Il est possible de réguler la médecine de ville : le rapport fait plusieurs propositions en ce sens. Beaucoup de pays le font, et ce serait le moyen de sortir d'une régulation portant exclusivement sur l'hôpital.
Le fait que l'État ne compense plus, ou que certaines recettes disparaissent, ne doit pas nous faire oublier que les dispositifs en question doivent avoir un effet sur l'emploi. Les économistes disent que les baisses de charge ont créé entre 300 000 et un million d'emplois - autant de recettes pour la sécurité sociale. L'élément de fragilité n'est pas la non-compensation mais l'incertitude conjoncturelle.
En ce qui concerne le virage ambulatoire, les objectifs de « Ma santé 2022 » sont clairs. Nous montrons les très grands progrès en la matière faits par l'hôpital public - les cliniques privées étaient en avance - même si l'AP-HP est encore à la traîne. La mise en oeuvre d'une incitation tarifaire en 2013-2014 avait aussi pour vocation d'aider à financer les coûts de transition. Ensuite, les coûts baissent. La mobilisation du corps médical a été aussi déterminante pour prendre ce virage ambulatoire. Vu le risque nosocomial, il vaut mieux rester à l'hôpital une demi-journée que trois jours !
L'éducation à la santé est fondamentale. Il est dommage que le Nutri-score n'ait pas été davantage développé.
Vous avez évoqué la dépendance, qui complique le virage ambulatoire. Une meilleure structuration du premier recours et la médicalisation des Ehpad sont plus importants, je pense, que la question de savoir s'il faut un cinquième risque ou non.
Comment la régulation se fera-t-elle sans numerus clausus ? La capacité d'accueil des internes est limitée ; cette régulation par les murs, pour n'être sans doute pas la meilleure, sera réelle.
Nous avions évoqué l'an dernier le conventionnement sélectif comme ultime recours. De nombreuses mesures incitatives ont été prises depuis. En particulier, la labélisation d'hôpitaux locaux de proximité crédibilise la gradation des soins.
Nous n'évacuons pas les ophtalmologistes mais nous proposons de donner aux orthoptistes et aux opticiens - sans oublier les quelque 3 000 optométristes, au statut mal défini - la capacité de prendre en charge des actes simples. La baisse du nombre d'ophtalmologistes jusqu'à 2030 soulève en effet un enjeu d'accès aux soins. Au Royaume-Uni, les actes simples comme le dépistage de la correction visuelle sont faits par une infirmière !
Si l'on considère que, dans les périodes difficiles, l'État a surcompensé, nous ne changeons pas de paradigme. Le principe de la prise en charge d'une baisse de prélèvements sociaux par la sécurité sociale, et d'une baisse d'impôts par l'État, est vertueux.
Les études ont montré qu'une forte augmentation des prix était le seul moyen d'agir sur la consommation de tabac. Bien sûr, il y a des effets de bord, mais les Douanes sont là pour cela ! Et, quand on sait que la surconsommation de tabac cause 70 000 morts par an en France, ces effets de bord passent au second plan. Outre l'effet-prix, il faudrait accentuer les messages de santé publique. Et nous plaidons pour une hausse des taxes sur l'alcool et les boissons sucrées.
Nous ne proposons pas de réduire la rémunération des acteurs de santé, mais de réguler certains éléments de la dépense qui leur correspond si les objectifs ne sont pas atteints. La question du déport de certaines dépenses de la ville vers l'hôpital, ou inversement, est complexe. La Cnam a réalisé des études probantes sur le virage ambulatoire : il est un élément de déflation des dépenses sur tous les segments, avant, pendant et après l'hospitalisation. Nous sommes parvenus à la conclusion que le dérapage des dépenses de la médecine de ville n'est pas dû à l'amorce de ces transferts.
À Mme Cohen, qui propose une taxation sur les dividendes, je rappelle que la CSG est déjà assise sur tous les types de revenus, y compris le capital ; c'est pourquoi depuis 1998, tous les gouvernements ont basculé des prélèvements sur la CSG. Les exonérations de charges ont des effets controversés sur le volume des emplois, mais elles engendrent, c'est un fait certain, des recettes de sécurité sociale...