Le 26 novembre prochain sera présenté au Sénat - et vous êtes tous cordialement invités - le premier rapport mondial de l'action non étatique en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Il s'agit de mesurer la réalité de la mobilisation des villes et des entreprises. Toutefois, ce que l'on constate aujourd'hui est insuffisant par rapport aux attentes du rapport du GIEC. On peut effectivement parler de la mutation vers le véhicule électrique, mais les émissions de gaz à effet de serre des transports automobiles augmentent à peu près partout. Les SUV deviennent la norme culturelle et ils sont encore à l'essence ou au diesel. On connait le temps d'action des politiques publiques. Les voitures que l'on vend actuellement seront encore en circulation dans 12 ans, ce qui nous amène à 2030. Le temps d'une vraie mutation avec des impacts quantitatifs est plutôt 2040.
Je trouve le scénario de l'augmentation de 1,5 degré un peu dangereux. En effet, on parle des propositions disruptives pour une action sur un temps d'action si court qu'elles apparaissent finalement peu crédibles, entraînant une réaction d'impuissance. Or, cette dernière conduit aux populismes et à la montée vers la guerre.
Je ne crois pas que les classes politiques du monde soient convaincues de la gravité du changement climatique. C'est un supplément d'âme, mais dans les priorités politiques de chacun cela ne se perçoit pas - on le voit au Sénat où nous sommes chacun, porte-parole d'un groupe d'intérêt, qui a besoin de temps et ne veut pas forcément que les choses bougent. Dès lors, est ce que le GIEC ne se trompe pas dans sa propre stratégie qui est un peu un compromis ? Je ne parle pas ici des données scientifiques sur lesquelles il y a aujourd'hui un consensus à l'exception de quelques obscurantistes climato-sceptiques. Il me semble que le GIEC est obligé de raconter une histoire, d'essayer de donner une trajectoire d'action qui mobilise. Or, on arrive à des trajectoires qui apparaissent totalement éloignées des réalités, et peuvent nourrir un sentiment d'impuissance. Est-ce que le GIEC n'aurait pas intérêt à mobiliser sur un objectif de 2,5 degrés à horizon de 25-30 ans pour lequel des dynamiques économiques peuvent encore arriver ? Une fois celles-ci enclenchées, les températures peuvent rebaisser et arriver à une augmentation de 1,5 degré. Vous demandez une mutation très rapide, très loin des dynamiques à l'oeuvre dans le monde.
En outre, je me demande si le GIEC est l'échelle la plus pertinente. Je suis frappé par la tentative de créer au niveau mondial un consensus qui est quelque chose de positif et amène les acteurs à agir. Mais n'aurait-on pas besoin de GIEC nationaux, ou dans notre cas européen ? Il s'agirait de rassembler à cette échelle l'ensemble de la communauté scientifique, notamment des sociologues, des économistes, pour créer un rapport de force politique très différent. Le rapport du GIEC ne crée pas de rapport de force politique. Il serait intéressant d'avoir ce groupe de réflexion au niveau national ou européen pour pouvoir dire ce qui est faisable et crédible à cette échelle.