Intervention de Valérie Masson-Delmotte

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 octobre 2018 à 9h30
Rapport spécial du giec relatif aux conséquences d'un réchauffement climatique de 1 5°c — Audition de Mme Valérie Masson-delmotte paléoclimatologue membre du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat giec

Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) :

Au-delà du constat alarmiste, je pense que le courage politique est plus que jamais nécessaire.

Sur le niveau de montée des océans, le rapport n'est pas en mesure de répondre à la question de savoir si le fait de contenir le réchauffement climatique en-deçà de 2°C préviendra la déstabilisation, sur le long terme, de certains secteurs géographiques comme le Groenland ou l'Antarctique. À l'horizon 2100, le niveau des mers va continuer à s'élever. Il faut d'ores et déjà se préparer à l'élévation du niveau des mers. Les chercheurs français, comme ceux du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), sont en mesure d'affiner les niveaux de connaissance sur le niveau d'élévation des océans et ses incidences sur les territoires.

Croiser les objectifs de développement durable et les options de réponse au changement climatique n'avait jamais été fait jusqu'à présent ! Une littérature scientifique émerge d'ailleurs sur ces multiples intersections. Les modalités d'atténuation, c'est-à-dire les options pour réduire les rejets de gaz à effet de serre, font désormais l'objet d'un consensus : les options d'action qui permettent de réduire la demande d'énergie, maximisent les bénéfices des autres dimensions du développement durable. De même, les régimes alimentaires qui réduisent l'empreinte carbone de la production de nourriture maximisent les autres bénéfices du développement durable, comme la santé ou la pression sur les terres. Notre rapport insiste clairement sur ces derniers points.

Si les promesses des États à l'horizon de la COP21 ne vont manifestement pas assez loin, le mécanisme de l'Accord de Paris permet d'en revoir les ambitions à la hausse tous les cinq ans. En 2023 sera conduit un premier inventaire global ou « global stockage », et le GIEC publiera un rapport plus complet sur les différents points soulevés cette année.

Pour rendre cette transition possible, il faut désinvestir du charbon à l'échelle globale. Le secteur de la finance joue un rôle important : allons-nous continuer à investir dans cette filière ? La réduction de l'utilisation du pétrole à l'horizon 2030 représente un enjeu significatif. En France, la question de la décarbonisation des transports s'avère cruciale à court terme, avec des conséquences essentielles sur la qualité de l'air et la santé publique. De telles réorientations sont autant d'opportunités économiques pour des emplois français non délocalisables.

Certaines techniques agricoles permettent d'assurer le stockage du carbone dans les sols. D'autres expérimentations sont en cours. L'élevage, qui conduit à l'émission d'oxydes nitreux, et l'utilisation d'engrais doivent être reconsidérés. Or, certaines solutions qui permettent d'obtenir d'importants rendements existent : l'enjeu est celui d'une agriculture résiliente dans un climat se réchauffant, afin de réduire les tensions sur la gestion de l'eau et les émissions de gaz à effet de serre. Les relations entre le climat, la santé, l'agriculture et l'alimentation doivent être redéfinies. Je ne suis pas certaine que les derniers débats agricoles aient permis d'obtenir cette approche intégrée, en particulier sur les volets environnement et santé.

Agir sur la demande permet de maximiser les bénéfices sur toutes les dimensions du développement durable. Un modèle de développement où l'augmentation de la consommation est essentielle s'avère difficile à concilier avec la stabilisation du réchauffement climatique à 1,5 °C. Pour en revenir à la situation française, les véhicules neufs actuellement vendus sont plus lourds et émettent davantage de gaz à effet de serre que précédemment. Cette réalité amène à s'interroger sur la notion d'achat responsable et l'incitation que peut constituer la fiscalité.

Le dernier prix Nobel d'économie a couronné les deux créateurs des modèles économiques intégrés qu'utilise notre rapport pour évaluer les trajectoires en fonction du niveau du réchauffement climatique. Cette compétence est présente dans un laboratoire émanant de l'École des ponts et chaussées, dont certains chercheurs ont contribué à notre rapport.

Enfin, de réels progrès ont été enregistrés en Chine, dans le domaine des performances des véhicules électriques. Pour preuve, la moitié des véhicules électriques vendus dans le monde le sont en Chine. On constate également une mobilisation à l'encontre du réchauffement climatique en Californie ou dans des grandes villes américaines, malgré le manque de vision constaté au niveau fédéral.

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