Intervention de Jean Sol

Réunion du 2 octobre 2018 à 14h30
Comités de protection des personnes — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean SolJean Sol :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a adopté le 25 septembre, en procédure de législation en commission, la proposition de loi relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes.

Dans un contexte où la concurrence internationale s’intensifie en matière d’implantation des essais cliniques, c’est le rang de la France dans la recherche clinique mondiale qui est en jeu. Si notre pays continue de faire partie des cinq pays accueillant le plus d’essais cliniques avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada, l’Espagne et la Belgique commencent à tirer leur épingle du jeu.

Ce n’est toutefois pas par le seul prisme de l’attractivité que nous devons examiner les conditions d’évaluation scientifique et éthique des projets de recherche dans notre pays. La sécurité des volontaires doit demeurer notre première préoccupation, à l’heure où les esprits sont encore marqués par le souvenir de l’affaire Biotrial de 2016. L’indépendance et la pluridisciplinarité de l’évaluation éthique constituent l’ADN des CPP et c’est dans cette logique que notre commission a été à l’origine de l’introduction, dans la loi Jardé, du principe du tirage au sort des CPP.

Le tirage au sort a-t-il allongé les délais d’examen des projets de recherche par les CPP ? Toutes les enquêtes recensées concluent à des délais moyens supérieurs à l’objectif de délai maximal de 60 jours, oscillant entre 70 et 85 jours. En réalité, le tirage au sort a mis en lumière des inégalités entre nos trente-neuf CPP, qui préexistaient à ce mode de désignation.

D’une part, certains CPP n’étaient pas préparés à traiter un flux continu de dossiers et ont dû ajuster leur mode d’organisation à moyens constants. D’autre part, plusieurs CPP rencontrent de véritables difficultés à mobiliser des spécialistes susceptibles d’éclairer le comité dans le domaine de recherche concerné. En 2017, trois CPP ne parvenaient pas à recruter de pédiatres, sept des experts d’essais de phase 1 et onze des experts en radioprotection. L’oncologie, l’oncohématologie, la virologie et l’ophtalmologie constituent d’autres spécialités pour lesquelles des CPP peinent à mobiliser des experts.

Or, à partir de 2020 pour les essais cliniques de médicaments et 2022 pour les essais cliniques de dispositifs médicaux, le silence gardé au-delà des délais réglementaires vaudra accord, et non plus rejet. Il est parfaitement inconcevable que des projets de recherche puissent être entrepris sans validation éthique explicite. Il est d’ailleurs peu probable que les promoteurs s’y aventurent. On peut imaginer qu’ils se reporteront alors sur des pays plus réactifs que nous pour y organiser leurs essais.

Il y va de l’accès des patients aux thérapies innovantes : les essais cliniques suscitent un fort espoir chez des malades qui, après l’échec des thérapies traditionnelles, demeurent en attente d’un nouveau traitement, en particulier en oncologie et en oncohématologie, domaines dans lesquels se concentrent les essais de phase 1 en France. C’est pourquoi nos collègues Catherine Deroche, Véronique Guillotin et Yves Daudigny, dans leur rapport d’information sur l’accès précoce aux médicaments innovants, ont appelé au pragmatisme : ils ont préconisé une modulation du tirage au sort selon la compétence afin d’attribuer un dossier de recherche à un CPP capable de mobiliser des experts dans le domaine concerné.

La présente proposition de loi permet précisément de mettre en œuvre cette recommandation, en modulant le tirage au sort des CPP selon leur disponibilité et leur compétence. L’attribution des dossiers de recherche tiendrait ainsi compte de la charge de travail du CPP et de sa capacité à mobiliser, en interne ou en externe, un spécialiste pertinent pour l’analyse du projet concerné.

Au cours de l’examen de la proposition de loi en commission, Mme la ministre des solidarités et de la santé a confirmé que le critère de compétence serait apprécié souverainement par le CPP et que le système serait suffisamment évolutif pour tenir compte des nouvelles ressources en expertise identifiées par les CPP.

À cet égard, nous plaidons pour la mise en place progressive par la commission nationale de la recherche impliquant la personne humaine d’un réseau national d’experts rapidement mobilisables et pour le déploiement d’un vaste programme de formation des membres de CPP et de leur secrétariat. L’objectif est que plus aucun CPP n’ait, à terme, à se déclarer incompétent sur une spécialité.

Enfin, j’insiste sur l’impératif de prévention des conflits d’intérêts dans l’examen éthique des projets de recherche. Outre le tirage au sort et les déclarations publiques de liens d’intérêts auxquelles sont astreints les membres et experts des CPP, le fonctionnement collégial d’un comité, qui comporte des représentants tant du milieu médical que de la société civile, constitue une garantie puissante d’indépendance.

Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, notre commission a adopté sans modification la proposition de loi. J’invite donc le Sénat à adopter ce texte afin de permettre son application dans les meilleurs délais.

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