Intervention de Jacques Bigot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h15
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice et projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions — Examen du rapport et des textes proposés par la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Je remercie les rapporteurs pour leur rapport et leur présentation synthétique d'un texte extrêmement compliqué, qui mérite des modifications. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice et les propositions de loi adoptées en octobre dernier, ainsi que le récent rapport d'information que François-Noël Buffet et moi-même avons rédigé sur les peines sont autant d'éléments qui nous permettront d'avancer de manière relativement consensuelle.

Fondamentalement, l'objectif de la chancellerie est de réduire, de manière technocratique, la charge des juges, souvent malheureusement au détriment des justiciables. Nous devons veiller au risque de déshumanisation de la justice du fait de la numérisation et de rupture de la relation de proximité. Je ne suis pas sûr qu'il faille confier à un seul tribunal en France le traitement de toutes les injonctions de payer par voie numérique.

Nous sommes d'avis qu'il n'est pas besoin d'étendre systématiquement la représentation obligatoire, d'autant plus que cette mesure aura un impact sur le budget de l'aide juridictionnelle. La justice aura-t-elle des moyens nouveaux à cet égard ?

La suppression de la conciliation en matière de divorce est une aberration technique, la conciliation étant fondamentale lors d'un divorce, comme l'ont dit tous les professionnels.

En matière pénale, si le procureur, comme l'exige la Cour de justice de l'Union européenne, n'est pas un magistrat indépendant, on ne peut pas lui confier autant de pouvoirs juridictionnels que ce qui est prévu aujourd'hui. Il est exact que, en diminuant le rôle du juge d'instruction, on est obligé de confier un véritable pouvoir et des moyens au juge indépendant qu'est le juge des libertés et de la détention.

Nous ne parviendrons jamais à un système accusatoire, car il n'est pas conforme à la tradition française. Le texte ne renforce pas beaucoup les droits de la défense. Au contraire, il renforce les pouvoirs de police et les pouvoirs d'enquête, ce qui nous paraît extrêmement dangereux.

La détention à domicile ne fonctionnera qu'un laps de temps et à condition de l'assortir d'un certain nombre d'obligations. Cette peine ne peut se substituer, comme le prévoit le texte, à la contrainte pénale. Vous proposez par ailleurs de substituer à la contrainte pénale la probation. Cette mesure mérite d'être affinée afin que le Gouvernement y réfléchisse. La probation nécessitera des moyens supplémentaires et le recours aux associations, lesquelles, selon les magistrats, font du bon travail.

On ne réduira pas la surpopulation carcérale grâce aux seules mesures qui sont prévues ici. Tant que les magistrats auront l'impression que l'emprisonnement est la seule peine qui fonctionne, tant qu'on continuera à placer les gens en détention préventive, on ne réglera pas le problème des prisons.

Sur les tribunaux de grande instance, nous sommes sur la même longueur d'ondes que la chancellerie. Notre inquiétude portait sur la suppression de tribunaux, laquelle est levée par la création d'un juge de la protection des personnes. Les missions du juge d'instance seront exercées par un juge au tribunal de grande instance. Les tribunaux d'instance en dehors des grandes villes peuvent subsister. Pourquoi un juge aux affaires familiales ne tiendrait-il pas des audiences dans les juridictions proches des justiciables ? Notre rôle est de dire ce que les citoyens attendent de leur justice.

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