L'aménagement du territoire, qui constitue le coeur de métier de notre service, s'inscrit dans le cadre de la prévention des risques naturels majeurs. Je commencerai par vous dresser un état des lieux des différents phénomènes qui touchent le territoire. Depuis plusieurs années, ces risques naturels ont tendance à gagner en intensité et à se manifester de plus en plus fréquemment, comme l'a montré le volume important des précipitations lors du passage du dernier cyclone Hola. Les vents et les pluies qui l'ont accompagné ont causé des dégâts agricoles significatifs en province Nord.
Le risque d'inondations est très important en Nouvelle-Calédonie. Sur le territoire provincial, la commune de Pouembout est particulièrement soumise à ce risque alors qu'elle fait partie de l'axe stratégique formé par l'agglomération Voh-Koné-Pouembout. En 2016, à Houaïlou, des inondations ont provoqué des glissements de terrain qui ont fait plusieurs victimes dans les tribus d'Oukaya et de Gouareu. Ce drame a suscité une prise de conscience auprès des autorités. Ainsi, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a publié une carte d'aléas l'année dernière afin d'identifier l'intensité du phénomène et sa répartition sur le territoire.
Par ailleurs, les côtes de la province Nord sont exposées au risque de submersion ainsi qu'à l'érosion marine. Le littoral, long de 934 kilomètres, est habité par l'homme sur 532 kilomètres. Cette occupation ne relève pas toujours du domaine public maritime puisque le phénomène de déclassement du domaine public de l'État, particulièrement important en province Nord, s'est traduit par une multiplication des terres coutumières sur lesquelles les autorités provinciales n'ont aucune maîtrise. Une partie de la population résidant sur le littoral provincial se trouve donc exposée à ces risques naturels majeurs. La province Nord a structuré des équipes en charge de la gestion du trait de côte et de l'aménagement du littoral qui ont pu produire un diagnostic précis de la situation.
Au regard de ces premiers éléments, nous sommes en mesure de dresser plusieurs constats. En premier lieu, la règlementation n'est pas la seule réponse à mettre en oeuvre en matière de prévention car les règles d'urbanisme ne s'appliquent pas sur les terres coutumières en vertu de l'article 18 de la loi organique de 1999. Nous procédons donc également à des actions curatives le long des rivages, la province Nord ayant engagé près de 136 millions de francs Pacifique pour financer des ouvrages sur une période de cinq ans. Ces aménagements, très bien accueillis par la population, se sont avérés particulièrement efficaces pour lutter contre l'érosion du trait de côte. Pour autant, nous constatons que la stratégie provinciale est sans doute trop centrée sur le curatif alors que de nouvelles actions de prévention pourraient être envisagées en matière de planification et d'aménagement du territoire. Or, une politique de prévention efficace s'appuie sur une connaissance suffisante des aléas. À l'heure actuelle, les inondations et les glissements de terrain sont des phénomènes encore relativement méconnus en Nouvelle-Calédonie, a fortiori en province Nord. Si l'avis du Conseil d'État du 31 octobre 2017 a permis de clarifier la répartition des compétences entre les autorités publiques, nous devons dès à présent développer des partenariats entre collectivités afin de se donner les moyens d'améliorer la prévision des risques naturels majeurs. Le recoupement des différentes cartes d'aléas que nous serons ainsi en mesure de produire nous permettra d'appréhender la crise à une échelle cohérente. Pour reprendre l'exemple de la commune de Houaïlou, le fond de vallée est totalement inondable. Les populations se réfugient donc sur les hauteurs, en montagne, où elles sont soumises à un autre risque, celui des éboulements. Il convient donc de croiser les aléas pour gérer la crise de manière satisfaisante. Les prévisions d'aménagement des documents d'urbanisme intègrent d'ores et déjà les risques et valorisent autant que possible les zones sensibles comme les cours d'eau. Mais nous devons également associer les populations, et notamment les tribus, au processus d'élaboration des cartes de risques.
J'aimerais enfin évoquer la problématique de la résilience. Les aléas définissent les constructions autorisées sur un territoire donné, mais nous nous attachons à montrer que des aménagements sont toujours envisageables en adaptant les modèles constructifs. Cela est d'autant plus important que le lien à la terre est l'un des piliers de la culture kanak, et les déplacements de population sont donc extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Nous devrons innover dans ce domaine. Je vous laisserai sur une note positive en vous rappelant qu'à Houaïlou le premier chantier de reconstruction sur les zones identifiées hors risque est déjà lancé.