Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 3 octobre 2018 à 14h30
Soixantième anniversaire de la constitution de la ve république — Allocution de m. le président du sénat

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Mes chers collègues, monsieur le ministre, demain, nous célébrons le soixantième anniversaire de la Ve République. « Rendre la République forte et efficace », telle fut la volonté du général de Gaulle. Le 4 septembre 1958, sur la place de la République, il souhaita « que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu’il mandate, qu’il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national, qu’il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, que le Parlement et le Gouvernement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. »

En soixante années, marquées par des crises économiques, sociales et politiques, nos institutions ont toujours résisté aux chocs. Après quatre alternances politiques et trois cohabitations, notre Constitution a fait la démonstration de sa solidité. Je pense également à la fin du processus de décolonisation, à la crise de mai 1968, ou encore, si près de nous, aux terribles événements qui frappent notre pays depuis janvier 2015.

À l’heure où certaines des grandes démocraties européennes, d’ailleurs fondatrices de l’idée d’union, connaissent l’instabilité, notre Constitution est une chance pour notre pays.

En 1958, en pleine crise institutionnelle, il fallait remédier à l’instabilité gouvernementale de la IVe République qui paralysait le pays alors qu’il était confronté à des défis majeurs. La nouvelle Constitution allait donc renforcer le pouvoir exécutif et rompre avec ce que l’on qualifiait de « régime des partis » pour rendre l’action publique plus efficace.

Le Président de la République est devenu un arbitre, tel que défini par le discours de Bayeux, au-dessus des partis politiques, et il dispose de compétences propres. Après la révision constitutionnelle de 1962, il a eu la légitimité du suffrage universel direct.

À vingt-quatre reprises, notre Constitution a été révisée, pour renforcer l’État de droit et les pouvoirs du Parlement avec l’élargissement, en 1974, des modalités de saisine du Conseil constitutionnel, pour se conformer à nos engagements européens et internationaux – je pense notamment au traité de Maastricht, en 1992 –, pour consacrer le caractère décentralisé de notre République et les libertés locales, en 2003, ou encore pour marquer notre attachement à certaines valeurs – je pense à la constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort, en 2007.

Au fil du temps et de la pratique, mais aussi avec le passage au quinquennat et avec l’inversion du calendrier électoral, les équilibres de la Ve République ont évolué. Pour reprendre la citation du sage Solon, à laquelle le général de Gaulle faisait référence à Bayeux, « quelle est la meilleure Constitution ? Dites-moi d’abord pour quel peuple et à quelle époque. »

Il s’est donc avéré nécessaire d’adapter notre système institutionnel pour rééquilibrer les pouvoirs. La meilleure illustration de cette adaptation est la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, issue des travaux de la commission dite Balladur : un pouvoir exécutif mieux contrôlé, un Parlement renforcé et des droits nouveaux pour les citoyens.

Mes chers collègues, renforcer les prérogatives du Parlement est en réalité indispensable à notre démocratie. Un gouvernement qui ne rend pas de comptes aux représentants du peuple, un gouvernement qui n’est pas régulé dans sa production législative est un gouvernement contestable. Montesquieu l’exprimait : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Préserver les pouvoirs du Parlement, c’est préserver les fondements de la démocratie représentative. Affaiblir le bicamérisme, c’est affaiblir tout le Parlement.

L’un des fondements de la Ve République, c’est, quoi que l’on ait dit et malgré les vicissitudes de l’histoire, le bicamérisme ; il est au cœur du discours de Bayeux : « Il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le premier mouvement d’une telle assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. »

Le dialogue bicaméral et la navette parlementaire, à laquelle je suis tellement attaché, comme je suis attaché à la commission mixte paritaire, sont des conditions de la qualité de la loi.

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