Historiquement, le Conseil d'État a été conçu comme un vivier de personnes susceptibles d'exercer des fonctions dans le secteur public. Le développement du droit public et de l'activité contentieuse font que les membres du Conseil d'État sont désormais regardés comme des juristes publics. S'agissant de la force de leur réseau et de la cooptation, il me semble, et j'espère, que l'une des raisons de leurs recrutements hors du Conseil d'État réside aussi dans leur qualité. Je ne me suis jamais posé la question de savoir s'il fallait, à leurs égards, une exigence de déontologie particulière. Mais, il me paraît légitime d'interroger la personne qui revient du privé dans le secteur public. Dans mon cas, je n'y ai vu aucune difficulté. Mon parcours est peut-être atypique, car à chaque fois, j'ai exercé dans des univers éloignés, ne posant pas de difficulté vis-à-vis de conflits d'intérêt.
Il faut profiter de ce que j'appelle « la force des deux mondes ». De manière très schématique, et je vous prie d'excuser ces raccourcis, dans le secteur public, et a fortiori dans un grand corps, on a rapidement des responsabilités et l'idée que les gens viennent à votre rencontre de manière spontanée. Le secteur privé m'a réappris à aller à la rencontre des autres, à se re-confronter à des exigences. Mon expérience d'avocat a été très éclairante. J'ai découvert un monde très compétitif, au sein d'équipes composées de nombreuses nationalités, et capables de traiter des dossiers en quatre langues. Enfin, l'humilité est de mise, lorsque vous croyez avoir des connaissances en matière de droit fiscal, et travaillez avec un collègue travaillant depuis de nombreuses années sur de tel sujet, sur des dossiers très complexes auxquels vous ne comprenez pas tout. Enfin, il ne faut pas croire qu'un tapis rouge est déployé pour les personnes venant de la sphère publique.
La question de la rémunération est liée au tempérament et à la situation personnelle de chacun. J'ai toujours eu une année d'impôt devant moi, je n'ai pas d'emprunt, ni d'actions. Le fait de partir dans le secteur privé ou de revenir dans le secteur public implique le renoncement à certains avantages, le renoncement à une rémunération. Mais chacun des postes que j'ai occupés était passionnant.