Les deux projets qui nous sont présentés ont-ils pour vocation de réduire les dépenses ? Peut-être. Je crois surtout qu'ils augmenteront le temps utile des magistrats et des greffiers, ce qui est une bonne chose. Le texte est très large, mais chacune des mesures qui y figurent part d'une logique pragmatique de simplification. Qu'il s'agisse de la réduction des contrôles sur les comptes de gestion des tutelles, du fait de ne plus recourir aux moyens des greffes des tribunaux d'instance pour la répartition des saisies sur salaire, sans parler de la liquidation et du paiement des frais d'expertise, tout cela dégagera un nombre considérable de postes disponibles.
M. Bigot mentionnait l'aspect technocratique des injonctions de payer. Le texte ne crée pas de juridiction unique de l'injonction de payer, mais un tuyau d'entrée unique. Chaque juridiction restera compétente dans son territoire pour apprécier les oppositions, sauf dans le cas où la personne reconnaît sa dette et demande un délai de paiement. Il s'agira par exemple d'un salarié qui touche 1 500 euros et doit 5 000 euros pour un crédit à la consommation ou 6 000 euros de crédit automobile. Je considère qu'il n'est pas forcément choquant d'apprécier cela de manière unifiée, en accordant le même délai de paiement que l'on soit à Tourcoing ou à Annecy. Bien plus, le fait de connaître le délai de paiement appliqué au niveau national évitera aux établissements de crédit d'en passer par une procédure d'injonction.
Nous sommes des générations d'avocats à nous être passionnés pour les débats opposant le pétitoire et le possessoire, ou bien pour ceux portant sur les limites de compétences entre les tribunaux d'instance, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et les juges de l'exécution au sujet des paiements de loyer, avec les requalifications éventuelles des baux. Nous avons fait perdre du temps à beaucoup de gens. Avons-nous vraiment fait bonne justice en ouvrant ce type de débat ? Je ne suis pas choqué par la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance. Les propositions développées par le ministre résultent d'une grande consultation menée dans toutes les juridictions.
Quant aux procédures d'enquête, elles ont suscité il y a quelques mois encore beaucoup d'émotion au sein de la police. Même si la question de la répartition des charges dans le nouveau couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention est importante, les simplifications que propose le texte sont bienvenues.
L'insuffisance des outils informatiques constitue l'une des grandes faiblesses du ministère de la justice. On prévoit un peu plus de 500 millions d'euros d'investissements. J'ai beaucoup apprécié l'implication personnelle de la ministre dans la mise en place et le déploiement des outils informatiques.
Je partage les réserves de M. Buffet sur les difficultés concernant l'aménagement et l'application des peines. Nous verrons si la nouvelle fonction conférée aux tribunaux correctionnels a un impact.
Je ne comprends pas très bien la vocation du nouveau tribunal criminel. Le tribunal correctionnel est déjà saisi du fait de la correctionnalisation des affaires criminelles, et il y a aussi la cour d'assises bien sûr. Pourquoi créer un nouvel échelon criminel ?
Enfin, pour ce qui est du parquet national antiterroriste, en quoi le parquet de Paris aurait-il été défaillant ? Il a fait clairement la preuve de son efficacité. Restons-en à la position défendue initialement par le procureur Molins, qui tend à maintenir le système actuel. À force de créer des parquets nationaux, nous risquons de créer des incidents internes dans ce monde tout en finesse et en délicatesse que peut être la magistrature française.