Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre groupe et son président, Bruno Retailleau, d’avoir demandé l’inscription, dans l’espace qui lui est réservé, de cette proposition de loi votée à l’Assemblée nationale en mai dernier.
En effet, il est indispensable de renforcer l’efficacité du tirage au sort des comités de protection des personnes institué par la loi dite Jardé.
Dans le rapport d’information qu’Yves Daudigny, Véronique Guillotin et moi-même avons présenté en juin dernier et intitulé Médicaments innovants : consolider le modèle français d ’ accès précoce, une partie est consacrée aux essais cliniques, et notamment aux CPP.
Notre attention a été attirée sur les difficultés rencontrées par les CPP pour accomplir leur mission, les 39 CPP présentant un niveau d’expertise et de réactivité inégal, voire insuffisant, en dépit de l’engagement bénévole et du dévouement de leurs membres : manque d’expertise pour les essais particulièrement complexes, en particulier ceux qui sont spécifiques aux cancers, devenus extrêmement techniques ; forte hétérogénéité des niveaux et des pratiques ; dysfonctionnements administratifs liés à un manque de moyens.
Notre proposition n° 16 vise à renforcer ces CPP et leur expertise en adaptant le tirage au sort en fonction du domaine de l’essai, en mettant en place des formations adaptées et à disposition des experts si besoin, en poursuivant l’harmonisation des procédures d’évaluation et en renforçant les moyens administratifs.
La France dispose de scientifiques de haut niveau, d’établissements d’excellence et de prises en charge de qualité. Néanmoins, on ne saurait nier une perte de vitesse de notre pays, des inégalités territoriales et, surtout, l’effet de cliquet que peut engendrer la réalisation d’un essai de phase 1 dans un autre pays que la France sur les phases suivantes.
La proposition de loi que notre commission a examinée en procédure de législation en commission la semaine passée répond à ces difficultés en mettant en place ces deux critères d’attribution d’un dossier à un CPP : la disponibilité et la compétence.
Je salue le travail de notre rapporteur, Jean Sol, qui a dressé un tableau pragmatique de la situation actuelle, mais aussi posé des exigences pour l’avenir. La ministre Mme Agnès Buzyn a pris des engagements forts ; nous serons vigilants sur la suite qui y sera donnée.
Si le tirage au sort des CPP n’est effectif que depuis novembre 2016, les équipes de recherche clinique d’excellence s’en inquiétaient bien avant. En septembre 2015, le service des essais cliniques de Gustave-Roussy s’en était fait l’écho auprès du président Larcher lors de sa visite à Villejuif.
En tant que présidente du groupe « cancer », créé en juin 2016, j’avais, dès juillet 2016, relayé auprès de Mme Marisol Touraine, alors ministre de la santé, les inquiétudes du département de recherche clinique de Gustave-Roussy et de son directeur sur le projet de décret d’application de la loi Jardé et ses conséquences sur les essais de phase 1 en oncologie pédiatrique, dont la méthodologie est très innovante. Par exemple, il faut savoir que l’essai AcSé-ESMART aurait subi un retard majeur, voire un refus, avec la procédure actuelle de tirage au sort d’un CPP n’ayant jamais évalué un tel essai de médecine de précision. Je soutenais à l’époque la proposition d’un tirage au sort parmi un nombre de CPP limité pour les essais cliniques complexes en cancérologie, afin d’avoir un système d’autorisation fluide et efficace.
C’est resté lettre morte, mais, aujourd’hui, grâce au vote conforme proposé en commission législative, un frein va être levé. Chercheurs, équipes soignantes, patients et familles de patients, laboratoires et biotechs l’attendaient. J’espère, madame la secrétaire d’État, que les délais réglementaires et opérationnels seront très courts – plus courts que ceux de la loi Jardé.
Lors du Comité stratégique des industries de santé – CSIS – de juillet dernier, le Premier ministre s’est engagé à faire de la France le premier pays européen de recherche clinique en cinq ans. À l’heure où débute l’examen du PLFSS et du PLF 2019, nous serons attentifs sur ce que prévoit le Gouvernement sur ce sujet majeur.
L’accélération des innovations est inouïe, notamment avec de nouvelles thérapies – immunothérapie, médecine personnalisée – permettant d’améliorer les taux de survie de patients atteints de cancers ou de maladies rares, ainsi que leur qualité de vie.
Soutenir l’innovation est un devoir dans un contexte budgétaire contraint, mais l’équilibre est délicat à trouver entre l’impératif de sécurité et le défi de la soutenabilité financière de notre système d’assurance maladie.
Dans notre rapport d’information figurent cinq axes de propositions. Un premier pas est fait aujourd’hui, et j’aurai une pensée particulière notamment pour les équipes de chercheurs et les associations qui étaient attachées à cette évolution. La route est encore longue, mais ils peuvent compter sur notre mobilisation. Nous formons le vœu que le Gouvernement accompagne cette route pour lever les freins et relever le défi de l’innovation en santé.
Bien entendu, notre groupe votera en faveur de ce texte.