Je rappellerai, à titre liminaire, les principaux messages du rapport.
Le changement climatique affecte déjà les gens, les écosystèmes et les moyens de subsistance partout. Il y a des avantages indéniables à limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à 2°C ou plus. Chaque demi-degré compte. Limiter ce réchauffement global à 1,5°C n'est pas impossible mais exige des transitions sans précédent dans tous les pans de la société. La volonté politique est cruciale. Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C peut aller de pair avec la réalisation des objectifs du développement durable (ODD), pour l'amélioration de la qualité de vie de tous.
Ce rapport est le résultat du travail de 91 auteurs de 40 pays à parité entre pays développés et pays en développement. Nous avons reçu plus de 500 propositions d'auteurs, émanant des gouvernements et des organisations observatrices du GIEC. Les co-présidents et vice-présidents des trois groupes de travail ont sélectionné, de manière consensuelle, les auteurs de ce rapport. Ils ont ainsi choisi d'associer 133 contributeurs supplémentaires et ont passé en revue 6.000 publications scientifiques, dont les trois-quarts ont paru après le précédent rapport du GIEC, à la suite de la COP21. Les chapitres de ce rapport ont fait l'objet d'une lecture croisée (« peer review ») : les versions successives du rapport ont reçu 42 000 commentaires émanant de plus de 1 000 relecteurs de la communauté scientifique et des gouvernements. Ses conclusions, dressées sur la base de faits scientifiques, ont été discutées, mot pour mot, par les représentants des 195 pays. Enfin, les faits scientifiques mentionnés par ce rapport présentent des implications diverses selon les différents pays.
La première section du « résumé à l'intention des décideurs » porte sur la compréhension d'une hausse de 1,5°C de réchauffement global. Où en sommes-nous ? Depuis la période préindustrielle, les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire de l'ordre de 1°C - soit entre 0,8 et 1,2°C. Nous vivons déjà avec les conséquences de ce degré de réchauffement, comme l'intensification d'événements extrêmes, la montée du niveau des mers ou le recul de la banquise arctique, parmi d'autres changements. Si le monde continuait à se réchauffer au même rythme, le réchauffement planétaire atteindrait 1,5°C entre 2030 et 2052. Alors que les émissions passées, depuis la période préindustrielle jusqu'à aujourd'hui, vont continuer à provoquer des changements dans le système climatique, l'augmentation supplémentaire de 1,5°C ne leur sera pas imputable ; tout dépendra ainsi des émissions de gaz à effet de serre à venir.
La seconde section porte sur les projections de changement climatique, les impacts potentiels, et les risques associés. En 2015, les connaissances sur ce point n'étaient pas suffisantes pour éclairer les choix politiques. Sur la base des travaux récents, nous disposons désormais d'une image claire des conséquences induites soit par la stabilisation de la hausse des températures à 1,5° C, soit par leur augmentation de 2°C. Ainsi, les modèles de climat projettent des différences robustes entre la situation actuelle et un réchauffement global de 1,5°C, et entre 1,5 et 2°C. Chaque demi-degré de réchauffement compte par rapport aux impacts. Ces différences portent sur l'augmentation de la température moyenne dans les océans et au-dessus des continents, l'intensification des températures extrêmes dans les régions habitées, les pluies torrentielles dans de nombreuses régions, et les sécheresses dans d'autres, en particulier sur le pourtour méditerranéen.
D'ici à 2100, la montée du niveau des mers sera moins importante de 10 cm si le réchauffement est stabilisé à 1,5°C plutôt qu'à 2°C. Cela se traduirait par 10 millions de personnes en moins exposées aux conséquences de la montée du niveau des mers. On estime ainsi à 100 millions le nombre de personnes qui seront exposées aux conséquences du réchauffement planétaire, fussent-elles limitées à 1,5°C. La perte de biodiversité et le risque d'extinction d'espèces sur les continents seraient deux fois moindres à 1,5°C que 2°C. Cette moindre hausse induirait aussi des pertes plus limitées de rendements pour les céréales comme le blé, le maïs ou le riz, et d'autres céréales, en particulier en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La population mondiale exposée aux pénuries d'eau serait, quant à elle, deux fois moindre à 1,5°C qu'à 2°C.
Dans les océans, un réchauffement de 1,5°C entraînera une dégradation de 70 % à 90 % des récifs de coraux tropicaux, contre plus de 99% à 2°C. Les conséquences du réchauffement dans les océans seraient beaucoup plus élevées à 2°C qu'à 1,5°C, avec, par exemple, une chute plus importante du tonnage des pêcheries en particulier dans les régions tropicales. Ainsi, limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à 2°C pourrait réduire de plusieurs centaines de millions les personnes exposées aux risques climatiques et susceptibles de basculer dans la pauvreté.
La troisième partie de ce résumé à l'intention des décideurs porte sur les émissions et les transitions de grands systèmes compatibles avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C. La réalisation de cet objectif impliquerait de réduire les émissions de dioxyde de carbone mondiales de 45% en 2030 par rapport à leur niveau de 2010. En comparaison, limiter le réchauffement à 2°C impliquerait une baisse de ces émissions de 20% d'ici à 2030.
Les émissions mondiales de dioxyde de carbone devraient atteindre ce qu'on appelle le « net zéro » autour de 2050. Toutes les émissions résiduelles devraient alors être compensées par des actions pour extraire le CO2 de l'air et le stocker de manière durable. Par comparaison, cette neutralité carbone serait atteinte en 2075 pour limiter le réchauffement à 2°C. La limitation du réchauffement à 1,5°C serait également consécutive à la réduction des rejets de substances affectant le climat autres que le dioxyde de carbone. Agir dans cette situation présenterait des effets immédiats sur la qualité de l'air et l'amélioration de la santé publique.
Limiter le réchauffement à 1,5°C implique des changements à une échelle sans précédent historique : des réductions d'émissions dans tous les secteurs, l'utilisation d'une large palette de technologies, des changements de comportements, ainsi qu'une augmentation significative des investissements vers les options bas carbone. Il s'agit bel et bien d'une transition vers de nouveaux systèmes, non seulement énergétiques, mais aussi agro-forestiers, urbains et de transports. Des progrès rapides ont été réalisés dans certains secteurs comme les énergies renouvelables. Il faudrait que les transports et l'aménagement du territoire en bénéficient également !
Afin de limiter le réchauffement à 1,5°C, il faudrait extraire le dioxyde de carbone de l'atmosphère et le stocker de manière durable. Les méthodes pour y parvenir incluent la plantation d'arbres, la restauration d'écosystèmes, l'utilisation de la bioénergie avec captage et stockage, les modifications de la gestion des terres, et d'autres approches qui en sont aujourd'hui aux prémices de leur développement. L'extraction à grande échelle de dioxyde de carbone pourrait avoir des implications pour la sécurité alimentaire, la préservation des écosystèmes et la biodiversité.
Les contributions nationales des gouvernements, effectuées dans le cadre de l'Accord de Paris depuis trois ans, ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 1,5°C, même avec des actions extrêmement ambitieuses et difficiles après 2030. Afin d'éviter de dépasser 1,5°C de réchauffement planétaire dans quelques décennies, les émissions de CO2 doivent diminuer substantiellement avant 2030.
La dernière partie du résumé porte sur le renforcement de la réponse planétaire au changement climatique. Les décideurs de l'ensemble des pays, réunis lors de la session du GIEC, ont décidé, à la suite de la COP 21, de le reconnaître explicitement comme élément du développement durable et au nombre des efforts d'éradication de la pauvreté. Les impacts du changement climatique et la manière dont nous y répondons sont étroitement liés au développement durable et aux objectifs de développement durable (ODD), qui recherchent un équilibre entre le bien être pour tous, la prospérité économique, et la protection de l'environnement.
Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il existe un ensemble de mesures d'adaptation et d'options pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui, choisies en fonction des critères de transition éthiques et justes, peuvent avoir de multiples bénéfices pour les objectifs de développement durable.
Leur déploiement est plus efficace lorsque les collectivités locales sont épaulées par les pouvoirs publics nationaux. Le renforcement des capacités des pouvoirs publics, des collectivités locales, de la société civile, du secteur privé, des populations autochtones et des communautés locales peut porter ces actions ambitieuses et nécessaires à la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C. La coopération internationale est essentielle à la réussite de cette démarche dans tous les pays, en particulier pour les pays en développement et dans les régions vulnérables.
En guise de conclusion, je rappellerai les points-clefs du rapport : chaque demi-degré de réchauffement compte ; chaque année compte ; et, enfin, chaque choix compte. Ne pas agir aujourd'hui, c'est augmenter le fardeau pour les jeunes générations qui devront faire face aux conséquences du réchauffement et à des options d'action plus difficiles et plus risquées. Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C n'est pas impossible, mais la volonté politique pour accélérer les transitions est essentielle. Je vous remercie de votre attention.