Intervention de Jean-Marc Lacave

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h30
Audition de M. Jean-Marc Lacave président-directeur général de météo france

Jean-Marc Lacave, Président-directeur général de Météo France :

Merci pour votre invitation. Je suis accompagné de M. François Bolard, secrétaire général de Météo-France, et de M. Olivier Rivière, directeur de la stratégie.

Je vais vous présenter les évolutions et le projet de Météo-France.

Nous avons signé un contrat d'objectif et de performance (COP) avec notre tutelle, contrat qui a été validé en mars 2017 par Ségolène Royal. En novembre, M. Hulot nous a adressé une lettre afin que nous présentions un projet pour 2018-2022 dans le cadre du programme Action Publique 2022. Nous avons remis notre rapport en mai, rapport qui a été approuvé en juin.

La lettre de mission du ministre nous demandait de reprendre les orientations du COP et notamment le renouvellement du supercalculateur. Elle nous demandait également de définir une trajectoire financière assez contrainte et de supprimer 95 ETP par an pendant cinq ans, soit 475 personnes en tout. Nous n'avions jamais réduit autant le nombre d'agents à Météo-France puisqu'auparavant, nous étions plutôt sur une baisse tendancielle de 60 à 75 ETP par an. Notre établissement compte aujourd'hui environ 3 000 agents. Le ministre nous demandait également de tenir compte des évolutions scientifiques et techniques et de revoir l'organisation territoriale de Météo-France. En 1981-1982, l'exécutif avait voulu que nous nous développions sur tout le territoire. Jusqu'en 2012, chaque département comptait un centre météo.

Le COP fixe quatre axes stratégiques : Météo-France défend une logique de services tous azimuts, à l'égard des institutionnels, comme les ministères de l'intérieur, de l'agriculture, de la santé, de la défense, des transports, mais aussi à l'égard des acteurs économiques : nous vendons ainsi des services à des clients de différents secteurs économiques, comme l'énergie, les transports, les médias. Deuxième axe : l'anticipation des risques. Nous déplorons encore des pertes de vies et des destructions de biens du fait des risques naturels, notamment du risque météo ; cyclones, mais aussi pluies violentes. Ainsi, en 2016, il y a eu une vingtaine de morts dans le Sud-est à cause d'un épisode de pluies violentes.

Le troisième axe concerne la sacralisation de la recherche et des infrastructures : sans observations, nous sommes aveugles. Dernier axe : l'efficience, c'est-à-dire l'amélioration à moindre coût.

Dans le projet que nous a demandé M. Hulot, nous avons confirmé le maintien des services institutionnels aéronautiques et des services commerciaux. Sur ce dernier point, les Américains ne l'assurent pas. Pour notre part, nous considérons qu'il est indispensable de mieux appréhender la météo-sensibilité de la société. Nous avons également décidé de maintenir l'enseignement et la recherche : nous sommes un des rares pays à disposer d'une école pour les techniciens et les ingénieurs, ce qui nous permet de nous classer parmi les cinq meilleurs établissements météorologiques mondiaux.

Nous n'avons pas non plus voulu externaliser la maintenance des réseaux d'observation, car cette solution nous semblait onéreuse et n'aurait pas permis de mobiliser les agents qui restent sur le terrain.

Nous avons maintenu l'ambition du COP sur le renouvellement du supercalculateur : tous les cinq ans, les machines deviennent en effet obsolètes. Les observations étant plus nombreuses et les modèles s'améliorant, les capacités de calculs doivent s'accroître en conséquence.

Météo-France étant dans le top cinq mondial, notre activité internationale est très importante. En Europe, nous partageons des modèles identiques avec une vingtaine de pays. Il en va de même avec certains pays d'Afrique et, de façon plus générale, avec les pays francophones. Nous travaillons aussi avec l'Organisation mondiale de la météo (OMM), organisme onusien qui est une sorte de Parlement mondial de la météo.

Pour parvenir à la suppression de 475 ETP, soit 15 % de nos effectifs, nous suivons trois pistes : l'automatisation de diverses tâches, ce qui n'est socialement pas facile à faire admettre au sein de l'établissement. En outre, notre présence territoriale va fortement diminuer : nous ne maintiendrons sur le territoire que le strict nécessaire et nous privilégierons les communications via Internet. Enfin, nous tiendrons compte de la saisonnalité de la météo pour organiser nos équipes.

Le réseau territorial se compose ainsi : le siège se trouve à Paris, mais la Météopole, qui regroupe l'ensemble des services scientifiques et techniques et les calculateurs, se trouve à Toulouse. Nous disposons de sept centres interrégionaux et d'une cinquantaine de centres départementaux. En 2022, nous aurons toujours les sept centres de Lille, de Strasbourg, de Lyon, d'Aix-en-Provence, de Bordeaux, de Rennes et de Paris. Ces régions sont calées sur celles des préfectures de zone. Dans le sud de la France, nous avons conservé l'Aquitaine avec Midi-Pyrénées, mais le Languedoc-Roussillon sera avec la région PACA. Météo-France disposera à cette échéance de onze centres aéronautiques pour la cinquantaine d'aéroports que compte notre pays. En outre, il y aura un centre à Grenoble et un à Tarbes pour surveiller l'état de la neige et les risques d'avalanche. Enfin, certains centres seront conservés pour la maintenance des outils d'observation. Tout le reste sera centralisé sur Toulouse, si bien que nous aurons perdu 40 % des effectifs territoriaux. En 2022, Météo-France devrait compter 2 500 agents.

Cette évolution est bien entendu accompagnée car les personnels ont du mal à comprendre la réduction des moyens alors que les risques climatiques augmentent. Cette réforme est néanmoins possible car, durant la même période, Météo-France enregistrera 600 départs à la retraite. Il n'y aura donc pas de départs forcés. En revanche, il va falloir former, convertir et qualifier le personnel en place sur les postes libérés. En outre, le niveau de compétence devra s'accroître du fait de demandes de plus en plus pointues, comme l'implantation des champs d'éoliennes. Pour que ces évolutions se passent au mieux, j'ai décidé de ne pas imposer de mobilités géographiques. Les agents pourront rester sur leur lieu de travail actuel, grâce au télétravail.

J'en viens à la situation financière de Météo-France. Entre 2012 et 2017, nous avons perdu 419 ETP, soit une baisse de la masse salariale de plus de 9 millions d'euros. En revanche, le compte d'affectation spéciale (CAS) pension nous a obligés à revaloriser la cotisation pour les pensions. La baisse de la masse salariale a ainsi été bien moindre que celle projetée.

Mon prédécesseur, François Jacq, disait en 2013 que Météo-France était « à l'os ». Nous avons pourtant réussi à réaliser de nouvelles économies de fonctionnement à hauteur de 6 millions d'euros par an, mais la situation devient de plus en plus difficile. Les investissements ont également beaucoup diminué alors qu'il conviendrait de renouveler les outils d'observation, comme les radars, les outils au sol et d'accroître nos contributions aux programmes de satellites.

La dotation de l'État se monte à 18,8 millions d'euros. Les recettes du kiosque - numéro d'appel pour les prévisions départementales - se montaient à 10 millions d'euros. Mais, à l'heure d'Internet, le public ne veut plus payer 2,99 euros pour appeler le serveur Météo-France. De 2 000 à 3 000 personnes continuent de l'appeler quotidiennement, ce qui est marginal. Ce service disparaîtra totalement d'ici quelques années. Les redevances aéronautiques sont importantes, mais ont diminué de 1,5 million ces dernières années. Météo-France a ainsi perdu 30 millions d'euros de recettes lors de la récente période. Les charges de l'établissement ont diminué, mais les recettes davantage, si bien qu'il a fallu puiser dans le fonds de roulement, passé de 45 à 33 millions d'euros. La masse salariale s'élève à 249 millions d'euros, soit une vingtaine de millions par mois, à comparer aux 33 millions dont Météo-France dispose en fonds de roulement.

Le renouvellement du supercalculateur doit intervenir d'ici cinq ans. Nous avons demandé une étude socio-économique sur la rentabilité de cet investissement qui, tout confondu - ordinateur, serveurs, usine de refroidissement... -, se monte à 174 millions. Le commissariat général à l'investissement (CGI) nous a demandé une étude pour évaluer la rentabilité de cet équipement. Cette étude a été expertisée et le résultat est sans appel : le rendement est de 1 à 12. Le ministre nous a cependant demandé de réduire l'investissement à 144 millions.

De 2018 à 2022, nous économiserons une vingtaine de millions d'euros en raison de la diminution des effectifs. Nous réduirons aussi les dépenses de fonctionnement. Pour l'investissement, la baisse ne pourra s'élever qu'à un million par an. Les dépenses d'accompagnement pour le personnel initialement estimées à 11 millions ne s'élèveront in fine qu'à 5 millions. Ces dépenses sont essentielles pour aider les agents à accepter ces bouleversements.

Le Gouvernement réduira de 20 millions d'euros la subvention qu'il verse à Météo-France pour charge de service public, ce qui équivaut à la baisse de la masse salariale. Pour le calculateur, il versera 26,4 millions au lieu des 34,4 millions nécessaires, soit 8 millions de moins sur la période et il prévoit 5 millions pour 2019 au lieu des 10 que nous attendions. Pour l'accompagnement, nous avons obtenu 2,9 millions au titre du fonds pour la transformation de l'action publique. Notre fonds de roulement devrait ainsi passer de 33 à 12 millions d'euros. Notre solde budgétaire sera systématiquement négatif année après année avec un creux marqué en 2019. Nous essayons de contractualiser ce projet avec Bercy pour valider cette trajectoire pour les cinq années à venir, ce qui nous éviterait des coups de rabots imprévus tous les ans.

J'en arrive au climat. La COP 21 de 2015 s'était fixé comme objectif pour 2100 un réchauffement nettement inférieur à 2 degrés par rapport à l'ère préindustrielle. Avec les engagements actuels, nous allons plutôt vers un réchauffement de 3 degrés.

Météo-France apporte une contribution importante au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), notamment grâce à un de nos chercheurs qui coordonne un chapitre entier du futur rapport. Avec CMIP6 (Coupled model intercomparison project), chaque pays compare ses modèles de simulation à ceux des autres nations. Dans le rapport précédent, nous avions le meilleur modèle mondial pour les températures moyennes. Météo-France contribue également au plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-2).

Notre établissement fournit de nombreuses données sur le climat depuis les années 1950, comme les pluies extrêmes en région méditerranéenne, les sècheresses... Il propose de nombreuses données sur le climat présent avec, par exemple, les bulles de chaleur de ces dernières années et celle de 2018. Il est également possible de voir l'état de sécheresse des sols département par département par rapport à des normales historiques. Enfin Météo-France fournit des données pour évaluer le climat futur. Ainsi, les étés de 2003 et de 2018 seraient considérés comme des étés frais en 2050, si aucune politique climatique n'est menée. De même, la hauteur de neige à 1 500 mètres d'altitude sur le Mont Blanc diminuerait rapidement d'année en année.

Il est difficile de dire si un évènement isolé résulte du changement climatique, mais Météo-France peut estimer la probabilité des temps de retour de tels phénomènes. Or, ceux-ci ont tendance à se réduire, passant de 100 ans à 5 ans en cas de fortes chaleurs.

Météo-France propose au public et aux secteurs économiques de nombreux sites pour présenter ses études et ses statistiques.

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