Je remercie vivement notre rapporteur pour son excellent travail, qui emporte mon plus grand soutien. En janvier dernier, je rapportais pour le compte de notre commission la proposition de loi sur le don de jours de repos pour les proches aidants. Comme vous vous en souvenez, le Sénat l'avait adoptée conforme.
Du fait de mon expérience personnelle, mais également des auditions que j'avais réalisées en vue de l'élaboration du rapport, j'avais l'intime conviction que nous devions poursuivre le travail pour compléter le dispositif adopté.
Je suis loin d'être la seule convaincue, vous l'avez constaté, les initiatives parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat ont été nombreuses.
Jusqu'à maintenant, elles ont malheureusement avorté. La proposition de loi de notre collègue Pierre Dharréville, qui faisait suite à la proposition de Paul Christophe, a été renvoyée en commission. L'amendement, que j'avais déposé à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et qui concernait l'obligation pour les branches de négocier sur l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants, a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a malheureusement estimé qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Je rappelle que nous avions adopté cet amendement à l'unanimité. L'Assemblée nationale avait conservé cet apport en dernière lecture, le Gouvernement donnant un avis défavorable à un amendement de suppression.
Cette liste, non exhaustive, témoigne d'une dynamique parlementaire forte et transpartisane.
C'est pourquoi, afin d'apporter des garanties de sérieux au Gouvernement, j'ai veillé à élaborer un texte pragmatique, innovant et sobre, qui prévoit notamment une indemnisation du congé de proche aidant financée par un fonds spécifique. Notre rapporteur a également travaillé en ce sens pour perfectionner et adapter le dispositif. Ainsi, nous sommes dans les meilleures dispositions pour que le Gouvernement voie dans ce texte une opportunité plutôt qu'une contrariété. Toutefois, le rapporteur ne devrait pas me contredire, le travail de persuasion est particulièrement délicat...
L'objectif de ce texte est simple : répondre enfin aux préoccupations des aidants et leur apporter le soutien nécessaire à la mission qu'ils assurent.
Au cours de mes travaux préparatoires, j'ai eu l'occasion de recueillir de très nombreux témoignages qui, éclairants, parfois poignants, ont confirmé mon intuition : il est urgent de s'occuper des aidants en tant qu'individus et de prendre enfin en compte leurs spécificités.
C'est pourquoi j'ai présenté un dispositif construit autour de la vie de l'aidant.
D'abord, l'identifier pour l'informer de sa qualité de proche aidant, des droits dont il dispose et des soutiens disponibles et pour lui permettre d'être reconnu à ce titre par le corps médical qui s'occupe de la personne aidée.
Ensuite, permettre aux salariés proches aidants d'être en mesure d'exposer simplement leur situation au sein de leur entreprise. Pour ce faire, la proposition de loi prévoit que les branches professionnelles négocient les termes de la conciliation entre vie personnelle et professionnelle de l'aidant.
Par ailleurs, étendre et indemniser le congé de proche aidant.
Enfin, décharger le proche aidant de questionnements sur l'assurance retraite, en simplifiant et uniformisant les droits sociaux entre aidants de personnes handicapées et de personnes dépendantes.
Les mesures de la proposition de loi sont centrées sur la vie des proches aidants et constituent des réponses logiques, pratiques et novatrices aux témoignages des associations et des proches aidants eux-mêmes.
Vous n'ignorez pas l'existence de ces situations. Parfois, la détresse existe ; non exprimée, elle est clairement perceptible. Certains d'entre nous en ont connaissance pour des raisons personnelles, d'autres ont pu observer cela à l'occasion de l'exercice de leur mandat. Ces situations sont malheureusement très communes et il est urgent d'agir.
Soyons clairs, les proches aidants n'exigent rien, ils n'en ont pas le temps ! Cette mission qu'ils endurent est un sacerdoce, dont ils ne se plaignent pas. Ils savent qu'ils sont les soutiens impérieux de personnes ne pouvant vivre sans leur présence. Et pourtant, cette mission est un poids qui devient parfois insupportable et qui aboutit à des situations d'une extrême gravité. C'est donc à nous de réagir, de prendre nos responsabilités, car les pouvoirs publics ne se substitueront pas à leurs actions.
Cette proposition de loi parle avant tout de la vie du proche aidant en tant qu'individu, et non comme le simple accompagnant d'un tiers. Le Gouvernement entreprend des travaux sur la dépendance et abordera de manière connexe le sujet des aidants. À l'inverse, dans cette proposition de loi, nous nous concentrons avant tout sur leur vie, nous leur devons bien cela.
La semaine passée a eu lieu la journée nationale des aidants. Présente à plusieurs événements, j'ai reçu de nombreux témoignages d'associations et de personnes intéressées. Notre démarche est soutenue, attendue, souhaitée de tous.
La proposition de loi initiale a tracé la voie, notre rapporteur en précise utilement les contours et je le remercie chaleureusement pour ses travaux d'une très grande qualité. Mes chers collègues, je vous fais également confiance. Nous pouvons nous retrouver unis pour soutenir un texte, dont chacun d'entre nous mesure l'importance.
Cette question dépasse d'ailleurs celle des aidants, il s'agit finalement de la société tout entière, car la pyramide des âges ne laisse pas de doute, les proches aidants seront de plus en plus nombreux. Nous nous apprêtons donc à apporter des solutions concrètes et réalistes à un enjeu social et sociétal majeur.
Nous pourrions imaginer des solutions encore plus novatrices, plus coûteuses, plus nombreuses, mais soyons lucides, ce texte apporte déjà de grandes avancées. Il s'agit d'adopter un texte sérieux, qui ne soit pas de l'affichage et qui constitue un véhicule législatif fiable et amendable par le Gouvernement.
Il y a urgence, le front doit être uni et la voix du Sénat doit être claire. C'est en étant rassemblés que nous serons entendus et que nous pourrons oeuvrer utilement en faveur de ceux qui sont aujourd'hui largement ignorés, peu considérés et non accompagnés. Une proposition de loi est devant nous, elle est celle du Sénat ; j'espère que nous la porterons comme telle pour qu'elle devienne celle d'une France à la hauteur de la fraternité, à laquelle nous aspirons tous.