Intervention de Jean-Noël Guérini

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h30
Projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le conseil des ministres de bosnie-herzégovine portant sur l'application de l'accord du 18 septembre 2007 entre la communauté européenne et la bosnie-herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini, rapporteur :

L'Union européenne a signé un accord de réadmission avec plusieurs pays des Balkans - Serbie, Monténégro, Macédoine, Bosnie-Herzégovine - entré en vigueur le 1er janvier 2008. Conformément aux dispositions de cet accord, la France et la Bosnie ont signé, en juillet 2014, un protocole portant sur son application afin d'en définir les règles relatives à la désignation des autorités compétentes en matière de traitement des demandes de réadmission et de transit, d'organisation des auditions et de délivrance des laissez-passer consulaires ; à la désignation des points de passage et à l'échange des points de contact ; aux conditions de rapatriement sous escorte, y compris au transit de ressortissants d'États tiers et d'apatrides ; ainsi qu'aux documents considérés comme preuves ou commencements de preuves de la nationalité, qui complètent ainsi les listes contenues dans l'accord de 2007.

Le protocole ne fait que préciser, voire compléter, des dispositions déjà existantes. Il a été négocié par les autorités de nos deux pays afin de rendre effective la mise en oeuvre de l'accord-cadre de réadmission.

La pression migratoire en provenance de Bosnie-Herzégovine est peu importante dans l'Hexagone. En 2016, la France a enregistré 350 primo-demandes d'asile émanant de ressortissants Bosniens contre 540 primo-demandes l'année suivante, soit un nombre inférieur à celui enregistré par l'Allemagne ou la Suède. Le taux d'accord était faible puisqu'il n'était que de 17 % l'an dernier alors que le taux moyen de protection - c'est-à-dire d'octroi du statut de réfugié - s'établissait en France à 36 %.

Sur le plan migratoire, la Bosnie-Herzégovine est davantage un pays de transit qu'un « pays source », principalement pour les pays de la région - la Turquie, le Kosovo et l'Albanie. En revanche, compte tenu de son relief, elle n'est pas directement située sur la route migratoire en provenance de Grèce, contrairement à la Macédoine et à la Serbie.

L'accord de 2007 permet précisément la réadmission sur le territoire bosnien de ses nationaux et des personnes originaires de pays tiers ou apatrides ayant transité ou séjourné en Bosnie-Herzégovine, ainsi que des personnes disposant d'un visa bosnien. La Bosnie peut donc être contrainte de reprendre ces ressortissants étrangers s'il est établi, par exemple, qu'ils possèdent un visa en cours de validité délivré par ses autorités ou qu'ils sont entrés en France après avoir séjourné ou transité par son territoire.

Au cours des trois dernières années, le nombre de mesures d'éloignement décidées annuellement à l'encontre de ressortissants bosniens était en moyenne de 375. Ce nombre, relativement faible, est par ailleurs en constante baisse.

Le ministère de l'intérieur juge satisfaisante la coopération avec la Bosnie-Herzégovine en matière d'identification des ressortissants bosniens, de traitement des demandes de réadmission et de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais utiles à l'éloignement dont le taux s'établissait, en 2017, à 72 %. Ce pays fait figure de « bon élève » puisque le taux d'exécution moyen des mesures d'éloignement est de 51 %, d'après l'ambassadeur chargé des migrations que nous avons auditionné mercredi dernier.

Soucieuse d'offrir de solides gages en matière de lutte contre l'immigration illégale, la Bosnie-Herzégovine a initié les négociations en vue de la conclusion du présent protocole. Candidat à l'entrée dans l'Union européenne, cet État sait que son intégration est conditionnée à l'accomplissement de progrès, notamment sur les questions migratoires.

En 2010, le Conseil de l'Union européenne a voté en faveur d'un régime d'exemption des visas pour les citoyens bosniens vers l'espace Schengen. Le premier bilan de ce processus de libéralisation, publié dans un rapport en décembre 2017, constate que « la coopération en matière de réadmission se poursuit sans heurts pour tous les pays concernés, qui enregistrent, dans l'ensemble, des taux de retour élevés ». La Commission européenne estime que la Bosnie continue de répondre aux critères prédéfinis, mais qu'une « attention supplémentaire doit être accordée au respect des délais et à l'amélioration des procédures d'identification ». À cette fin, le pays a entrepris plusieurs réformes visant à améliorer son organisation dans la gestion des migrations pour faire face à une éventuelle augmentation des flux migratoires.

Je préconise l'adoption de ce projet de loi, à la portée certes limitée, mais qui va dans le bon sens - celui d'une amélioration du contrôle des flux migratoires. La partie bosnienne l'a déjà ratifié. Après son adoption par l'Assemblée nationale en juin dernier, l'adoption de ce projet de loi par le Sénat constitue l'ultime étape avant la ratification du protocole, puis son entrée en vigueur. L'examen en séance publique est prévu le jeudi 11 octobre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) s'abstenant.

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