclu entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, modifions le régime l'intégration fiscale de l'impôt sur les sociétés, transposons la directive sur la lutte contre les pratiques d'évasion fiscale, dite « ATAD », et nous nous mettons en conformité avec un arrêt de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la fiscalité des brevets.

En conclusion, je souhaiterais rappeler ma conviction profonde qu'il n'existe pas de croissance durable sans finances publiques bien tenues. Ceux qui, par le passé, se sont essayé à obtenir plus de croissance en accroissant le déficit, la dette et, finalement, les impôts ont conduit la France sur la voie de l'affaiblissement. Si nous voulons continuer à jouer les premiers rôles en Europe et dans le monde, nous devons redresser nos finances publiques afin de garantir des marges de manoeuvre pour faire face à des difficultés économiques imprévues et investir dans l'innovation et les infrastructures, qui feront le succès de la France de nos enfants.

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