Intervention de Sébastien Audebert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 15 mars 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs en outre-mer — Visioconférence avec la réunion

Sébastien Audebert, directeur de cabinet du préfet :

J'aimerais désormais faire un point sur la répartition des rôles et des compétences au niveau local entre les acteurs politiques et administratifs. Celle-ci s'inscrit dans le cadre du plan d'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) avec une articulation classique qui se caractérise par une coopération très forte, au moment de la gestion de crise, entre la préfecture et les communes. Le niveau intermédiaire des sous-préfectures intervient également dans la gestion de crise. Leur rôle est plus important à La Réunion compte tenu du relief. Ainsi, chaque sous-préfecture abrite un poste de commandement opérationnel pour pouvoir faire face à la crise en cas d'isolement. Il est donc essentiel que des exercices réguliers soient organisés avec les sous-préfectures et les communes. Or, nous ne parvenons pas à le faire à l'heure actuelle par manque de mobilisation des acteurs concernés alors que les retours d'expérience soulignent la nécessité d'organiser ces exercices au niveau local.

En termes de couverture ORSEC, le territoire de La Réunion est couvert par des plans divers et variés ainsi que des dispositions spécifiques opérationnelles (DSO). En outre, chaque commune est couverte par un plan communal de sauvegarde, qui apparaît comme un outil essentiel. Toutefois, très peu d'entre elles ont mis au point des plans communaux de sauvegarde multirisques, ce qui crée une fragilité à l'échelle du territoire. Toutes disposent d'un plan relatif au risque cyclone qui est le plus connu puisque des phénomènes de ce type frappent La Réunion chaque année, mais les autres risques sont très inégalement couverts.

Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur, en particulier en ce qui concerne les inondations. À la suite du passage d'Irma à Saint-Martin, nous avons commencé à réfléchir au problème de l'hébergement des populations en cas de crise de cette ampleur. À La Réunion, les inondations pourraient être à l'origine d'un besoin massif d'hébergement de population. À Saint-Paul, par exemple, tout le centre-ville est soumis au risque de submersion. Selon le niveau de submersion, entre 30 000 et 50 000 personnes devraient être relogées.

Pour ce qui est de la coordination entre les acteurs en période de crise, je constate qu'il n'y a pas de difficulté particulière avec les communes dont les équipes et les maires sont investis sur le terrain. Au moment de Berguitta, des critiques ont été émises à l'égard de notre dispositif d'alerte jugé inadapté. Toutefois, aucun maire ne s'est associé à ces critiques, y compris dans les communes les plus touchées, car tous sont conscients des enjeux et de la difficulté d'informer. Au moment de la crise, la coordination entre les acteurs est essentielle. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis, après le cyclone, de solliciter rapidement toutes les communes afin d'obtenir la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en 12 jours, c'est-à-dire plus rapidement qu'après Irma. Toutes les communes se sont ainsi mobilisées, à l'initiative de la préfecture et des différents services, pour obtenir les données nécessaires à la reconnaissance de cet état, dans l'intérêt des populations.

Les rôles sont connus et les compétences maîtrisées, mais ce sont les risques naturels qui définissent la nature de chaque crise.

Lieutenant-colonel Henri-Claude Pothin, du service départemental d'incendie et de secours (SDIS). - Bonjour à tous. Chef de site lors du passage de Berguitta sur la zone sud, je suis également le chef du groupement prévision du SDIS. Comme dans d'autres territoires d'outre-mer, l'insularité implique que l'inter-service fonctionne de façon optimale. Ainsi, les maires et les différents services de l'État ont pris l'habitude de fonctionner main dans la main. Quand le dispositif ORSEC cyclone est mis en oeuvre, le processus de commandement inclut une multitude d'acteurs, depuis le centre opérationnel de la préfecture jusqu'aux postes de commandement communaux, avec des relais dans chaque zone communale via le maire ou son représentant. Des sapeurs-pompiers intègrent également ces structures afin d'améliorer la remontée des informations et une vision de la situation sur le terrain. Disposer d'informations en temps réel permet en effet de mieux anticiper et d'engager les moyens nécessaires et adéquats.

Le phénomène cyclonique est bien connu dans l'île, ce qui explique qu'en cas de crise de ce type, à cinétique lente, l'organisation de la chaîne de commandement est satisfaisante. En revanche, des progrès doivent être faits en termes de rapidité de la montée en puissance de ces dispositifs lorsqu'il s'agit d'événements météorologiques dangereux et brutaux.

Si la question de la gestion de crise est essentielle, j'ajouterais que l'enjeu à long terme de la formation et de la sensibilisation de tous les référents de crise est également primordial. Nous avons déjà évoqué les Assises des risques naturels qui s'inscrivent dans cette optique. Cette année, l'antenne locale du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dispense également des formations aux risques majeurs pour permettre l'acculturation du personnel au sein des services aux différents risques et pas seulement au cyclone.

Sur la question des moyens en présence sur le territoire, nous disposons de ressources suffisantes pour répondre aux risques auxquels nous sommes exposés. La réponse est donc satisfaisante en ce qui concerne les crises classiques, d'autant plus que, dans la plupart des cas, seule une portion du territoire est impactée. Le relief explique que les phénomènes naturels ne touchent pas l'île de manière uniforme, ce qui nous permet de répartir les moyens. Nous effectuons toujours un pré-positionnement de moyens lorsqu'il s'agit d'une crise à cinétique lente puisque nous sommes en capacité de l'anticiper.

La sécurité civile s'appuie sur un corps de 800 sapeurs-pompiers professionnels et 1 200 pompiers volontaires. Pour Berguitta, entre 500 et 600 pompiers ont été mobilisés sur le terrain ainsi que des gendarmes et des policiers. En outre, le personnel de la Croix-Rouge s'affaire dans les centres d'hébergement ouverts en période d'alerte cyclonique orange ou rouge. Nous disposons donc d'un ensemble de moyens disponibles suffisants.

Toutefois, des renforts pourraient être nécessaires en cas de crise exceptionnelle nécessitant un relogement massif de la population comme cela a été le cas à Saint-Martin. Dans une telle situation, nous n'aurions pas les moyens de gérer la crise à long terme et il n'existe à l'heure actuelle aucun plan permettant de définir la logistique à mettre en oeuvre dans ce cas. De par sa proximité géographique, Mayotte pourrait éventuellement nous servir de base arrière et vice versa, puisque nous sommes situés dans la même zone de défense. Je signale à ce sujet que les moyens militaires sont très difficiles à projeter au sein de cette zone de défense. Nous pouvons également nous appuyer sur Madagascar ainsi que sur l'île Maurice, située à 250 kilomètres de nos côtes. Cependant, compte tenu de sa proximité géographique, ce territoire risque d'être touché en cas de phénomène météorologique majeur frappant La Réunion. En tout état de cause, nous aurions tout de même besoin de solliciter les moyens nationaux tant pour la gestion de crise que pour le retour à la normale. Nous travaillons actuellement à la planification de dispositifs en ce sens, mais cela s'avère particulièrement complexe à mettre en oeuvre.

En ce qui concerne les retours d'expérience, certains services peuvent être rapidement sur-sollicités lorsqu'il s'agit d'analyser les conséquences de l'aléa. Ainsi, le BRGM a posé un diagnostic pour chaque commune, voire à l'échelle infra-communale, du passage de Berguitta.

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