Merci, monsieur le président, madame et messieurs les sénateurs, pour cette invitation. Nous avons effectivement pleinement conscience de l'importance du numérique, en particulier en période de crise, pour avoir constaté que des habitants communiquaient via Twitter et Facebook au plus fort de l'ouragan pour donner des nouvelles à leurs proches. La restauration des réseaux de télécommunication est également essentielle pour permettre d'organiser les secours.
J'aimerais commencer mon propos par quelques mots de contexte. La direction Orange Antilles-Guyane que je dirige est basée en Guadeloupe et compte 1 300 employés. Orange est présent à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de même qu'en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mon homologue Mme Mireille Hélou est en charge de la direction La Réunion-Mayotte. Ces directions sont en charge des activités de construction et de maintenance de réseaux, ainsi que de la commercialisation des services fixe, mobile et Internet pour les clients d'Orange de ces départements.
En ce qui concerne la prévention, Orange dispose, comme tous les grands groupes, d'une politique globale d'anticipation des catastrophes naturelles qui consiste notamment à la solidification et au renforcement du matériel à partir de tests de robustesse des équipements. Cette politique d'anticipation se décline également au plan humain avec des équipes d'astreinte en permanence au niveau national pour la supervision des réseaux autant en heures ouvrées qu'en heures non ouvrées (HNO). Sur le volet organisationnel enfin, les procédures de plan de gestion de crise sont régulièrement actualisées et nous prévoyons des dotations d'équipements de transmission pour les décideurs et techniciens de secours tels que des téléphones satellite et des cartes SIM d'autres opérateurs lorsque nos réseaux sont en panne, pour garder le lien entre les équipes. Nous faisons également le nécessaire au plan logistique, en remplissant les réservoirs avant la crise notamment. Orange est associé aux travaux préparatoires dits d'alerte à la préfecture et fait des exercices réguliers, dont certains en grandeur nature. Je souligne la nécessité de maintenir ces exercices périodiques afin d'en tirer de précieux enseignements en matière de gestion de crise.
Sur la partie gestion de crise à proprement parler, les cyclones sont des phénomènes assez bien anticipés, ce qui nous permet de bénéficier d'un délai de préparation en amont. Ainsi, le fait que nous ayons pu poster des techniciens possédant des compétences pointues sur les réseaux structurants à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin en avance de phase constitue l'un des facteurs clefs de la réussite de nos interventions après Irma. Ces équipes ont en effet pu intervenir dès les premières heures après le passage de l'ouragan. Toutefois, ce dispositif est difficile à mettre en place car nous sommes contraints de demander à des personnels de se rendre en zone de danger. Cela pose donc des problèmes de logistique et de sécurisation des personnes et du matériel. Nous avons été confrontés à ces difficultés sur les deux îles, en particulier à Saint-Martin.
En termes de retour d'expérience, il convient de souligner l'importance de notre participation au poste de commandement de crise de la préfecture. En outre, je remercie EDF avec qui nous avons collaboré pour identifier les sites nécessitant de l'énergie en priorité. Nous avons également pu bénéficier de leurs infrastructures car, sans énergie, nous ne pouvons rien faire. Ainsi, deux hélicoptères PUMA ont permis d'acheminer des groupes électrogènes sur des lieux fragiles et prioritaires.
Après le passage d'Irma, nous avons rétabli en 10 jours 95 % de la capacité voix, ce qui a permis aux victimes de communiquer avec leurs familles et aux secours de s'organiser. Les données mobiles ont été rétablies en 30 jours. Nous avons choisi de prioriser la remise en état des réseaux mobiles car la partie fixe est plus difficile à restaurer. Nous avons privilégié l'accès aux lignes fixes pour les services de l'État et les services de santé comme les pharmacies et les médecins. 180 salariés, des experts techniciens volontaires, sont venus de métropole, à tour de rôle, pour prêter main forte aux équipes sur place. À titre indicatif, Orange compte environ 500 salariés sur la plaque Antilles-Guyane, sans compter les nombreux renforts mobilisés pour Irma et Maria.
Je soulignerai par ailleurs que, dès le début de la crise, nous avons accompagné les clients en offrant la gratuité des communications pendant une durée limitée et en anticipant les retours de facturation. Nous avons également fourni à la Croix-Rouge des cartes SIM et des téléphones afin que ceux-ci soient distribués à la population. Enfin, nous nous sommes associés à la collecte de biens faite par la population. Nous avons à cette occasion noté que la population avait besoin de contribuer à cet effort et de venir en aide à leurs familles par ce genre d'actions. Ce fut une expérience intéressante de pouvoir s'appuyer sur notre réseau de points de vente pour acheminer ce matériel.
Je conclurai avec quelques recommandations. En premier lieu, la sécurisation des biens et des bâtiments est essentielle lorsque le personnel est contraint de travailler dans une situation de quasi-guerre pendant plusieurs jours, sans eau, ni électricité, ni pont logistique. Les premiers jours, alors que la population n'était pas autorisée à sortir, l'armée et la gendarmerie sont intervenues et l'on entendait des coups de feu la nuit. Notre personnel était donc très exposé, et nous devons travailler à leur sécurisation.
Il convient également de réfléchir à l'organisation des barrages et des couvre-feux, afin que les opérateurs de télécoms soient inscrits parmi les forces d'intervention et que les techniciens puissent se déplacer. Nous avions pallié ces difficultés en collant des autocollants Orange sur les voitures pour que les forces de l'ordre laissent passer les agents. Nous souhaiterions, dans le futur, nous doter d'un signe distinctif comme un gyrophare et obtenir l'autorisation d'intervenir la nuit car chaque heure compte en temps de crise. Un système de pass pourrait être imaginé pour franchir ces différents barrages.
Nous avons également fait face à des problèmes de ravitaillement en essence. Certains loueurs ont compris la situation et, avec la préfecture, nous sommes parvenus à obtenir de l'essence. Toutefois, les premières heures restent critiques en termes d'approvisionnement.
Je finirai par deux pistes de réflexion sur la résilience des réseaux. Orange et EDF ont souvent rappelé la nécessité de l'élagage en amont des voies chez les propriétaires, car de nombreuses lignes n'auraient pas été coupées si la végétation abondante dans nos îles était contrôlée aux abords des réseaux. De même, l'enfouissement des réseaux est une clef pour améliorer la résilience de nos installations.