Intervention de Hugues Ravenel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 9 mars 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs en outre-mer — Visite de météo france

Hugues Ravenel, directeur interrégional en Nouvelle-Calédonie :

Bonjour à tous. Sur l'écran, vous pouvez voir que nous suivons de très près la dépression tropicale qui menace les Îles Loyauté à l'heure actuelle.

Je commencerai par vous donner quelques éléments de contexte sur la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna au regard de la surveillance météorologique, en particulier en ce qui concerne la production de la vigilance et de l'alerte cyclonique. J'évoquerai dans ce cadre la coopération entre Météo France et le Centre météorologique régional spécialisé cyclones (CMRS) du Pacifique sud-ouest basé à Fidji. Le retour d'expérience du passage du cyclone Gita me donnera enfin l'occasion de dresser le bilan de la saison.

Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie sont marqués par une grande sensibilité à la météo car l'activité économique est fortement corrélée aux conditions météorologiques, et notamment au passage des cyclones. La compétence météorologique ayant été transférée au territoire, un partenariat a été signé entre le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et Météo France pour que notre établissement puisse exercer cette compétence.

Dans ce contexte, nous déclinons notre mission principale, l'aide à la décision, à court terme à travers le dispositif de vigilance et d'alerte cyclonique, à moyen terme par la prévision saisonnière, mais aussi à long terme en travaillant sur l'adaptation au changement climatique. Nous apportons par ailleurs notre expertise sur les catastrophes naturelles et les calamités agricoles.

Pour cela, nous nous appuyons à la fois sur l'historique et sur l'innovation en exploitant les données anciennes mais aussi celles transmises par les radars et les satellites. Les modèles haute-résolution, dont le modèle Arome récemment étendu à la Nouvelle-Calédonie, nous permettent également d'affiner notre expertise. Le développement et l'utilisation de ces outils nécessitent une coopération importante avec d'autres institutions en Nouvelle-Calédonie mais aussi avec les services météo voisins de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Ces outils nous permettent donc d'apporter notre aide à la décision au travers du dispositif de vigilance. La Nouvelle-Calédonie compte 33 communes aux superficies importantes, ce qui explique que le système de vigilance y soit déployé à l'échelle communale. Sauf en cas de pré-alerte, les bulletins de vigilance sont produits deux fois par jour, à 6 heures et à 16 heures. À partir du niveau jaune, la carte météorologique est commentée. Ce commentaire s'accompagne de bulletins de suivi en cas de vigilance orange ou rouge. La vigilance, qui suit le même code couleur que dans l'hexagone, couvre plusieurs aléas : les vents violents, les fortes pluies, les orages et la forte houle. À l'heure actuelle, il n'existe pas de dispositif similaire à Wallis-et-Futuna.

En ce qui concerne l'alerte cyclonique, celle-ci ne peut être déclenchée que par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Conformément à sa mission d'aide à la décision, la direction interrégionale produit un bulletin météorologique d'alerte pour informer le président sur la situation météorologique. La pré-alerte est déclenchée à l'approche d'une dépression tropicale au moins modérée dans la zone d'avertissement qui entoure la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle. La vigilance étant alors suspendue, les informations météorologiques sont transmises par des bulletins d'alerte produits toutes les 6 heures. La pré-alerte concerne l'ensemble du territoire tandis que l'alerte 1, déclenchée environ 18 heures avant l'impact, et l'alerte 2, déclenchée 6 heures avant l'impact, peuvent être activées uniquement sur certaines communes. À titre d'exemple, les îles d'Ouvéa et de Lifou sont passées en alerte 2 à 14 heures et l'île de Maré à 17 heures aujourd'hui. À Wallis-et-Futuna, l'alerte cyclonique, qui fonctionne selon des principes similaires, est déclenchée par l'Administrateur supérieur.

Depuis cette année, nous produisons quotidiennement un bulletin d'activité cyclonique (BAC) complété, en cas de menace, par un bulletin d'information cyclone (BIC) détaillant la prévision de trajectoire et les impacts attendus, diffusé toutes les 6 heures par mail et sur notre site internet. Ces documents publics se distinguent des bulletins météorologiques d'alerte destinés aux autorités en charge de la décision pour les niveaux d'alerte. Notre production cyclonique comprend également des bulletins météorologiques spéciaux (BMS) pour décrire la situation sur le littoral et au large.

Le CMRS de Nandi, à Fidji, ainsi que les services météorologiques de Nouvelle-Zélande et d'Australie permettent de couvrir le risque cyclone sur l'ensemble du Pacifique sud.

Notre travail de prévision se fonde sur deux données, l'intensité observée et la position du phénomène, conformément aux règles de l'Organisation mondiale de météorologie (OMM). Pour recueillir et analyser les images radars, nous utilisons plusieurs modèles, notamment le modèle européen, et coopérons avec les services météorologiques voisins. La communication est parfois difficile, en particulier lorsque Fidji, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande sont également soumis à une menace cyclonique.

Après vous avoir présenté les grands principes de l'organisation météorologique, j'aimerais à présent vous faire part de notre retour d'expérience sur le cyclone Gita qui a récemment frappé la région. Cette dépression tropicale qui s'est formée au large de Fidji a approché les îles de Wallis-et-Futuna et s'est intensifiée avant de se diriger vers la Nouvelle-Calédonie. Gita a dévasté Tonga mais a épargné la plus grande partie du territoire calédonien, à l'exception de l'Île des Pins situé à l'extrême sud de l'archipel. Les rafales maximales ont atteint 122 kilomètres par heure dans le sud de la grande terre.

À l'approche du phénomène, notre production cyclonique s'est étoffée pour garantir un suivi en temps réel de Gita. Ainsi, le bulletin d'activité cyclonique a permis d'identifier une zone suspecte dès le 2 février 2018. Entre le 8 et le 10 février, lorsque l'alerte a été déclenchée, 8 bulletins info-cyclone ont été publiés pour Wallis-et-Futuna. La production a été réduite progressivement après le passage de Gita. Une dynamique similaire s'est mise en place lorsque le cyclone s'est approché de la Nouvelle-Calédonie. À partir de l'alerte 2, par exemple, des bulletins ont été publiés toutes les 3 heures pour actualiser la position du phénomène. Ce suivi régulier nous permet d'apaiser la population et d'éviter la prolifération de fausses nouvelles.

La coopération avec les autorités est une dimension essentielle de ce genre de crise. Elle s'est manifestée, pour Wallis-et-Futuna, par la production de bulletins météorologiques d'avertissement (BMA) depuis Nouméa et la participation d'un agent aux réunions organisées par l'administrateur supérieur à Wallis. En Nouvelle-Calédonie, des contacts téléphoniques réguliers ont été organisés entre la direction interrégionale de Météo France en Nouvelle-Calédonie (DIRNC) et la direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) en amont de l'arrivée du phénomène, en plus des BMA que nous avons produits pour éclairer les décisions de passage en alerte. Nos équipes ont su faire preuve de pédagogie pour expliciter ces documents en organisant en conseil de direction, à l'approche du phénomène, un briefing sur la situation, la prévision et les impacts météorologiques attendus pour éclairer les propositions faites dans les BMA.

Au-delà du seul phénomène Gita, notre prévision sur la saison cyclonique a commencé par la publication, dès le 1er décembre 2017, d'un article sur notre site internet détaillant la situation dans l'océan Pacifique au 15 novembre 2017. Ces travaux nous ont permis de conclure que l'activité cyclonique pour la saison 2017-2018 devait être aussi importante que celle des années précédentes en Nouvelle-Calédonie, soit une moyenne d'environ 7 phénomènes à observer sur l'ensemble de la saison. Nous avons constaté, à partir des statistiques sur les 40 dernières saisons, que la Nouvelle-Calédonie se situait dans la zone où l'activité cyclonique était la plus intense, ce qui n'est pas le cas de Wallis-et-Futuna. Ce bilan global est décliné pour chaque saison. À titre d'exemple, la saison cyclonique 2016-2017 s'est caractérisée par un démarrage tardif et seulement 5 phénomènes observés, dont deux cyclones à forte intensité en avril et en mai.

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