Madame la présidente, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est évidemment avec grand plaisir que je viens échanger avec vous sur la question du baccalauréat. Il s’agit d’un sujet dont a déjà discuté le Sénat à l’occasion de différents débats que nous avons eus précédemment, mais nous avions en quelque sorte rendez-vous, rendez-vous qui a lieu aujourd’hui, pour approfondir tout ce qui touche au baccalauréat.
Nous savons tous que, en travaillant sur le baccalauréat, nous travaillons en réalité sur l’ensemble du système scolaire. En effet, transformer le baccalauréat a un impact sur le lycée – général, technologique, professionnel –, mais aussi sur l’ensemble du système scolaire, dès la petite section de maternelle.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, que vous avez évoqué, madame la présidente de la commission, celui des compétences orales. Avec le grand entretien de fin d’année, nous avons voulu signaler à l’ensemble du système scolaire que nous voulons des élèves ayant confiance en eux-mêmes, capables de s’exprimer oralement et d’user d’arguments rationnels. Nous savons que cela ne constitue pas aujourd’hui un point fort des élèves français, et nous avons comme priorité l’émergence d’une excellente capacité d’expression écrite et orale en français, pour tous. Voilà l’un des exemples de signal qu’envoie la réforme du baccalauréat.
L’objectif de cette réforme pourrait se résumer en une formule : en réformant le baccalauréat, nous voulons que, en le préparant, les élèves préparent ce qui les fera réussir après. En d’autres termes, nous voulons en finir avec une certaine artificialité de l’exercice, qui a même donné lieu à une création sémantique – le bachotage, terme péjoratif. Nous voulons conserver le baccalauréat, le fortifier et en finir avec ce bachotage, afin que, grâce à la préparation de cet examen, grâce à cet horizon donné à chaque élève de France, existe un tremplin vers la réussite dans l’enseignement supérieur, réussite qui a fait défaut jusqu’à aujourd’hui.
Différentes réformes doivent contribuer à cette réussite ; je pense évidemment à la réforme de Parcoursup, que vous avez évoquée, madame la présidente.
Je veux d’emblée vous répondre que, oui, cette réforme contribuera à donner plus de sens au baccalauréat, puisque les notes pourront être davantage prises en compte au moment des admissions dans l’enseignement supérieur. La question des calendriers sera donc réglée dans un sens qui permettra une telle prise en compte des disciplines de spécialité.
Le Premier ministre avait précisé, dès sa déclaration de politique générale, que la première session de ce nouveau baccalauréat interviendrait en 2021 et qu’elle concernerait donc les élèves entrés en classe de seconde en septembre 2018. Le Président de la République lui-même avait pris au cours de la campagne présidentielle des engagements sur la structuration de ce nouveau baccalauréat, notamment sur la question du contrôle continu et des épreuves anticipées.
Après une consultation conduite par M. Pierre Mathiot, à qui j’avais confié cette mission, puis une concertation que j’ai menée personnellement avec les partenaires de l’éducation nationale, nous avons, au mois de février dernier, présenté une réforme dont je souhaite aujourd’hui présenter de nouveau les grandes lignes et, bien entendu, préciser les détails.
Tout d’abord, je rappelle que le baccalauréat 2021 comprendra, comme aujourd’hui, une épreuve anticipée de français en classe de première, puis quatre épreuves terminales. Ces différentes épreuves représenteront 60 % de la note finale au baccalauréat, lequel aura pour point d’orgue deux moments très importants.
Le premier sera une épreuve de philosophie commune à tous les élèves. C’est là un point important.
Oui, madame la présidente de la commission, la philosophie sort de cette réforme revigorée, et cela à plus d’un titre. Elle l’est sur le plan horaire, notamment pour les élèves à profil scientifique, qui, à l’avenir, suivront quatre heures de cours de philosophie au lieu de trois aujourd’hui. Par ailleurs, les élèves qui veulent se spécialiser en philosophie pourront choisir la nouvelle spécialité que nous avons intitulée « humanités, littérature et philosophie ». Nous renouvelons donc à la fois les contenus, les contours et les volumes horaires de cette discipline, qui est affichée comme un moment clef en fin de parcours.
Le second moment essentiel sera l’épreuve orale, un grand entretien devant un jury qui permettra à l’élève d’exercer sa compétence d’argumentation.
Par ailleurs, pour valoriser la régularité du travail des lycéens, donc pour contribuer à en finir avec le bachotage que j’ai évoqué, il y aura une grande part de contrôle continu, qui représentera quelque 40 % de la note finale. En particulier, le lycéen sera régulièrement évalué lors d’épreuves communes, qui représenteront 30 % de la note finale, donc les trois quarts du contrôle continu. Ces épreuves communes seront organisées dans trois à cinq disciplines – selon les cas –, qui ne sont pas évaluées dans les épreuves terminales. Elles seront comparables à ce que sont les baccalauréats blancs aujourd’hui.
Madame la présidente de la commission, je veux répondre à une autre de vos questions : bien entendu, l’objectif n’est pas de créer une lourdeur supplémentaire dans le système. Il est, au contraire, d’épouser des pratiques qui existent déjà, comme celle des baccalauréats blancs, que les lycées connaissent bien. Ces pratiques doivent garantir à la fois l’objectivité – c’est le sens des banques de sujets – et la souplesse – c’est le sens de la large autonomie d’organisation confiée aux établissements – du dispositif.
Ces épreuves communes auront évidemment de l’importance pour souligner la régularité du travail de l’élève. Toutefois, nous voulons aussi, grâce au contrôle continu, susciter un autre effet positif pour la société française : à partir de 2021, le mois de juin ne sera plus accaparé par les examens, au détriment des cours des élèves non seulement de terminale, mais aussi de seconde et de première. C’est une transformation sociétale très importante qui se joue là : la société française ne sera plus organisée de la même façon au mois de juin, tout simplement parce que les lycéens ne seront plus amenés à vaquer.
Bien sûr, notre objectif n’est pas de reporter la lourdeur qui se manifeste aujourd’hui vers d’autres moments de l’année. Il est, au contraire, de nous doter d’une certaine souplesse. Outre la part équivalant au contrôle continu, le quart restant des 40 % de la note finale correspondra aux bulletins scolaires, qui seront donc pris en compte à hauteur de 10 % de la note finale, afin de valoriser la progression des élèves au cours du cycle.
Les élèves ne joueront donc plus leur examen sur une seule semaine d’épreuves. L’organisation sera mieux répartie sur les classes de première et de terminale. Elle ne paralysera plus les lycées en fin d’année scolaire. Aussi, le baccalauréat de 2021 sera à la fois pleinement national, pleinement juste et pleinement facteur de réussite.
Comme je le soulignais au début de mon propos, cette réforme aura évidemment un impact sur le lycée. Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur le baccalauréat en tant que tel, mais, je tiens à le signaler, à partir de la rentrée de 2019 le lycée français entamera une métamorphose importante. Nous en avons déjà une première saveur en cette rentrée pour ce qui concerne la classe de seconde, notamment avec les cinquante-quatre heures consacrées à l’orientation et avec le test de positionnement, qui a été organisé ces derniers jours pour offrir un accompagnement personnalisé en français et en mathématiques aux élèves de seconde qui auraient des bases fragiles.
À partir de la rentrée de 2019, l’implantation des spécialités permettra d’accompagner au mieux les élèves, de les soutenir dans leur parcours et d’organiser les approfondissements nécessaires. Madame la présidente de la commission, je veux là encore vous rassurer : le processus d’implantation des spécialités obéira à un impératif d’équité territoriale et même de compensation territoriale.
Dès l’annonce de la réforme, j’avais indiqué qu’il y aurait douze spécialités, dont sept se retrouveraient partout, dans tous les lycées de France, à quelques très rares exceptions près, liées à la taille des établissements. En outre, une ou plusieurs des cinq autres spécialités seront proposées dans les lycées. Il s’agira d’un outil d’équité territoriale, parce que nous implanterons ces spécialités de façon privilégiée dans les établissements ayant besoin de renforcer leur attractivité, qu’ils soient urbains ou ruraux.