Intervention de Annick Girardin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 5 juin 2018 : 1ère réunion
Jeunesse des outre-mer et le sport — Audition de Mme Annick Girardin ministre des outre-mer

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Me voilà pour la deuxième fois devant votre délégation et c'est toujours avec grand plaisir que je me rends à votre invitation. Vous avez réalisé de nombreuses auditions et visioconférences pour mener à bien votre étude sur cet important sujet que constitue le sport en faveur de la jeunesse de nos outre-mer et j'aborderai donc assez brièvement un certain nombre de points, au bénéfice de vos questions.

J'avais été interpellée à l'Assemblée nationale sur la question des équipements sportifs dans les outre-mer et le député observait fort justement que les équipes de France victorieuses dans les compétitions de haut niveau comportaient souvent une forte proportion d'ultramarins. L'investissement devrait logiquement être massif pour faire fructifier ce vivier. Nul besoin de citer les sportifs illustres issus des outre-mer ayant marqué l'histoire du sport français. Les dernières sélections nationales, masculines comme féminines, pour le football mais aussi pour d'autres disciplines telles que l'athlétisme, le rugby, le tennis, le judo ou encore le hockey sur glace en attestent. Je suis personnellement, et de longue date, très attentive à ces questions : conseillère jeunesse et éducation à l'origine, j'ai ensuite été à la tête de la direction de la jeunesse et des sports de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Lors de son audition, Mme Laura Flessel, ma collègue ministre des outre-mer, a rappelé que 19 % des médaillés français des Jeux olympiques de Rio étaient originaires des outre-mer et que 12 % de la délégation française étaient issus des outre-mer. Plus globalement, on évalue à 30 à 35 % la part des ultramarins parmi les sportifs de haut niveau, ce qui révèle une nette sur-représentation. Cela constitue une belle vitrine pour les territoires et notre pays, dont il faut se féliciter car nos sportifs participent de la richesse de la France.

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP) en 2024 seront, je l'espère, une nouvelle occasion de briller pour nos jeunes ultramarins qu'il faudra associer aux manifestations au-delà même des seuls sportifs. Ce sera aussi l'occasion de valoriser le bénévolat qui joue un rôle primordial dans les territoires. Mais cela suppose d'anticiper, comme nous avions su le faire pour la préparation de la COP21.

Le sport pour les outre-mer recoupe des questions plus générales et omniprésentes telles que la mobilité ou la coopération régionale. Ainsi le championnat du monde de va'a cet été en Polynésie française participe-t-il pleinement au rayonnement de la France dans le bassin Pacifique : élément du patrimoine et expression de la culture polynésienne, l'organisation de cet événement reçoit le soutien du ministère des outre-mer. Nous travaillons en lien étroit avec le ministère des sports mais également celui des affaires étrangères au titre de la coopération régionale et de la diplomatie du sport. Il faut en effet pouvoir assouplir certains dispositifs, comme l'octroi de visas aux Brésiliens qui souhaitent participer à des compétitions en Guyane.

L'Euro de football 2016 a permis de mobiliser l'ensemble des territoires ultramarins et il faudra reproduire cette formidable dynamique lors des JOP 2024 en mobilisant les fédérations ; les droits sur la télédiffusion des événements devraient leur permettre d'être partenaires. Le réseau de talents qui va être mis en place pour la préparation de ces JOP devra être pérennisé et l'image des talents ultramarins mieux valorisée dans les médias.

Concernant les équipements, le ratio est de 50 pour 10 000 habitants dans l'hexagone et de 31 en moyenne dans les outre-mer pour descendre à 14 à Mayotte. On constate donc un important décalage qu'il nous faut combler, objectif du plan Kanner qui s'appuie sur le Fonds européen d'investissement (FEI) et le Centre national pour le développement du sport (CNDS) puisqu'il s'agit d'une réservation de crédits sur des enveloppes préexistantes qui n'ont pas connu d'augmentation de leur montant lors de l'annonce de ce plan. Ce plan revient à prioriser le sport dans l'affectation des crédits disponibles et pas à un élan supplémentaire qui aurait conduit à abonder ces enveloppes.

Les territoires étant en déficit d'ingénierie, le ministère des sports a décidé d'octroyer une enveloppe budgétaire de 40 000 euros à chaque outre-mer à l'appui de sa stratégie sportive et de l'élaboration d'un schéma de développement d'un maillage territorial des infrastructures. Un tel schéma, bien qu'il ne satisfasse pas nécessairement chaque localité, est gage d'un équilibre territorial. Ce besoin est particulièrement patent à Mayotte.

Anticiper pour maximiser les retombées positives après les JOP 2024, c'est aussi miser sur la formation et prévoir la reconversion des sportifs. Il faut à cet égard poursuivre le Pacte de performance lancé en 2014 et travailler sur les brevets d'État et les équivalences de diplômes.

Le sport, c'est aussi le sport pour tous, dont les enjeux sanitaires sont majeurs outre-mer où les pathologies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, l'obésité ou le diabète sont très présentes. Le sport est en effet un vecteur de santé et je me réjouis qu'il figure dans les schémas régionaux de santé. Le sujet « sport et santé » est également au centre des Assises des outre-mer : il y a ainsi, au nombre des projets portés dans les territoires, un parcours santé intergénérationnel en Guyane, la création d'une plateforme de ressources en sport-santé en Martinique fédérant les acteurs de ces deux secteurs, ou encore le projet de centre de prévention, de nutrition et d'activités physiques à Wallis-et-Futuna.

En matière de cohésion sociale, le sport joue aussi un rôle éminent comme vecteur de savoir être et d'intégration. Nous travaillons sur cette question avec M. Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel à l'égalité des chances, que vous avez auditionné et qui, en tant qu'ancien sportif de haut niveau issu d'un milieu populaire, connaît bien les enjeux.

Pour favoriser la pratique du sport, il serait pertinent d'instaurer un pass'sport, comme il existe un pass'culture, question que j'ai évoquée avec ma collègue ministre des sports.

Mon ambition pour le développement du sport outre-mer est élevée : il s'agit de favoriser l'excellence par un appui au haut niveau et de soutenir le sport-santé et le sport comme levier de développement économique.

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