Intervention de Christian Gosse

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 mars 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs dans les outre-mer — Audition des opérateurs de réseaux

Christian Gosse, directeur adjoint de la direction nationale SEI d'EDF :

Je souhaite tout d'abord préciser que je travaille pour EDF au niveau national, mais que je suis actuellement en tournée en Guyane et aux Antilles, ce qui explique mon intervention par visioconférence aujourd'hui.

J'aimerais commencer par vous donner quelques éléments de contexte sur la situation d'EDF dans les outre-mer. La direction des systèmes énergétiques insulaires (SEI) est implantée dans plusieurs départements (la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, la Guyane) et collectivités d'outre-mer (Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon). Pour votre information, EDF SEI est également présente en Corse ainsi que sur les îles bretonnes de Molène, Chausey et Ouessant. La direction SEI est un opérateur intégré qui exerce, dans ces territoires, l'ensemble des activités d'EDF, de la production d'énergie à la commercialisation, ce qui n'est plus le cas en métropole. 3 300 employés servent plus d'un million de clients en outre-mer.

Deux particularités sont à souligner dans le fonctionnement d'EDF SEI. En premier lieu, nous opérons sur un marché ouvert où d'autres producteurs d'énergie ont signé des contrats sur une durée de 20 ou 30 ans. Ainsi, Albioma est notre premier concurrent. EDF compte également une filiale PEI (production électrique insulaire) qui produit de l'énergie sur ces territoires. À l'heure actuelle, 7 000 producteurs d'énergies renouvelables (EnR), des particuliers aux champs de panneaux photovoltaïques, alimentent la population ultramarine.

À l'échelle de tous les territoires couverts par EDF SEI, 70 % de notre production est issue d'énergie fossile, fuel ou charbon, et 30 % d'EnR. Celles-ci peuvent être intermittentes, comme l'hydraulique, et le mix énergétique diffère considérablement selon les territoires. En effet, ce mix de production est constitué de 7 % d'EnR en Martinique à 65 % d'EnR en Guyane, l'hydraulique y étant très développé. La Guyane présente ainsi la plus grande proportion d'EnR de France.

J'aimerais maintenant aborder plus spécifiquement la question des risques naturels majeurs. Les outre-mer sont soumis à une multitude de risques : les séismes, les irruptions volcaniques, les mouvements de terrain, les inondations. Depuis l'implantation d'EDF sur ces territoires, en 1975, les cyclones demeurent les catastrophes qui provoquent le plus de dégâts sur nos installations, en particulier sur nos ouvrages aériens.

Pour ce qui est des risques sismiques et volcaniques, nous participons aux différents exercices, mais ces phénomènes n'ont pas généré de dégâts massifs sur nos installations, y compris souterraines. Toutefois, les observations sur d'autres territoires permettent de penser qu'un séisme d'une magnitude de 9 sur l'échelle de Richter est susceptible de causer des dommages importants. Un tel niveau d'impact génèrerait d'autres difficultés plus prioritaires que la chute du réseau électrique comme l'effondrement massif des bâtiments. Toutes les infrastructures seraient endommagées.

Nous travaillons donc principalement sur le risque cyclonique, eu égard à la fréquence et à l'intensité de ces phénomènes. Les Antilles et l'océan Indien sont frappés par au moins un cyclone chaque année. Irma demeure toutefois un événement exceptionnel. Depuis le passage d'Hugo en 1989 en Guadeloupe, nous avons entrepris une démarche d'amélioration de la résistance de nos ouvrages, à la fois sur les réseaux aériens mais aussi par l'enfouissement de certaines structures. Des programmes d'élimination progressive des réseaux nus, à basse tension, ont permis un remplacement quasiment complet de ces structures dans les îles qui présentent un risque cyclonique. Depuis 1985, nous sommes parvenus à enfouir progressivement 65 % du réseau. À Saint-Barthélemy, par exemple, ce taux atteint 95 % contre 85 % à Saint-Martin, 70 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Toutefois, la Guyane est restée à peu près au niveau de la métropole soit 45 % du réseau 20 000 volts enfouis. Cela s'explique par le fait qu'EDF n'a pas développé en métropole de plans d'alerte cyclonique.

Il convient à présent d'aborder la gestion de crise. Notre premier objectif est la réalimentation des clients le plus rapidement possible. Des plans spécifiques sont mis en oeuvre pour y parvenir comme les plans d'aide au dépannage électricité (ADEL) pour des phénomènes électriques de grande ampleur. Nous sommes également en capacité de nous appuyer sur la filiale ENEDIS et sur les ressources du groupe EDF à travers le dispositif de la force d'intervention rapide électricité (FIRE). La FIRE a été créée à la suite de la tempête de 1999 qui a frappé la métropole afin de mobiliser rapidement entre 30 et plusieurs centaines d'employés d'EDF ainsi que du matériel. Nous avons évidemment fait appel à la FIRE pour la plupart des cyclones récents, en particulier pour Irma et Maria.

Comment gère-t-on les crises concrètement ? Une organisation à plusieurs niveaux se met en place avec des cellules de crises locales (en Guadeloupe pour Irma, avec des antennes sur les Îles du Nord) et, au niveau national, avec le SEI ainsi qu'une cellule de crise interne à EDF pilotée par la présidence du groupe. Ces cellules organisent des points d'information une à deux fois par jour afin de se mettre rapidement d'accord sur les diagnostics et sur les décisions en termes d'envoi de renforts et de mobilisation de ressources. En outre-mer, la première difficulté consiste à acheminer le matériel. Nous pouvons en effet être amenés à faire appel à de gros porteurs de type Antonov afin de transporter des groupes électrogènes avec des cargaisons de plus de 100 tonnes. Dans le cadre de l'anticipation des crises, nous avons donc passé des contrats avec ces transporteurs en amont. Nous travaillons également avec Air France pour l'envoi de matériel en fret normal. Par bateau, le temps de réponse est de 3 semaines, ce qui est bien trop long pour rétablir le service public en cas de crise.

La remise en état du réseau suit une procédure en quatre étapes, que j'illustrerai en m'appuyant sur le cas d'Irma :

- la réalimentation. À la suite à la visite du Président de la République, EDF s'était engagé à réalimenter les sites prioritaires en électricité en une semaine. La cellule de crise locale, en lien avec l'État et la collectivité qui définit les sites prioritaires (les hôpitaux, la gendarmerie...) a permis d'effectuer cette étape, à l'aide de groupes électrogènes importés ;

- la réalimentation générale. Cet objectif devait être rempli sous 5 semaines pour l'ensemble des clients des deux îles. Les délais ont été tenus en mobilisant tous les moyens disponibles, dans des conditions très difficiles ;

- la sécurisation du réseau. Cette phase est primordiale car elle permet d'éviter des accidents graves, et peut durer un à deux mois ;

- la consolidation, qui consiste à ramener le réseau dans sa structure originale. Pour autant, ce qui se passe à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy est un peu différent car nous cherchons à reconstruire le réseau non pas à l'identique mais en souterrain, pour plus de résilience et de sécurité.

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