Je représente une petite fédération - certes olympique - de 60 000 licenciés et 800 clubs répartis en métropole et dans les outre-mer. Notre budget est de 6 millions d'euros dont la moitié des recettes est constituée par la subvention de l'État. Nous avons la chance d'avoir 44 cadres techniques, placés auprès de notre fédération, qui nous permettent de structurer tant les fonctions d'entraînement, de formation que de développement de la pratique.
Dans les outre-mer, nous disposons de 5 comités régionaux : celui de Guadeloupe, avec 9 clubs pour 250 licenciés ; celui de Guyane, avec trois clubs pour 145 licenciés ; celui de Martinique, avec 5 clubs pour 203 licenciés ; celui de La Réunion avec 10 clubs pour 357 licenciés ; celui de la Nouvelle-Calédonie avec 4 clubs pour 159 licenciés. Ces licenciés sont, pour une très grande majorité, âgés de moins de vingt ans, avec 80 ou 85 % de moins de 15 ans, moins de 17 ans et moins de 20 ans. Cela ouvre des perspectives à l'escrime dans les outre-mer ! Ces chiffres, qui montrent une étroitesse des effectifs, ne doivent pas masquer l'impact de ces escrimeurs dans nos équipes de France, notamment à l'occasion des Jeux olympiques. Lors des Jeux olympiques d'Atlanta de 1996, la délégation française d'escrime comptait 15 sélectionnés dont une escrimeuse ultramarine - une certaine Laura Flessel - ; en 2016, lors des Jeux olympiques de Rio, la délégation française comptait 6 représentants des outre-mer sur 19 sélectionnés, et 5 d'entre eux sont revenus avec une médaille.
Ces résultats nous incitent à mettre en place des actions spécifiques pour encourager les jeunes escrimeurs ultramarins. En matière de haut niveau, le passage obligé est le projet de performance fédéral, validé en toute fin d'année 2017. Dans le cadre du programme d'accession au haut niveau, nous avons identifié une structure maintenant très ancienne dans notre organisation qui prend la forme d'un pôle France Antilles Guyane, basé sur le CREPS de Pointe-à-Pitre. Sur ce pôle, un cadre d'État est en place et a la charge de la coordination et de l'entraînement. Les jeunes ont d'autant plus de mérite qu'ils s'entraînent dans une « salle d'armes » vraiment très en deçà de leur talent et des conditions standards pour une structure de ce niveau.
Depuis près de vingt ans, nous entendons parler d'un projet de construction de nouvelles salles d'armes. Chaque nouveau directeur de CREPS, directeur régional, directeur technique national, voire chaque nouveau ministre indique que la salle va sortir de terre. Ce n'est toujours pas le cas. Cet exemple permet l'illustrer le déficit des outre-mer en matière d'équipements sportifs.
Le dispositif que nous avons mis en place tient compte du fait que dans notre sport, il est nécessaire de participer aux compétitions pour être classé, repéré et détecté. Ces compétitions sont organisées, pour la plupart, sur le territoire métropolitain. Dans les catégories d'âge de moins de 17 ans et de moins de 20 ans, la confrontation à l'international se fait sur le circuit européen. Les jeunes licenciés ultramarins ont plusieurs fois dans une saison sportive l'obligation, en fonction de leur sélection, de se rendre sur le territoire métropolitain et on comprend bien le surcoût que représentent ces déplacements répétés. Grâce à l'appel à projet auquel nous avons répondu et qui porte le nom de Génération 2024 - accompagnement des plans de détection des fédérations auprès des publics cibles -, nous avons mis en place un système qui permet, à travers une subvention versée à nos comités régionaux, d'aider ces jeunes compétiteurs.
Je tiens à noter une spécificité de l'escrime en Polynésie française. La fédération - ce terme peut étonner si on le met en regard du nombre de pratiquants - polynésienne d'escrime, créée en 2015, est très récente. La convention avec la Fédération française d'escrime porte essentiellement sur des actions de formation des jeunes, des très jeunes et sur l'encadrement. Mais cela n'a pas conduit la fédération polynésienne à être affiliée à la fédération internationale.
Je voudrais présenter une action qui nous est chère et qui consiste à aider deux comités régionaux - ceux de la Guadeloupe et de la Martinique - que nous essayons de faire travailler ensemble pour la mise en place d'un diplôme d'État (DESJEPS) mention escrime. Le constat est le suivant : de la même façon que les jeunes athlètes qui viennent en métropole pour participer aux compétitions et intégrer des structures de niveau pôle France-relève changent souvent de licence et adhèrent à un club métropolitain qui, fort de ses moyens plus importants, leur propose des aides aux déplacements, à la formation et au matériel, on constate que les candidats qui suivent une formation de maître d'arme ou de prévôt fédéral en métropole y restent car on leur propose une offre d'emploi plus significative que celle qui pourrait leur être proposée sur leur territoire d'origine. Avec les deux comités régionaux, nous avons le projet de développer sur place une formation, avec cette difficulté de la nécessité de l'alternance, pour faire en sorte que ceux qui se destinent à cette qualification ou à ce métier puissent trouver sur place des conditions d'emploi satisfaisantes. C'est un enjeu très important pour les nouvelles générations.
Je voudrais enfin expliquer dans quelles conditions et dans quel cadre ces comités régionaux ultramarins peuvent participer aux compétitions internationales des zones régionales. Les jeux de la CASCO (Central American and Caribbean Sports Organization) ont été évoqués par les précédents orateurs. Il y a un autre exemple avec les championnats océaniens d'escrime dont les épreuves de jeunes ont été organisées en Nouvelle-Calédonie en octobre 2017. Le principe est le suivant : la fédération française autorise ses organes déconcentrés à participer à ces compétitions régionales ou de zone à la condition toutefois que ces compétitions ne délivrent pas de points qui impactent les classements continentaux et internationaux car ces classements sont le point de passage obligé pour les qualifications olympiques. Il serait illogique que des jeunes participent aux championnats panaméricains sous la couleur de la Guadeloupe et soient également engagés dans une même saison sur un championnat d'Europe avec l'équipe de France.
Je voudrais conclure en rappelant l'importance de ces talents, notamment dans la perspective des championnats du monde seniors qui vont se dérouler en Chine au mois de juillet. Les sélections - pas toutes encore officielles - de 24 sportifs comprendront 6 escrimeurs originaires des outre-mer. Certains sont déjà de nombreuses fois médaillés et représentent le comité régional de Guadeloupe (Yannick Borel, Daniel Jérent, Enzo Lefort et Ysaora Thibus). Il y a également un représentant de la Guyane (Jonathan Bonnaire) et un représentant de La Réunion (Maxence Lambert). Tous ces jeunes ont eu un parcours à peu près identique. Après avoir été détectés dans leur club d'origine, ils ont été suivis et ont intégré des structures métropolitaines dans lesquelles ils ont continué leur progression avant d'arriver au centre national du pôle France INSEP. Tous ceux qui seront sélectionnés pour les Jeux de Tokyo ou pour les Jeux de Paris seront obligatoirement passés par ces structures d'entraînement qui sont le haut de pyramide de notre détection.