Merci de votre invitation. J'aurais eu beaucoup d'intérêt à écouter les responsables de Mayotte. Le sport est une des problématiques importantes pour l'insertion de cette île dans son environnement régional.
La coopération sportive régionale s'appuie sur deux manifestations : les Jeux des îles de l'océan Indien et les Jeux des jeunes de l'océan Indien, qui rassemblent les États ou territoires membres de la Commission de l'océan Indien - La Réunion, Mayotte, Maurice, les Seychelles, les Comores, Madagascar - plus les Maldives pour les jeux des îles et Djibouti et pour les jeux des jeunes. Autres différences : les Jeux des jeunes sont organisés par une commission des jeux, tandis que les Jeux des îles le sont par les comités olympiques de chaque État ou territoire ; les Jeux des jeunes ont lieu tous les deux ans tandis que les Jeux des îles ont lieu tous les quatre ans.
Ces compétitions ont un coût non négligeable, du fait des distances. Le déplacement des sportifs eux-mêmes pose souvent problème. Concernant les infrastructures, la situation est différente selon les territoires ou pays. Cela avait suscité un débat pour les jeux de 2019 : les Comores étaient candidates à leur organisation, mais on a dû le leur refuser, faute d'infrastructures convenables ; les Comoriens, vexés, ont été jusqu'à dire : « vous n'avez qu'à décider une fois pour toutes d'organiser les jeux alternativement à Maurice et à La Réunion ! »
L'autre problème est la participation des athlètes mahorais. J'ai vécu ce drame lors des jeux de 2015 à La Réunion - le préfet Dominique Sorain l'a aussi vécu dans la douleur...
Vous me connaissez, je ne suis pas adepte de la langue de bois diplomatique. Manuel Valls, alors Premier ministre, s'était rendu à Mayotte et avait pris l'engagement que Mayotte participerait sous le drapeau français aux jeux des îles. Du point de vue mahorais, cela va de soi - sauf que les chartes des jeux prévoient que Mayotte défile sous le drapeau des jeux ; cet arrangement avait été trouvé initialement afin que les Comores acceptent la participation de Mayotte. Or, cette charte n'a pas été modifiée et l'engagement pris envers les Mahorais l'avait été sans concertation internationale préalable. Quand le défilé a eu lieu, la délégation comorienne s'est retirée. Les autres ont hésité et après des négociations compliquées, ils ont accepté de rester. Quant aux athlètes comoriens, une cinquantaine d'entre eux en ont profité pour rester sur le territoire de La Réunion - un grand classique...
Nous avons essayé de faire modifier la charte des jeux, mais sans succès, nous heurtant à une réticence très forte des États membres - moins les Comores que les autres, paradoxalement. Le problème s'est posé à nouveau aux jeux des jeunes qui se sont tenus récemment à Djibouti. Après moult discussions, les Mahorais ont accepté de se conformer au règlement. Cela a été moins compliqué car le drapeau des jeux des jeunes est plus utilisé que celui des jeux des îles.
Nous avions proposé - ce que les Comoriens semblaient accepter - de faire une seule délégation française rassemblant Réunionnais et Mahorais. Cela a d'abord été refusé par les deux départements ; puis les Réunionnais ont accepté, mais les Mahorais ont continué à s'y opposer de façon catégorique, préférant défiler sous le drapeau des jeux des jeunes. Cette difficulté est forte et récurrente. Bien d'autres États sont composés de plusieurs îles et n'ont pourtant qu'une seule délégation. Ils se demandent pourquoi les Français n'y parviennent pas. Nous aurons ce problème pour les jeux des îles l'année prochaine.
Les fédérations sportives, les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports sont d'accord. Ce sont les politiques qui bloquent, et peut-être les opinions publiques... Je crains qu'avec la meilleure volonté du monde, on ne parvienne jamais à faire modifier les chartes et cette solution d'une seule équipe serait plus facilement atteignable. Nous ne sommes pas dans une période particulièrement favorable ces dernières semaines, avec la crise bilatérale forte entre les Comores et la France à propos des Comoriens séjournant irrégulièrement en France.
Je souhaiterais partager avec vous trois idées forces sur ces sujets : d'abord, ce n'est pas en imposant nos propres règles ou décisions qu'on trouvera une solution, mais en négociant. On ne peut pas forcer les choses, cela provoque des réactions épidermiques des autres pays. Ensuite, c'est à nous de proposer de manière concertée des solutions. C'est notre problème, car les autres se satisfont de la solution actuelle. Enfin, la solidarité et la complémentarité ultramarine devraient toujours être recherchées ; or elles n'ont pas été au rendez-vous.