Intervention de Maurice Gourdault-Montagne

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. Maurice Gourdault-montagne secrétaire général du ministère de l'europe et des affaires étrangères

Maurice Gourdault-Montagne, secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Je vous remercie de l'attention que vous portez au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. J'ai le plaisir de revoir nombre d'entre vous que j'ai rencontrés lors de mes différents postes. Je m'exprimerai dans la plus absolue confiance sur la transformation du ministère.

C'est une réforme de plus, après la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la modernisation de l'action publique (MAP), dans lequel il y a une dimension supplémentaire : l'ensemble des moyens de l'État est pris en compte dans la démarche Action publique 2022. Nous avons fait des propositions dans un triple but : rationaliser les moyens de l'État, moderniser, rendre un meilleur service public à l'usager.

Le Comité Action publique 2022 rassemblait des personnalités d'influence, qui ont apporté un regard extérieur sur le ministère des affaires étrangères. Un sous-comité sur le régalien comprenait Mme Véronique Bédague-Hamilius, M. Ross McInnes, président du conseil d'administration de Safran, M. Philippe Josse, conseiller d'État, M. Axel Dauchez, ancien directeur de Deezer, très actif dans la Station F. Une puis deux versions de transformation du Quai d'Orsay ont été rédigées, et le ministère a eu un débat contradictoire avec le Comité Action publique. Le ministre a ainsi fait des propositions au Premier ministre, qui a réalisé des arbitrages au printemps 2018. Le Premier ministre, à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices, a annoncé une réorganisation des modes de gestion des réseaux de l'État - et non seulement des réseaux du seul ministère des affaires étrangères - à l'étranger, par la création d'une agence de l'État à l'étranger. Elle renforcera le rôle du ministère dans le pilotage de l'action extérieure.

Nous avons commencé à travailler pour renforcer concrètement le décret de novembre 1979 sur les pouvoirs des ambassadeurs. Il n'y a pas de dispositions réglementaires à ajouter à ce décret, mais il faut donner des soubassements à la réforme. Les fonctions support des ambassades - chauffeurs, secrétaires, interprètes, agents d'entretien - seront regroupées sous un même chapeau. Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) de 2003 en avait recensé une quarantaine, très dispersées, qui relèvent de ministères différents avec des statuts différents. En les unifiant sous l'autorité de l'ambassadeur, cela simplifiera la gestion et rationalisera le coût de leur fonctionnement. Je n'en parlerai pas plus car le ministre de l'Europe et des affaires étrangères vous présentera la semaine prochaine le projet de loi de finances pour 2019. Conséquence de ce transfert des fonctions support au ministère des Affaires étrangères, 387 ETP seront versés au Quai d'Orsay avec 15 millions d'euros de frais de fonctionnement. Auparavant, des services communs de gestion avaient été établis dans les années 2000 pour un début de rationalisation et une mutualisation de certains moyens à la tête de l'ambassade, sans aller toutefois jusqu'au bout.

Deuxième étape, l'ambassadeur va avoir la charge et la responsabilité de constituer son équipe - à la différence d'aujourd'hui. Un chef de pôle diplomatique trouvait à son arrivée des gens en place et qui parfois ne correspondent pas exactement aux missions qui sont prioritaires pour son action : un conseiller social peut être à un certain endroit sans aucune concertation avec les chefs de poste respectifs, ou bien un poste de conseiller agricole avait été supprimé à Londres... Désormais, l'ambassadeur, au titre de son plan d'action, demandera les moyens en personnel qui correspondent, pour tous les réseaux de l'État à l'étranger - même si chaque ministère demeure responsable de ses agents. Cela se fera dans un dialogue avec les ministères et le Quai d'Orsay qui chapeaute l'ensemble. C'est une manière de décliner dans les moyens humains le plan d'action, lui-même la déclinaison de la lettre de mission du Premier ministre au ministre et ensuite individualisée selon chaque poste diplomatique. L'institution d'une agence de l'État à l'étranger devrait être un progrès pour éviter l'effet silo de chaque administration, pour plus de coordination et d'efficacité de l'action de notre pays.

En contrepartie de ce transfert des fonctions support et la configuration par ambassadeur de son équipe, le Premier ministre nous a demandé des économies, et une réduction de 10% de la masse salariale - et non des effectifs. Auparavant, nous étions le seul ministère à connaître une réduction constante de ses effectifs ; nous n'étions jamais prioritaires, alors que nous sommes un ministère régalien !

Désormais, nous participons à un effort collectif de l'État et on nous demande de réduire la masse salariale, en faisant les adaptations nécessaires. Ce changement d'angle permet éventuellement de conserver les effectifs en transformant certains ETP, comme ceux d'expatriés, coûteux, en contrats de recrutement local ou en contrats de recrutement sur place (CRSP) - des recrutés locaux avec une partie de l'indemnité de résidence. Voilà l'objectif, louable ; nous examinons s'il est applicable...

Le Gouvernement attend 110 millions d'euros d'économies d'ici 2022 ; le ministère des affaires étrangères en ferait 78 millions d'euros, ce qui correspond à sa part de 80% dans les réseaux de l'État à l'étranger. Cette réforme s'appliquera de 2019 à 2022.

En 2019, il nous est demandé un effort de masse salariale de 13 millions d'euros, soit une réduction de 130 ETP, un effort important de 8% des 1 450 ETP qui devraient être supprimés sur l'ensemble du budget de l'État - alors que nous ne représentons que 0,7% des effectifs. Nous sommes habitués à fournir des efforts et nous jouerons le jeu. Pour être plus efficients, nous moderniserons le ministère, notamment par le numérique, qui a permis des économies très importantes. Ces économies se concrétiseront aussi par le transfert en provenance des autres ministères, pour le programme 105, de 387 emplois sur 411 cette année, et le reliquat en 2020. Il nous sera transféré 15 millions d'euros de crédits de fonctionnement. Ce sont uniquement des recrutés locaux, emplois peu coûteux et relevant du droit local.

La réforme nous transfère aussi, dès cette année, l'ensemble du patrimoine immobilier de l'État qui n'appartenait pas au ministère des affaires étrangères : 215 biens immobiliers nous seront transférés dès 2019, et les fonctions supports transférées serviront aussi à gérer ce patrimoine venant notamment des ministères des Finances et de la Défense.

Le ministre a confié à M. Alain Le Roy, ambassadeur de France, une task-force en lien avec Matignon et l'interministériel. Nous avons consulté les ambassadeurs sur la configuration de leurs équipes - l'effort sera étagé entre 2020 et 2022 - et les directeurs d'administration centrale et les directeurs de secteurs géographiques. Certains postes subiront une baisse de la masse salariale de 7%, d'autres de 10%, et d'autres de 13%. Parfois, un petit poste est plus prioritaire qu'un gros poste... Nous allons reconsidérer notre manière de travailler.

Nous aurons plusieurs types de postes : ceux dans un pays en crise ou de sortie de crise, ou dont la fragilité institutionnelle justifie de maintenir intacte l'empreinte française seront le moins impactés, en théorie à 7% ; les postes de présence diplomatique, avec un effectif de trois à cinq personnes - dont l'ambassadeur - ne contribueront pas à l'effort ; les postes de nos principaux partenaires stratégiques, situés dans des pays à intérêt diplomatique fort dans leur environnement régional, seront taxés à 7% ; les grands postes auprès de nos partenaires multilatéraux, les États du P5, les postes européens ou certains grands postes de pays émergents seront mis fortement à contribution, avec 13% de réduction des effectifs.

Tout ceci reste encore théorique. Nous avons interrogé nos ambassadeurs de manière individualisée. Nous ne connaissons pas la masse salariale et n'avons pas le droit de la publier ; nous avons seulement des indices - une personne de catégorie C est un indice 100, un conseiller un indice 250... Ces chiffres sont consolidés par les ambassadeurs qui reconstituent ainsi leur masse salariale et estiment comment ils peuvent la réduire de 7 à 13%, proposent des options, et évaluent les conséquences sur leur missions. Avec une diminution de la masse salariale et des effectifs, nous ne pourrons pas poursuivre les mêmes missions. Mais parfois, licencier un agent de recrutement local peut coûter plus cher qu'un expatrié : au Japon, l'indemnité de licenciement correspond à un mois de salaire par année exercée. Nous avons envoyé hier des télégrammes individualisés aux ambassadeurs, et attendons leur retour pour le 15 novembre. Le ministre fera alors ses propositions au Premier ministre, qui arbitrera.

D'ici le 1er janvier 2019, nous devrons mettre au point un contrat de gestion avec l'ensemble des ministères pour tenir les étapes successives, année après année. Un « jaune budgétaire » annuel sera consacré à la réforme et à sa mise en oeuvre jusqu'en 2022.

L'AFD est exclue du périmètre, tandis que les opérateurs Business France et Atout France sont concernés, avec une mission demandée par le Premier ministre à l'IGF et à l'Inspection des affaires étrangères sur leur rapprochement. Seront exemptés la Villa Médicis, la Villa Kujoyama, la Casa de Velazquez, l'École Française de Rome, organisations prestigieuses, car une réflexion est en cours.

Vous serez informés des principales évolutions. Cet exercice complexe, dont nous essayons de tirer le meilleur, nous amènera à reconfigurer nos équipes et à réorienter nos missions. Nous le ferons en concertation avec la représentation nationale et la Haute Assemblée, pour répondre à nos besoins et fournir un meilleur service public.

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