Mesdames, messieurs les sénateurs, vous excuserez mon franc-parler ; il faut parfois dire les choses clairement...
L'association que je préside, Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel, ou VISOV, vise à promouvoir l'utilisation des médias sociaux en gestion d'urgence, les MSGU.
Dans cette salle, je constate que nous avons tous un smartphone, parfois une tablette, à portée de main. Aujourd'hui, pour transmettre des informations, le bon canal n'est plus forcément un journal ou la télévision, mais ce que nous avons avec nous 98 % du temps. Il ne faut cependant pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, car le canal peut ne pas fonctionner...
La genèse des social media in emergency management est liée à des risques naturels, en différents endroits de la planète, mais ces outils fonctionnent plutôt bien pour couvrir n'importe quel risque.
Ceux qui, en 2012, ont été les premiers à comprendre l'importance des réseaux sociaux dans la gestion de crise étaient considérés comme fous. Deux ans plus tard, VISOV était officiellement créée.
Aujourd'hui, notre association s'occupe de sécurité civile sans avoir aucun agrément, puisque nous n'entrons dans aucune catégorie. Nous sommes pourtant conventionnés avec le ministère de l'intérieur, via le centre opérationnel de gestion interministérielle de crise, et le ministère de l'environnement, via la cellule ministérielle de veille opérationnelle et d'alerte. En outre, nous sommes en cours de conventionnement avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dans le cadre des crises et attentats touchant les populations françaises et francophones dans le monde.
La révolution numérique qui pousse à ces évolutions, nous la représentons sous la forme d'une pyramide de Maslow 2.0. À la base, les besoins physiologiques sont le téléphone, la télé, le Wifi et les batteries. Dès qu'on arrive à 5 % de batterie, les pulsations cardiaques commencent à s'accélérer, parce qu'on va être coupé du monde ! En Guadeloupe, la problématique de l'alimentation électrique s'est posée. Au-delà du cyclone, les rumeurs et la crise sont venues surtout d'un manque de communication et de la pression de la métropole ; il a fallu gérer davantage la population métropolitaine que la population guadeloupéenne...
Plus haut dans la pyramide, on trouve Facebook et les autres réseaux qui répondent aux besoins d'appartenance. Quand je vois quelque chose de grave, il faut que je poste pour me donner de l'importance... Ces réseaux sont aujourd'hui un défouloir : en l'absence de communication officielle, d'autres communiqueront, d'une manière difficile à maîtriser.
Nos volontaires sont 150 bénévoles. Nous n'avons aucun salarié et ne touchons aucun argent ; tous nos conventionnements sont faits à titre gracieux, et toutes les présentations que nous faisons pour promouvoir l'utilisation de ces outils au service de la protection des populations sont gratuites.
Nous assurons trois missions principales. D'abord, l'appui ou le renfort technique et méthodologique en matière de monitoring des réseaux sociaux, de façon très large ; dans les îles, par exemple, nous avons beaucoup travaillé avec des webcams lors du cyclone. Ensuite, l'assistance aux sinistrés : nous sauvons des vies. Ainsi, lors d'Irma, nous avons détecté une personne qui avait accouché pendant le cyclone. Enfin, la diffusion de la culture de sécurité civile : il est en effet très important de préparer les populations en amont des événements. L'action de l'association HAND est également très importante dans ce domaine.
Les médias sociaux permettent la diffusion de conseils, d'une culture du risque et de consignes et alertes. Par exemple, quand on découvre que les gens sortent au moment du passage de l'oeil du cyclone, on les avertit qu'ils sont en danger. Ils permettent aussi de récupérer de l'information et de prendre le pouls de la population : en Guadeloupe, nous avons fait un gros travail d'apaisement pour permettre aux autorités de gérer la crise au mieux. Grâce aux médias sociaux, on détecte également les rumeurs - on a vu en Guadeloupe qu'elles pouvaient se propager très vite. Plus vite elles sont détectées, plus vite on peut les combattre.
Notre bureau est constitué d'une dizaine de personnes. Nous fonctionnons avec des team leaders qui dirigent les volontaires. Ceux-ci vont chercher de l'information : en quinze minutes, nous sommes capables de mobiliser cinquante personnes pour surveiller les réseaux sociaux, avec l'objectif de sauver et de protéger des vies.
Une fois l'événement détecté, nous prenons contact avec les autorités, puis nous déclenchons la constitution d'une équipe de soutien opérationnel virtuel. Nous nous efforçons d'aider la population, en allant toujours dans le sens des autorités ; nous n'irons jamais contre une préfecture.
À l'occasion d'Irma, cinquante bénévoles se sont mobilisés pendant 700 heures, ce qui est considérable. Nous étions sur les réseaux sociaux quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L'anticipation et la communication sont importantes : il faut diffuser les consignes et la liste des abris sûrs. Lors d'Irma, nous avons aussi mis en place un formulaire permettant aux personnes de signaler leur position quand elles n'étaient pas dans un abri officiel.
Pendant l'événement, nous travaillons avec une cartographie en direct sur laquelle nous injectons toutes les informations récupérées sur les réseaux sociaux, et nous diffusons des messages invitant à ne pas propager les fake news. Pour rassurer les citoyens, nous les encourageons à utiliser le safety check. Nous les invitons également à activer leur Wifi, pour faciliter la communication des personnes alentour.
En Guadeloupe, nous avons aussi élaboré un formulaire pour les personnes en recherchant une autre, afin de contribuer à réduire l'inquiétude. Un soir, nous avons rappelé 700 personnes qui avaient signalé une personne manquante ! Les personnes retrouvées étaient indiquées sur la carte par des pastilles vertes afin de rassurer la population.
Notre crédibilité est attestée par ceux qui nous font confiance : des préfectures, dont celle de la Guadeloupe, des conseils départementaux et des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) - nous sommes actuellement en contact avec celui de la Guadeloupe -, mais aussi les provinces belges du Brabant wallon et de Luxembourg.