Intervention de Marc-André Feffer

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 20 juin 2018 à 14h00
Audition de M. Marc-André Feffer président de transparency international france

Marc-André Feffer :

Madame la Présidente, Madame et Messieurs les sénateurs, Monsieur le rapporteur, je trouve intéressante l'orientation de votre commission. Elle cherche en effet à replacer la question de la haute fonction publique dans sa globalité, qui n'est pas facile à saisir. J'ai quitté la fonction publique il y a trente ans, par conséquent même si j'y ai gardé des contacts, ma vision peut être un peu ancienne sur ce sujet précis.

Comme président de Transparency International France, les questions de conflit d'intérêts, de passage du public vers le privé, et éventuellement en sens inverse, sont particulièrement importantes à mes yeux. Elles montent en puissance, et l'exigence de redevabilité est aujourd'hui plus marquée. Les conflits d'intérêts font l'objet d'une analyse plus fine, et une approche déontologique forte se développe depuis plusieurs années dans la fonction publique. Elle est illustrée par la création de la Commission de déontologie, et plus récemment par la loi de 2013 qui a mis en place la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et un système de déclaration d'intérêts pour des personnes occupant des fonctions publiques. Nous considérons que l'obligation de remplir les déclarations d'intérêt, ce que je fais comme membre de la Commission des participations et transferts, constitue un moyen de conduire les personnes qui sont dans ces situations à réfléchir aux questions de déontologie et de conflits d'intérêts, et de développer ainsi à une culture de la déontologie.

La loi de 2016 sur la fonction publique a en outre étendu les déclarations d'intérêts à tous les fonctionnaires d'autorité, et mis en place des chartes et des déontologues.

Notre structure-mère, TI International travaille sur ces sujets depuis plus longtemps que nous. Nous n'avons que modérément suivi la loi de 2016, dans la mesure où nous étions engagés dans le lobbying sur la loi Sapin 2. Nous y revenons aujourd'hui.

Pour notre organisation, les passages entre secteurs privé et public ne sont pas condamnables en soi. Ils peuvent permettre de mieux comprendre la culture de l'autre, et de dynamiser le développement et l'innovation des deux côtés. Ils doivent cependant intervenir dans un cadre légal précis, avec prise en compte des éventuels conflits d'intérêts. TI s'est penché sur la question à plusieurs reprises, pour la dernière fois en 2015, en s'intéressant notamment aux anciens membres de la Commission européenne. TI a comparé les différentes législations européennes, et milite pour l'établissement systématique d'un délai de carence, notamment pour les ministres, commissaires, et fonctionnaires d'autorité, proportionné aux fonctions occupées et au secteur concerné ; des mécanismes de suivi et de contrôle des obligations, avec des organismes dédiés, qui sont présents ou non selon les pays : nous avons en France un organisme de ce type, avec un avis obligatoire ; la nécessité de contrôler dans le temps les obligations éventuellement posées par l'organisme responsable, en sanctionnant les manquements si besoin.

À TI France, nous n'avons à ce jour pas pris de position officielle. Nous y travaillons, et nous avons déjà proposé une vérification systématique de la situation fiscale des fonctionnaires nommés en Conseil des ministres, au-delà du mécanisme déjà en place pour les ministres. Nous avons également suggéré des améliorations du fonctionnement de la Commission de déontologie, notamment la publication de ses avis, dans le respect de la vie privée des personnes concernées, l'accroissement de ses moyens, son indépendance, et la possibilité de lui donner compétence quand le fonctionnaire revient dans son corps. À ce jour, il n'y a aucune règle particulière concernant ces retours, alors qu'un avis obligatoire est prévu pour rejoindre le secteur privé. Nous proposons également que la Commission puisse exercer un contrôle sur les restrictions et limites qu'elle a pu poser par le passé, avec par exemple un rapport annuel de la personne autorisée à quitter la fonction publique.

Enfin, nous nous interrogeons sur une éventuelle fusion de la Commission de Déontologie avec la Haute autorité. C'est une idée du président de cette dernière. Il existe en effet des effets de bord compliqués entre ces deux organismes, que le Conseil constitutionnel a d'ailleurs sanctionnés dans le cadre de la loi Sapin 2.

En parallèle, nous venons de publier une guide pratique des conflits d'intérêts en entreprise, où ce sujet est également présent. Nous travaillons avec elles depuis de nombreuses années, et elles étaient demandeuses de réflexions et de préconisations à ce sujet. Nous projetons un document du même type pour la fonction publique.

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