Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en premier lieu remercier nos collègues pour leur travail complet et ambitieux sur le pastoralisme.
Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur l’exaspération et la détresse des éleveurs du département de l’Isère. Comme d’autres éleveurs français, ils sont confrontés depuis de nombreuses années à des attaques de loup de plus en plus nombreuses ; les réponses qui leur sont apportées ne sont pas satisfaisantes.
Monsieur le ministre, il est certain que parler de loup, d’ours, de prédateurs et de pastoralisme au sein de notre hémicycle parisien peut faire sourire. Je me souviens encore du mépris d’un ancien ministre de l’agriculture lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement - les agriculteurs n’ont pas oublié !
Nous savons par avance que nombre d’observateurs s’interrogeront sur l’utilité de notre démarche. Pour certains d’entre eux, le problème de l’articulation entre pastoralisme et prédateurs se résume à une ou deux brebis tuées par an… Pourquoi donc débattre d’un tel sujet ? Mais cela est bien loin de la vérité ! Il est plus que jamais nécessaire et urgent de le rappeler et de porter ici, au cœur de notre représentation nationale, au Parlement, le cri de désespoir des éleveurs qui, chaque jour, pratiquent leur activité la boule au ventre.
Oui, la défense du pastoralisme est d’une importance majeure ! Depuis des siècles, ces pratiques sont présentes en France ; elles façonnent le territoire et le protègent.
Cependant, cette activité est aujourd’hui en danger. Avec plus de 12 000 attaques de loup par an, dont 40 % se déroulent désormais en plein jour et, parfois, à proximité des habitations, les bergers, mais également les élus locaux ne peuvent plus faire face.
Avec un taux de croissance annuel de près de 20 %, près de 500 loups adultes seraient présents en France.
Face à ces chiffres, le montant des indemnisations, plus que jamais nécessaires, explose, jusqu’à atteindre désormais plus de 20 millions d’euros par an.
Dans le même temps, les inquiétudes sont toujours plus nombreuses sur le terrain.
Du fait du développement des activités sportives et de loisirs en montagne, nous constatons des incidents, dont le nombre risque de s’accroître, entre les randonneurs et les chiens de protection, que la présence du loup soumet à une pression continue. Cela aboutit à des drames humains face auxquels les élus locaux n’ont pas de moyens de réponse. Aussi, certains d’entre eux décident de fermer l’accès aux chemins de randonnée pour éviter de subir de telles tragédies.
L’activité économique du pastoralisme étant elle-même menacée, de nombreux éleveurs décident de mettre fin à leur activité.
Cette situation démontre finalement trois choses : le loup gagne la bataille géographique, en avançant sur les terres ; le loup gagne la bataille économique, car la détresse des éleveurs est telle qu’ils sont nombreux à vouloir arrêter leur activité ; le loup, enfin, est en train de gagner la bataille politique face à l’absence de propositions des pouvoirs publics.
Nous connaissons d’ores et déjà les réponses qui nous seront faites.
La convention de Berne et la directive Habitats nous empêchent de mettre en place des politiques plus fermes sur le sujet. Mais peut-on encore considérer le loup comme une espèce en voie de disparition ?
Monsieur le ministre, comment peut-on le prétendre, quand l’ambition du Gouvernement est de réformer et de faire avancer l’Europe ? La détermination de chacun devrait permettre de revenir sur ces textes, alors qu’une majorité de pays européens est désormais affectée par la question des prédateurs.
Le Gouvernement aurait présenté un plan Loup 2018-2023 ambitieux. Toutefois, pour les éleveurs, les mesures prises ne paraissent pas à la hauteur face aux réalités du terrain et aux attentes des acteurs du pastoralisme.
Ce plan illustre parfaitement le peu de considération qu’a le Gouvernement pour les territoires. Face à une telle indifférence, j’espère que la proposition de résolution que nous adopterons permettra au Gouvernement de réaliser des avancées, d’amender le plan Loup et d’ouvrir des négociations sur le sujet au niveau européen afin de revoir à la hausse le nombre de prélèvements par rapport au nombre de loups présents sur les territoires ; c’est une question de bon équilibre de la biodiversité.
En conclusion, je citerai le Président de la République : le 25 janvier 2018, il annonçait vouloir remettre « l’éleveur au milieu de la montagne » ; or, aujourd’hui, nous constatons que ce sont toujours les loups qui sont au milieu de la bergerie !