Intervention de Jacques Valade

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques ValadeJacques Valade, président de la commission des affaires culturelles :

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de vous exprimer toute notre satisfaction de constater que le Gouvernement a déposé ce projet de loi en premier lieu sur le bureau du Sénat, reconnaissant ainsi le rôle déterminant joué par la Haute Assemblée dans le processus de lancement de la TNT.

C'est en effet, comme Louis de Broissia l'a rappelé, sur l'initiative de notre ancien collègue, Jean-Paul Hugot, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles, qu'une disposition en ce sens avait été introduite dans la loi de 2000 sur l'audiovisuel. Je vous en remercie personnellement.

En ce qui concerne l'objet même de ce projet, c'est-à-dire le passage au numérique et, de ce fait, l'extinction de l'analogique, c'est sur la proposition de Louis de Broissia qu'un article a été inséré dans la loi de 2004 relative aux communications électroniques, prévoyant sa disparition cinq ans après le début des émissions en numérique.

Le gouvernement de l'époque avait alors eu quelques hésitations, monsieur le ministre, et il a fallu toute l'opiniâtreté de notre rapporteur pour que cette disposition, que j'ai toujours prônée et soutenue, survive à la commission mixte paritaire, où il était le seul avocat de la télévision numérique !

Je me réjouis donc aujourd'hui de constater que nous avons été entendus, notamment par vous, monsieur le ministre, et que M. le Président de la République, en installant le Comité stratégique pour le numérique le 4 mai 2006, a repris notre objectif ambitieux de basculement complet de la télévision traditionnelle vers le numérique avant la fin de l'année 2011.

Ma deuxième observation portera sur la déclaration d'urgence que notre commission, son rapporteur et les nombreux industriels que nous avons auditionnés, ont souhaitée. Il peut paraître surprenant que le Parlement soit a priori favorable à une procédure qui réduit le temps d'examen d'une loi. Mais force est de constater, dans ce cas précis, que si ce texte n'était pas adopté avant la fin de la législature, nous prendrions deux ans de retard, car il est bien clair que, quels que soient le gouvernement et le Parlement issus des prochaines élections, d'autres priorités se présenteront et s'imposeront.

Ce retard serait donc très préjudiciable aux entreprises de ce secteur, qui ont besoin d'un nouveau cadre réglementaire pour lancer la haute définition et la télévision mobile. Il mettrait en péril leur compétitivité par rapport à la plupart de nos voisins européens. En effet, l'Italie a ouvert la marche à l'occasion de la Coupe du monde de football en 2006 et la plupart des pays lanceront leurs projets en 2007. Pour quelle raison prendrions-nous du retard par rapport à nos concurrents européens ?

Par ailleurs, cela aurait également pour effet de priver nos concitoyens des progrès technologiques dans le domaine de la télévision du futur, alors que la demande est forte : n'oublions pas que la France est le troisième marché de services multimédia mobiles dans le monde et le premier en Europe.

Enfin, j'ajoute qu'il serait dommage de rater le rendez-vous de la prochaine Coupe du monde de rugby en septembre 2007, qui favorisera le lancement de nouveaux produits et mobilisera de très nombreux téléspectateurs. L'urgence est donc technologique et industrielle, et nous l'approuvons. De surcroît, comme l'a indiqué Louis de Broissia, c'est aussi une urgence démocratique.

J'en viens à une observation de fond. Nous voici aujourd'hui de nouveau saisis d'un projet de loi qui va bouleverser le paysage audiovisuel et le mode de consommation de la télévision de chaque Français.

Je me dois de souligner une fois encore la difficulté, pour les parlementaires que nous sommes, de légiférer dans ce secteur complexe de la société de l'information. Après la difficile loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, qui organise en fait une nouvelle société informatique, nous voici de nouveau confrontés à l'exercice délicat de fixer dans le marbre de la loi les règles d'un domaine et d'un marché extrêmement mouvants, et dont le comportement des acteurs, qu'ils soient fournisseurs de réseaux, de matériels ou de contenus, est lui-même très variable.

Mutatis mutandis, nous assistons, trois mois après le vote de la loi, à des retournements de situation peu imaginables à l'époque.

Dans le secteur de la musique, par exemple, les mêmes sociétés d'auteurs qui protestaient contre le téléchargement illégal de musique sur Internet acceptent aujourd'hui sans protester le téléchargement gratuit - certes, cela se passe aux États-Unis -, moyennant rémunération par la publicité.

De même, en matière d'interopérabilité, alors que nous avions eu des débats passionnés opposant logiciels libres et propriétaires, nous venons d'apprendre qu'un accord a été conclu entre Microsoft et Linux, que l'on nous présentait pourtant tels des frères ennemis, comme si la loi avait incité à une réflexion et à des accords, inimaginables au moment de sa discussion !

C'est dire le recul que les parlementaires que nous sommes doivent prendre pour aborder ces problèmes très complexes, garder leur sérénité et avoir une vision réaliste de l'avenir.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui oppose à son tour chaînes historiques, nouvelles chaînes apparues sur la TNT, chaînes du câble, du satellite, chaînes locales et nationales au monde des télécommunications.

Il nous appartient de faire les meilleurs choix pour respecter les équilibres entre tous ces acteurs, auxquels il faut naturellement ajouter les chercheurs, les techniciens et les industriels, les inventeurs ou les producteurs de technologies nouvelles. M. le rapporteur a évoqué les propositions de la commission à cet égard.

Par ailleurs, certains auraient souhaité - je pense à Jack Ralite - que la préparation de ce texte fasse l'objet d'une réflexion approfondie en amont, voire d'assises nationales ! J'en perçois parfaitement l'utilité et l'intérêt. Mais peut-on stopper, pour une période forcément consommatrice de temps, l'accélération de l'évolution des médias que nous constatons ? Le progrès technologique n'attend pas et nous devons aller de l'avant.

Je tiens, d'ailleurs, à rappeler que la commission des affaires culturelles s'est préparée sérieusement à l'examen de ce texte et qu'elle a anticipé sur l'événement : dès après le vote de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, en octobre 2004, son rapporteur, M. Louis de Broissia, nous a proposé la création d'un groupe de travail, ouvert aux membres de toutes les commissions, dont le but était de mieux appréhender la convergence de l' audiovisuel et des télécommunications.

Nous avons accepté ce projet et ce groupe de travail - encore une fois ouvert à tous - a procédé à de très nombreuses auditions. Cela nous a permis de mesurer la portée des mutations technologiques et de nous familiariser avec les termes quelque peu barbares de ces nouvelles technologies. À cet égard, j'invite les non-spécialistes à se reporter au glossaire figurant en annexe de l'excellent rapport de M. Louis de Broissia.

En conclusion, je crois que nous avons fait de notre mieux pour jeter les fondements d'un nouveau cadre juridique adapté aux évolutions, et ce en parfaite coopération avec la commission des affaires économiques, dont je remercie tout particulièrement le rapporteur, M. Bruno Retailleau.

Je suis bien conscient qu'il s'agit d'un premier volet, nécessaire, mais non suffisant, d'adaptation de la loi de 1986 au monde d'aujourd'hui et que nous devrons rapidement ouvrir d'autres chantiers.

Par conséquent, je vous propose d'approuver ce projet de loi, modifié par les amendements de la commission.

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