Intervention de Jean-Marc Lacave

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h30
Audition de M. Jean-Marc Lacave président-directeur général de météo france

Jean-Marc Lacave, Président-directeur général de Météo France :

Merci pour ces questions, intéressantes, ainsi que pour votre soutien.

En matière de communication, il s'avère qu'il existe un fossé entre ce que l'on fait et ce que l'on transmet. Qu'il s'agisse de la fonte des glaciers ou de la pollution de la vallée de l'Arve, nous sommes très engagés avec nos partenaires locaux. Il existe ainsi des travaux communs avec la société d'autoroute concernant la vallée de l'Arve en matière d'alerte à la pollution, dans le but de trouver des solutions durables. Peut-être Météo-France ne sait-elle toutefois pas comment faire pour que le plus grand nombre puisse en bénéficier.

Je vous invite à utiliser les applications de Météo-France plutôt que celles qui sont livrées avec vos Smartphone. La nôtre présente le défaut de comporter de la publicité, mais 1 million à 1,5 million de visiteurs l'utilisent chaque jour, et il serait dommage de ne pas tirer bénéfice de cette audience. Je cherche à créer une version payante sans publicité, mais c'est très difficile à mettre au point, pour des raisons administratives.

Il existe également un site Internet, dont les onglets qui permettent d'obtenir des informations qui dépassent les prévisions du jour. Celles-ci expliquent aux visiteurs ce que sont l'observation, la prévision, le climat, les phénomènes extrêmes, etc.

Beaucoup de sites existent. Nous avons fait quant à nous le choix de robotiser les informations basiques. J'estime en effet que le plus important n'est pas de donner une température exacte à un ou deux degrés près. Cependant, nous ne robotisons pas les informations sensibles relatives aux phénomènes extrêmes.

En France, nous avons conservé sept grandes régions. Au Royaume-Uni, le service météorologique est entièrement centralisé, mais la climatologie et l'horographie ne sont pas comparables à celles de la France, où il existe une façade maritime, des montagnes, un arc méditerranéen et des zones climatologiques multiples.

En France, nous avons fait le choix de ne pas tout centraliser, et j'espère que cela continuera après 2022 car, en matière de phénomènes dangereux, l'expertise doit demeurer humaine. Rien ne vaut une intervention humaine pour établir une prévision fine.

On est bien sûr satisfait de disposer d'un grand nombre de modèles d'observation et de données, mais c'est l'homme qui est le mieux à même de réaliser la synthèse au sujet de phénomènes à enjeux.

J'ai parfois vu les mêmes machines prévoir qu'un orage se dirigerait à droite et, une heure plus tard, de le prévoir à gauche. En effet, les phénomènes d'orages très localisés, en particulier sur l'arc méditerranéen, ne sont pas encore suffisamment modélisés ni observés dans leur état initial de façon satisfaisante pour que l'on se fie uniquement à la machine. C'est toute la base de l'architecture de demain de Météo France.

Je n'ai pas suffisamment parlé de France Stratégie. Je vois que vous connaissez fort bien les études qui ont été produites, l'une sur le supercalculateur, l'autre sur l'apport en argent de Météo-France dans la fourchette d'1 à 2,5 milliards d'euros.

Comment en tient-on compte dans le budget ? Je solliciterai un joker si vous le permettez. Je pense que cette étude a été prise en considération. Notre budget aurait-il été différent sans cela ? Je ne sais pas. Je ne veux pas porter la moindre critique à l'égard de mes tutelles, mais les voies de Bercy sont souvent impénétrables.

Nous travaillons sur l'érosion du trait de côte et le rôle de Météo-France, tout comme sur la communication. Météo France est à présent obligé de modéliser la partie superficielle de la mer, en particulier les vagues, les courants et la température qui interagissent avec l'atmosphère. On sait ainsi ce qui se passe sur les vagues hauturières, mais on est également amené à modéliser les vagues côtières, grâce à la bathymétrie fournie par le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). C'est donc bien Météo-France qui travaille aujourd'hui sur l'érosion du trait de côte, en étroite collaboration avec le Cerema.

Il n'y a pas de souci avec le service de maintenance et d'observation ou en matière aéronautique, mais il est vrai que la gestion de la coexistence entre Nantes et Rennes n'est guère facile.

S'agissant de la mise en cause juridique ou pénale, la question nous taraude un peu, mais elle n'a jamais été mise sur la table pour l'instant. Le fait de faire tous les efforts possibles pour apporter la meilleure information, tout en reconnaissant que celle-ci a ses propres limites, nous épargne les mises en cause directes. Ce n'est toutefois pas ce qui nous motive en matière de vigilance, car c'est un sujet de tous les jours. On connaît environ une alerte et demie de vigilance par semaine, soit 70 à 80 épisodes par an. Nous sommes extrêmement attentifs aux dommages qui peuvent être causés aux personnes et aux biens. Je regrette que certains éprouvent le sentiment que l'on en fait trop. Ce n'est certainement pas pour se prémunir contre les risques juridiques ou pénaux mais parce que, en l'état de l'art, nous sommes, en parfaite bonne foi, convaincus qu'il existe un vrai risque et qu'il faut donc alerter la population. Je regretterai que l'on banalise ceci.

Une ministre de l'environnement m'a un jour demandé de forcer le nombre d'épisodes de canicule. Je lui avais expliqué que c'était la seule chose à ne pas faire, sous peine de ne plus être crédible. La pression n'est pas simple à gérer.

La question concernant la limite départementale est une excellente question. De fait, l'objectif est d'adopter une démarche infra-départementale. Aujourd'hui, nous ne savons pas le faire. Cela signifie des zones géographiques plus restreintes et des maillages très précis, que nous ne sommes pas capables de mettre en place. Il faut aussi tenir compte de l'articulation avec les collectivités et les préfets, qui ont autorité sur le département. On y travaille toutefois, car c'est absolument nécessaire.

Je ne reviens pas sur la réponse concernant les barrages : nous travaillons avec EDF et tous les concessionnaires d'ouvrages hydrauliques. La communication est déjà en place. Le Conseil supérieur de météorologie (CSM) nous permet de mettre tous les secteurs économiques en présence. Une commission dédiée traite de ces questions.

Nous pouvons bien entendu vous communiquer des informations relatives à l'accord avec les collectivités locales. Nous disposons d'un certain nombre d'abonnements. Des contrats ont également été souscrits auprès de la société Predict Services en matière de gestion de crise.

S'agissant des zones humides, nous sommes bien entendu prêts à recevoir votre mission. Je ne suis pas certain que nous disposions d'une mémoire des zones humides elles-mêmes, mais on peut vous apporter les informations utiles dont nous disposons. Je n'y vois que des avantages.

Quant à la coopération européenne sur le trait de côte, elle existe. Elle est multiforme et comporte des accords bilatéraux. Nous travaillons sur les Pyrénées avec les Espagnols, sur la vallée du Rhin avec les Allemands. Par ailleurs, Copernicus, programme de la Commission européenne, met beaucoup d'argent sur la table pour développer des services dans le domaine du climat. On contribue par exemple à des sites d'information sur la qualité de l'air à l'échelon européen. Chacun apporte son information et la met dans un pot commun européen. La Commission européenne joue de ce point de vue un rôle très positif à mon sens en apportant des moyens significatifs pour aider à cette dynamique commune.

Concernant les PLU, on n'intervient pas directement dans la délivrance des permis de construire, mais on fournit des données en matière climatique afin que les collectivités ou les intercommunalités connaissent les perspectives actuelles et à venir.

Quant aux dictons, certains à Météo-France ont en effet écrit des articles sur leur validité en matière météorologique. Quelques-uns sont d'ailleurs fondés.

Enfin, s'agissant de CREWS, nous sommes notamment engagés au Burkina Faso, en Afrique subsaharienne, avec des projets financés soit par la Banque mondiale, soit par le fonds de Sendai mis en place par Laurent Fabius. C'est sur ces programmes que Météo-France apporte son expertise.

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