Intervention de Walles Kotra

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 5 juillet 2018 : 1ère réunion
Avenir de la chaîne france ô — Audition de M. Walles Kotra directeur exécutif en charge de l'outre-mer à france télévisions

Walles Kotra, directeur exécutif en charge de l'outre-mer à France Télévisions :

Je voudrais d'abord présenter mes respects à l'ensemble des élus présents et remercier tout particulièrement le président Michel Magras pour son invitation.

France Ô est un élément du pôle outre-mer de France Télévisions, la partie émergée d'un ensemble plus important qu'il convient d'aborder de manière globale, comportant dix centres de diffusion dans dix régions du monde : à Paris, dans l'océan Indien, dans l'océan Pacifique et l'Atlantique. C'est à la fois de la radio, de la télévision et des offres numériques, souvent puissantes. Ce sont des univers et des réalités historiques et culturelles très spécifiques, avec par exemple plusieurs langues régionales fortes. Je résumerai ces missions du Pôle outre-mer par deux mots : l'enracinement et la visibilité.

L'enracinement, c'est l'enracinement dans nos pays. Dans la plupart de nos territoires, c'est sans doute difficile à imaginer ici, la chaîne la 1ère, notre chaîne locale, est un acteur médiatique incontournable et puissant : le journal télévisé de Guadeloupe la 1ère fait 73 % d'audience. Et il faut rajouter à cela la radio et les offres numériques. La situation est similaire partout, sauf à La Réunion où la chaîne concurrente privée est devant nous.

Cette situation fait que nos chaînes sont beaucoup plus que des médias. Elles participent à la cohésion et à la construction des territoires et des pays, en ouvrant des espaces de débat et de citoyenneté, en éclairant l'histoire et le présent, et en essayant de s'ouvrir aussi à nos environnements régionaux.

Enracinement donc mais aussi visibilité. C'est un débat récurrent outre-mer : peut-il y avoir une citoyenneté sans visibilité nationale ? Le Pôle outre-mer de France Télévisions a pour mission de faire émerger dans l'espace national ce qui était autrefois des confettis de l'empire et qui sont aujourd'hui des collectivités qui font partie intégrante de la Nation.

C'est la raison d'être principale de France Ô. Elle va au-delà de cette chaîne, mais elle est un élément clé du dispositif pour montrer la vie et les réalités complexes de l'outre-mer, pour partager les cultures et les univers particuliers et pour faire connaître les acteurs de ces sociétés éloignées.

Enracinement et visibilité vont de pair : plus nous sommes implantés, plus nous sommes portés par nos pays et plus nous pouvons témoigner de ce que nous sommes à l'extérieur. Des événements récents que nous avons couverts en témoignent.

Ainsi le blocage et la reconstruction à Mayotte ; vous le savez, le département a été complètement bloqué en mars et avril, les écoles fermées, les routes barrées, plusieurs services publics bloqués. Dans ce pays complètement déstabilisé, Mayotte la 1ère a joué un rôle capital, d'information bien sûr, mais aussi d'explication et d'interactivité. Nos équipes essayent maintenant d'accompagner la reconstruction avec un nouveau problème : les secousses sismiques.

Autre exemple, les commémorations pour le 170e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Il a fallu prendre en compte la diversité des mémoires nationales, régionales et locales. Plusieurs manifestations ont été retransmises sur l'ensemble du Pôle comme la déambulation du Président de la République au Panthéon ou la grande marche du 23 mai à Paris. Nous avons aussi coproduit avec Arte « Les routes de l'esclavage ». Il faudrait ajouter à cette séquence mémorielle les dix ans de la disparition d'Aimé Césaire.

Nous pourrions citer d'autres événements : la crise des sargasses aux Antilles, le déplacement du Président de la République en Nouvelle-Calédonie, les élections en Polynésie Française, l'arrivée du câble sous-marin à Wallis-et-Futuna ou la clôture des Assises de l'outre-mer.

C'est donc une période très dense que nous venons de vivre à la radio, à la télévision et sur le numérique. Dans nos stations, sur France Ô, mais aussi à travers des programmes que nous avons proposés aux autres chaînes ou les autres réseaux.

C'est donc dans ce contexte que se définit le rôle de France Ô, ce lien si particulier entre l'outre-mer et la communauté nationale. Les événements que je viens de citer sont immédiatement visibles sur France Ô, avant d'être repris ensuite par les autres chaînes, souvent tardivement.

Il n'y a plus de débat sur l'identité de France Ô. Elle est la chaîne des outre-mer. Non pas les outre-mer fermés sur eux-mêmes : pas seulement les paysages et les îles, mais tout ce que l'outre-mer apporte à la Nation, ses réalités, ses histoires, ses cultures, ses difficultés, ses richesses mais aussi ses regards si particuliers sur le monde.

C'est par exemple « Histoires d'outre-mer » qui éclaire les pages oubliées, ignorées ou méconnues de l'Histoire de France. Tout simplement parce que ces pages-là ont été écrites là-bas, ou dans ces périodes où les hommes concernés n'étaient pas tout à fait des citoyens. C'est par exemple des magazines et des spectacles qui montrent la vitalité de nos artistes, musiciens ou écrivains. Ce sont aussi des émissions comme « Témoins d'outre-mer » ou « Flash Talk » qui donnent la parole à nos compatriotes d'outre-mer, à leurs associations, à leurs élus ou à ceux qui s'intéressent aux enjeux d'outre-mer. Je citerai également le magazine « Investigations » ou « Archipels ». Nous avons participé avec nos collègues de TV5 aux « 24 heures de la Francophonie », parce que nous sommes aussi ces Français d'ailleurs, toujours en dialogue avec le monde.

Aujourd'hui, la grille de programmes de France Ô est constituée à 40 % de séries et de films - dans la mesure du possible, des films qui concernent l'outre-mer, mais pas seulement - à 17 % d'information, à 17 % de documentaires et à 10 % de magazines. Mais la grille de septembre va renforcer notre empreinte outre-mer avec en première partie de soirée une offre culturelle plus ambitieuse et plus ciblée.

France Ô est une chaîne atypique avec une programmation originale sans équivalent dans le paysage audiovisuel français. C'est un véritable écosystème : elle puise une partie de ses contenus dans les stations d'outre-mer et alimente par ses émissions l'ensemble du Pôle.

France Ô diffuse des programmes produits par nos stations pour elles-mêmes - « Miroir créole », « Les teams de la beauté », « Caraïbes », « Lamour lé Doux », « Itinéraires »... - qui représentent en moyenne trente-six heures par semaine.

France Ô cofinance certains programmes avec les stations - « Miss Tahiti », « Gospel sur la colline », « Ma terre pour demain » - ce qui permet de faire travailler nos équipes ensemble pour mieux harmoniser l'éditorial du programme et de faire participer France Ô au financement de l'audiovisuel outre-mer.

France Ô fabrique et finance seul des programmes qui sont rediffusés par les stations, comme « Les témoins d'outre-mer », de certains magazines comme « Investigations » ou « Archipels », de captations de spectacle ou de documentaires.

Enfin, France Ô reprend en direct ou en léger différé les événements importants des outre-mer, comme l'élection de Miss Tahiti il y a quelques jours ou cet été le Tour des Yoles, des tours cyclistes, le Heiva, la Diagonale des Fous, sans compter les différents carnavals, dont le Carnaval Tropical du week-end dernier à Paris. Nous souhaitons d'ailleurs que ces directs se multiplient et se banalisent sur la chaîne à la rentrée.

Lorsqu'il y a un événement national important, comme l'entrée de Simone Veil au Panthéon, il est diffusé en direct sur toutes les chaînes la 1ère. C'est notre mission de continuité territoriale. A contrario, lorsqu'il y a un événement important en outre-mer, il doit se retrouver sur France Ô. Cette émergence sur France Ô des moments forts de l'outre-mer est également symbolique.

France Ô peut sembler modeste avec une audience moyenne de 0,6 à 0,8 %. Elle a des moyens limités, une petite équipe et un budget modeste, mais elle assure une mission essentielle : la visibilité des outre-mer. Sans elle, beaucoup des événements que nous avons cités tout à l'heure seraient sans doute passés sous silence. Se reposerait alors cette question : « Peut-il y avoir une citoyenneté sans visibilité ? »

France Ô est une particularité française, née parce que le service public a dû inventer des structures adaptées à un pays qui est à la fois ici et là-bas, en Europe et dans le monde entier, qui conjugue l'infiniment petit et le grand large, avec des univers à la fois riches et très divers, ce pays que le Président de la République a très justement appelé l'Archipel France.

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