J'ai réalisé une étude sur cette question au début de ma carrière, en 1980, lorsque je travaillais pour le congrès américain. Dans ce cadre, j'ai rencontré beaucoup de hauts fonctionnaires français. À l'époque, j'avais l'impression que la haute fonction publique occupait un rôle très important depuis la seconde guerre mondiale non seulement dans les administrations publiques mais également dans les entreprises publiques. Je n'aie pas spécialement approfondi le sujet mais il semblait assez normal aux hauts fonctionnaires de rejoindre les entreprises publiques après être passés par l'administration. Bien que ces entreprises n'aient pas exactement les mêmes intérêts que l'État, elles semblaient tout de même plus ou moins investies d'une mission de service public. Ce système dépendait de la présence de l'État au sein de l'économie et des banques ainsi que d'une certaine égalité de rémunération, de prestige et de récompenses entre secteurs public et privé. Or, des différences importantes se sont creusées depuis quarante ans. Au sein d'une économie qui devient très inégalitaire, la tendance fait dominer les intérêts privés car ceux qui servent l'intérêt public ont pour ambition de rejoindre le secteur privé un peu plus tard dans leur carrière. Ce problème est également très important aux États-Unis. Dans les années soixante-dix, lorsque je travaillais dans la régulation bancaire, mes collègues n'avaient pas pour ambition de devenir banquiers. Maintenant, ce sont les banquiers qui, d'une certaine manière, financent le système. Car la commission en charge reçoit les contributions de ce secteur et les banques sont toujours prêtes à satisfaire leurs demandes, sauf pendant les crises ! C'est exactement ce qui s'est passé récemment pour la régulation bancaire aux États-Unis.