Intervention de Sébastien Audebert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 15 mars 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs en outre-mer — Visioconférence avec la réunion

Sébastien Audebert, directeur de cabinet du préfet :

Pour compléter l'intervention de M. Maurin, j'ajouterai que nous sommes confrontés à une difficulté supplémentaire concernant le risque feu de forêt, à savoir l'aménagement des chemins prévus par les plans de défense contre l'incendie. Le coeur de l'île étant classé au patrimoine mondial de l'Unesco et géré par le Parc national de La Réunion, notre marge de manoeuvre en matière d'aménagement est très limitée car des espèces invasives sont susceptibles de s'implanter sur ces chemins, du fait de la circulation des camions. La biodiversité peut ainsi apparaître comme un facteur bloquant dans la gestion des risques, même si la préservation du parc demeure un enjeu majeur. Un comité de pilotage a été mis en place pour s'assurer que nous puissions trouver une solution à ce problème complexe, mais l'Unesco bloque certaines initiatives.

Lieutenant-colonel Henri-Claude Pothin. - J'abonde dans le sens de M. Audebert en ce qui concerne les obstacles rencontrés pour la réalisation d'actions de défense de la forêt contre l'incendie (DFCI). La résurgence de pestes invasives après un feu de forêt pose de nombreux problèmes vis-à-vis de notre classement au patrimoine mondial de l'Unesco en portant atteinte à la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du patrimoine mondial des cirques et forêts de La Réunion. Nous avons entamé des discussions pour bénéficier de moyens afin de lutter contre les espèces invasives telles que les genêts ou les acacias qui prennent la place de la végétation endémique. Ces espèces constituent également un frein à l'application de mesures de DFCI. Or, la mise en oeuvre des plans de défense des massifs est essentielle car nous risquons de faire face à des phénomènes de grande ampleur tels que les incendies du Maïdo qui ont ravagé le territoire, il y a quelques années. Compte tenu de la topographie de l'île, les incendies sont particulièrement complexes à contrôler car certains sites sont difficiles d'accès. Nous devons donc miser sur la prévention du risque autant que faire se peut. Or, les travaux prévus dans cette optique n'avancent pas car nous ne disposons pas des moyens financiers suffisants pour sécuriser les sites et empêcher l'invasion des espèces intrusives.

En ce qui concerne le système d'alerte, j'ai pris note du dispositif mis en oeuvre à Saint-Barthélemy, mais je doute que celui-ci soit transposable à La Réunion qui compte 850 000 habitants. Nous avons néanmoins entamé une réflexion sur la possibilité de développer de nouveaux dispositifs d'alerte.

Historiquement, le réseau national d'alerte est hérité des bombardements en temps de guerre et n'a donc jamais été implanté sur le territoire réunionnais. Aujourd'hui, nous orientons plutôt nos efforts vers l'utilisation des réseaux sociaux. Un système d'alerte a été mis en place au niveau national pour diffuser des informations en direct, notamment en cas d'attentat. Nous avons sollicité le ministère de l'intérieur pour pouvoir adapter ce système à nos risques locaux comme le volcanisme ou les crues. Les négociations sont en cours, sans avancées notables pour l'instant. Il nous paraît pourtant essentiel d'informer les populations à l'aide de ces outils dédiés, sous réserve que ceux-ci soient adaptés au contexte ultramarin.

Concernant le plan ORSEC, il existe deux systèmes applicables à La Réunion en matière de risques météorologiques. Or, la population peine à comprendre l'articulation entre les deux, ce qui alimente régulièrement des polémiques. Le dispositif ORSEC cyclone est assez clair et bien compris : la préalerte (jaune), l'alerte orange (à 24 heures du passage du phénomène, fermeture des transports scolaires et des écoles et préouverture des centres d'hébergement) et enfin l'alerte rouge (à 3 heures du passage). Le passage au niveau d'alerte supérieur se décide en fonction de la force des vents. Lorsque les rafales moyennes sont inférieures à 150 kilomètres par heure, l'alerte rouge n'est pas déclenchée, comme cela a été le cas pour Berguitta. En effet, les conditions cycloniques n'ont été réunies, pour Berguitta, qu'au dernier moment. Le retour d'expérience nous a montré que nous aurions dû anticiper de trois heures les événements afin de nous assurer que l'information transmise à la population était claire. Nous avons ainsi fourni un effort particulier sur l'anticipation lors du passage du phénomène suivant. Le fait que les conditions de vent soient le seul facteur pris en compte dans la définition de l'alerte cyclonique conduit, dans le contexte local, à complexifier la lecture que la population a du risque de fortes pluies. Les Réunionnais distinguent les cyclones de vent et les cyclones de pluie. Or, ces derniers ne font pas l'objet d'une alerte rouge, ce que peinent à comprendre les gens bloqués sur les routes quand les radiers débordent et que certaines habitations sont inondées. À la fin de la saison cyclonique, une réflexion doit donc être menée sur les moyens d'améliorer l'information de la population.

Le deuxième dispositif ORSEC, intitulé « événements météorologiques dangereux » (EMD), repose sur des vigilances et des vigilances renforcées, avec quatre risques identifiés : les fortes pluies, la houle, les orages et les vents. Dans l'inconscient collectif, la vigilance ne revêt pas la même importance que l'alerte rouge. Or, les fortes pluies peuvent avoir des effets tout aussi dévastateurs. La force de projection des vents est plus importante, ce qui explique que le confinement soit décrété en cas d'alerte rouge, mais le risque d'emportement lors de fortes pluies peut également conduire à interdire toute circulation. Eu égard à la complexité de ces systèmes, ces deux dispositifs doivent être mis en cohérence.

Au moment du passage de Berguitta, les habitants du sud de l'île se sont plaints du non-déclenchement de l'alerte rouge. Nous avons tenté d'expliquer que les conditions météorologiques n'étaient pas réunies mais notre discours est resté inaudible. Si l'alerte rouge avait été décidée, nous n'aurions pas été en conformité avec les consignes du plan ORSEC et nous aurions paralysé les 600 000 autres habitants de l'île, très peu concernés par le phénomène. Il convient donc de réfléchir à une application plus ciblée du système d'alerte, secteur par secteur, qui pourrait passer par la publication d'arrêtés d'interdiction de circulation sur une partie du territoire. Nous avons déjà commencé à étudier cette possibilité avec la sécurité civile, l'enjeu principal étant de garantir la clarté du message et des conduites à suivre en cas de manifestation d'un risque naturel majeur. Si les consignes en cas de cyclone sont bien connues, des progrès restent à faire en ce qui concerne le risque de fortes pluies. Ce constat ne date pas de l'épisode Berguitta mais figure dans chaque retour d'expérience.

Sur la question de la formation, je donnerai la parole à M. Christian Pailler, représentant de la plate-forme d'intervention régionale de l'océan Indien (PIROI) afin qu'il expose les enjeux de coopération régionale ainsi que les grandes lignes d'un projet de formation que nous jugeons particulièrement pertinent.

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