Merci beaucoup de nous accueillir. Je voulais partager avec vous une réflexion que j'ai menée avec la productrice Marie-Pierre Bousquet. La menace est réelle et toujours bien présente. En témoigne le rapport de la députée Frédérique Dumas, certes resté confidentiel : « Concernant France Ô, l'échec étant constaté, que faire ? Le débat ne doit déboucher sur aucun tabou, mais n'avoir qu'un seul objectif, la visibilité de l'outre-mer. Faut-il reconstruire France Ô ou faut-il fermer France Ô en contrepartie de l'ouverture des autres antennes de France Télévisions à l'outre-mer ? »
Et si France Ô n'était pas un échec ? Nous rejetons ce postulat et notre directeur a bien démontré l'absence d'échec. France Ô est en effet, au sein de France Télévisions, le premier diffuseur de programmes musicaux, le premier diffuseur de fiction française et européenne, le deuxième diffuseur de spectacles vivants et le deuxième diffuseur de documentaires.
Je mettrai un dossier à votre disposition qui montre de façon très claire sa productivité ; 0,6 % d'audience, ce n'est pas beaucoup, mais c'est significatif au regard de notre budget : en outre, le point d'audience de France Ô coûte moins cher que celui des autres chaînes de France Télévisions. Le modèle économique et les résultats de France Ô sont positifs.
France Ô est une vraie chaîne du service public ; c'est une chaîne généraliste qui crée du lien entre l'hexagone et les outre-mer, une chaîne du direct, une centrale de production au sein du pôle outre-mer, une chaîne d'information, une chaîne culturelle, une chaîne solidaire, un outil médiatique stratégique, une chaîne du vivre-ensemble.
Si l'État supprimait la chaîne France Ô ? Cela serait une injustice pour cette chaîne qui remplit sa mission de service public avec d'énormes restrictions budgétaires. Cela signifierait aussi la perte annuelle directe de programmes patrimoniaux - la mémoire collective des outre-mer, via des documentaires aujourd'hui à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) - qui ont été produits par RFO puis France Ô. Cela serait une perte évidente de la visibilité des ultramarins au niveau national.
France Ô est menacée, car le passage sur le web est une menace : 24 % des Français n'ont accès qu'à la télévision - et je ne parle pas des zones blanches ultramarines ; 65 % des Français préfèrent regarder la télévision sur leur téléviseur. La télévision web est complémentaire de la télévision classique, mais elle ne peut la remplacer. Celle-ci a un rôle fédérateur et social. La webtélé est une plateforme de contenus affinitaires dans une forêt inextricable de vidéos - pour être noyés, il n'y a pas mieux ! Faire des économies en passant sur le web est un leurre : nous perdrions le gros du financement de nos documentaires par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui ne rétribue pas les web-documentaires comme ceux qui passent à la télévision.
Ce qu'il faut faire, c'est renforcer France Ô en développant la synergie entre les chaîne La 1ère et le groupe, en la repositionnant comme un média sociétal, culturel et citoyen - personne ne réclame la suppression d'Arte, malgré ses audiences confidentielles au regard de son budget.
Il ne faut pas supprimer France Ô - 0,8 % du budget de la société - en prétendant renforcer la visibilité des outre-mer sur les chaînes nationales - si elles devaient parler davantage des outre-mer, elles le feraient déjà. Il faut au contraire coproduire des programmes avec elles, ce qui permettra de réduire le coût pour nous.
Il faut faire de France Ô un vrai média global : télévision, radio web, digital. Il faut en faire un nouveau modèle expérimental qui pourra dépoussiérer les autres chaînes.
Pour ne citer qu'un exemple de notre créativité, nous avons capté le carnaval tropical de Paris sur les Champs-Élysées, que nous diffuserons mardi prochain ; en même temps, nous l'avons diffusé en direct par un Facebook live démultiplié dans le monde entier.
Encore une fois, supprimer France Ô serait une grave erreur et une injustice. La chaîne doit affirmer sa ligne éditoriale pour plus de qualité et de visibilité et, pour cela, nous avons besoin de temps. C'est un enjeu stratégique pour notre pays.