Intervention de Laurent Vallée

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 30 mai 2018 à 16h30
Audition de M. Laurent Vallée secrétaire général du groupe carrefour

Laurent Vallée, secrétaire général du groupe Carrefour :

Si vous me le permettez, je reviendrais sur mon parcours et la manière dont j'ai vécu la question des conflits d'intérêt. Je commencerai par des généralités prudentes. L'objet de vos débats mêle à mon sens des questions de sciences sociales, de convictions et d'éléments que je me permettrai de qualifier de plus anecdotiques. D'un point de vue des sciences sociales, ces questions, à la croisée du droit public et de la sociologie administrative, sont analysées depuis de nombreuses années aux États-Unis, et depuis un peu moins longtemps en France. Je sais que vous auditionnerez des spécialistes dans la matière. Je ne me sens pas légitime pour parler à ce titre.

J'ai toutefois une conviction. J'ai servi pendant 15 ans dans la fonction publique, et un peu moins de 5 ans dans le secteur privé. Je ne crois ni au dépérissement des valeurs de l'État, qui encouragerait ses serviteurs à le fuir, ni à une prise de pouvoir de valeurs privées sur le public. Je n'ai par ailleurs aucun doute sur le fait que la variété des expériences, le fait de se confronter concrètement à des univers différents, de s'exposer à des fonctions diverses, peut conduire à être un meilleur professionnel. Ma situation n'est pas totalement évidente. Je pense, et j'espère, avoir été un serviteur de l'État, un meilleur professionnel après être passé deux ans dans le privé.

Enfin, sur le plan de l'anecdote, le sujet transporte avec lui des éléments déplaisants de sous-entendus, et d'approximation ; Ainsi, l'accumulation des mouvements entre le public et le privé, conduirait, selon certains, à la certitude que les personnes traversant « cette frontière » contribueraient à prendre des décisions dictées par des amitiés ou des loyautés privées, plutôt que par l'intérêt général. Or, je ne partage pas ce sentiment, et ce n'est pas ce que j'ai vécu.

De manière générale, il me semble que votre commission, et plus généralement le pouvoir normatif doit avoir à l'esprit trois considérations d'intérêt général.

Tout d'abord, il est nécessaire d'attirer des hommes et des femmes de talents et de les faire vivre dans le service public. Certes, l'État n'est pas un employeur comme un autre, mais il est confronté aux mêmes problèmes que les autres employeurs : comment disposer des meilleurs, au bon poste et au bon moment ? Le thème de cette commission d'enquête n'est ainsi qu'une infime partie de ce débat. Mais, pour moi, il n'y a pas de doute que l'État doit pouvoir s'enrichir d'expériences acquises ailleurs qu'en son sein.

Par ailleurs, il est indispensable de prévenir et de traiter les conflits d'intérêts. L'administration française - ou plutôt celle que je connais car je n'ai exercé que dans deux institutions et une administration centrale - est imprégnée d'un principe d'impartialité. Je sais que la réglementation actuelle, et la commission nationale de déontologie, sont décriées. Toutefois, elles ne sont ni anecdotiques, ni inexistantes. Certes, tout n'est pas parfait, mais il me semble que certains cas pathologiques finissent par prendre beaucoup de place dans les débats.

Enfin, il me paraît indispensable de mettre fin à une approche que je trouve cynique, visant à analyser la décision publique uniquement sous le prisme du cheminement de la prise de décision, et non de la décision elle-même. Il me semble urgent, pour le bon fonctionnement démocratique de dissiper cette idée selon laquelle, les décisions publiques ne seraient en fait que des arrangements d'arrière-cuisine, opérés entre des personnes qui raisonnent en fonction de leurs connexions. Certaines positions sans nuance ne font qu'accréditer cette idée.

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