Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur pour avis :

Le réseau varie aussi dans le temps. Le progrès technologique nous permettra d'avoir un dividende plus important grâce à de meilleures compressions. Les différents usages ne sont pas tous aussi consommateurs les uns que les autres. Par exemple, pour la TNT en standard simple, une fréquence porte six chaînes. En haute définition, il n'y en aura plus que trois. Avec la télévision mobile personnelle, il y en aura une vingtaine.

La question du dividende est donc mouvante. Nous devons en tenir compte pour agir avec sagesse et prudence. Nous proposons ainsi un double encadrement.

Premièrement, le Premier ministre doit être l'autorité régalienne chargée de gérer le domaine public que représente, comme l'a très bien indiqué le rapporteur, cette ressource rare que sont les fréquences. Nous pourrions établir des grands objectifs pour la réutilisation de ce gain numérique : une meilleure couverture du territoire - pas seulement, d'ailleurs, en services télévisuels -, la diversification de l'offre de services, et une gestion plus optimale du domaine public hertzien.

Deuxièmement, nous souhaitons que le Parlement puisse, à un moment ou à un autre, donner son avis. Pour faire un parallèle, dès lors que l'on privatise une entreprise, le Parlement est saisi de façon obligatoire. Sans aller aussi loin, il nous appartient de trouver une solution suffisamment souple qui permette d'associer la représentation nationale à l'affectation de cet important bien public.

La question du gain numérique retiendra sûrement notre attention au moment de la discussion des amendements.

Enfin, si la télévision haute définition est une novation extrêmement importante, la vraie rupture tiendra sans doute à la mobilité. Comme le soulignait Louis de Broissia, la télévision mobile existe déjà, puisqu'un certain nombre d'entre nous sont abonnés à des services qui nous permettent d'avoir des bouquets de 50, voire de 74 chaînes. Mais il s'agit là d'une certaine forme de télévision mobile sur les réseaux de télécommunication électronique de troisième génération, comme EDGE...

Ces réseaux offrent des avantages comme un grand nombre de chaînes et une très forte interactivité, la télévision et la vidéo à la demande étant accessibles sur l'UMTS. En revanche, ils ont un inconvénient majeur : si nous voulions tous au même instant regarder le même match sur un même canal, le réseau s'effondrerait.

La télévision mobile personnelle présente l'avantage très important de permettre à un nombre illimité de téléspectateurs de regarder simultanément le même programme. Pour éviter la confusion, nous vous proposerons, monsieur le ministre, de définir dans le texte ce que nous entendons par « télévision mobile personnelle ».

Le projet de loi est construit sur le respect du principe de la continuité : une continuité juridique - une fréquence, un éditeur, comme le veut notre tradition qu'il est, compte tenu des contenus, légitime de conserver -; une continuité des services, tout en passant de l'analogique au numérique et en migrant sur différents formats.

La commission des affaires économiques, saisie pour avis, pense que le modèle économique de la TMP ne sera pas celui de la TNT, et ce pour deux raisons principales. D'une part, les recettes publicitaires ne seront qu'accessoires ; d'autre part, le réseau exigera une infrastructure très importante, puisque 70 % des usages de la télévision mobile se feront à domicile, nécessitant un réseau extrêmement dense qui va coûter très cher : plus de 100 millions d'euros d'investissements pour couvrir 35% de la population et plus de 360 millions d'euros pour 70%.

Par conséquent, nous pensons que les opérateurs devront être invités au tour de table à un moment ou à un autre. En tout cas, contrairement à la TNT, la collaboration sur la TMP entre éditeurs et opérateurs de téléphonie mobile sera nécessaire, pour deux raisons.

Tout d'abord, le terminal de réception principal sera celui qui intègre toutes les fonctions, c'est-à-dire le téléphone de poche. Il y en a 50 millions en France, ils sont renouvelés en moyenne tous les dix-huit mois. Ce terminal, par ailleurs très largement subventionné par les opérateurs, assurera à la TMP une très large diffusion pour les récepteurs.

Ensuite, nous aurons besoin de la coexistence des deux réseaux DVB-H et UMTS troisième génération, dans la mesure où le broadcast n'assurera pas l'interactivité pourtant nécessaire à la moitié des usages, par exemple pour regarder quelques heures après le journal télévisé de 20 heures que vous avez manqué.

Selon nous, monsieur le ministre, cette nécessaire collaboration devrait s'articuler autour d'un double dispositif.

Le premier permettrait à la société opératrice du multiplexe d'accueillir en même temps les éditeurs et les opérateurs, afin qu'il y ait une discussion commune. L'article 10 prévoit déjà une forme allégée de consultation, mais nous souhaitons aller un peu plus loin.

Le second devrait nous donner la possibilité de bâtir ensemble un système ouvert dans l'intérêt du téléspectateur en créant une réciprocité de relations entre les éditeurs et les distributeurs que seront les opérateurs. Ce système serait, bien entendu, payant et respecterait strictement les droits d'auteur et les droits voisins. Cependant, compte tenu de la concentration capitalistique qui permettrait à quelques-uns de contrôler à la fois les contenus des chaînes et les opérateurs, il faudrait mettre en place un dispositif « anti-verrouillage », afin d'éviter au téléspectateur d'être privés de certaines grandes chaînes de référence. En même temps, les créateurs et les producteurs de contenus pourraient bénéficier de la diffusion la plus large possible de leurs oeuvres.

Cet objectif s'impose, pas uniquement au regard d'un modèle économique, mais aussi pour garantir la diversité culturelle. Le forum Télévision mobile, qui est un lieu de concertation réunissant une cinquantaine de partenaires, a fait un travail extrêmement sérieux - je voudrais saluer sa présidente - pour trouver un consensus. Nous nous en sommes inspirés, afin de donner à la TMP les meilleures chances pour devenir, demain, un média de masse.

J'espère, monsieur le ministre, que vous serez ouvert à nos propositions. Si elles étaient ajoutées au texte que vous nous avez soumis, et que nous allons enrichir, nous pourrions donner à la France les meilleurs atouts possibles pour tirer un très grand parti de la révolution numérique.

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