Intervention de Colette Mélot

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion générale

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui accompagne un moment essentiel pour le paysage audiovisuel français. Il encadre le passage de l'analogique au numérique et inscrit dans la loi cet événement déterminant, qui va bouleverser notre relation à la télévision et les mécanismes économiques en place.

Jamais le paysage audiovisuel n'aura connu une évolution si rapide. Souvenons-nous, en effet, qu'il n'y a pas si longtemps, le monopole d'État s'exerçait sans partage. L'arrivée des chaînes de télévision privées s'est faite de manière très contrôlée dans notre pays et dans toute l'Europe. Pendant un quart de siècle, on a opposé la télévision publique à la télévision privée, les pouvoirs publics organisant un équilibre subtil entre les deux secteurs.

Le nombre des canaux de diffusion disponibles pour transporter de l'image et du son n'a cessé d'augmenter. Très logiquement, le nombre des opérateurs a évolué dans le même sens. Depuis, le partage du marché audiovisuel donne lieu à d'âpres combats commerciaux entre ces nouveaux acteurs. Les États comme les instances européennes interviennent pour les encadrer, tentant, parfois difficilement, de précéder et d'organiser le mouvement. La tâche est ardue, car les avancées techniques sont rapides et les enjeux financiers considérables.

Le passage de l'analogique au numérique est un objectif que la Commission européenne a fixé à l'ensemble des États membres de l'Union pour la fin de l'année 2012. Les problèmes posés sont de deux sortes. Il faut, d'abord, assurer techniquement le passage. Pour cela, le Gouvernement s'attache à garantir un accès pour tous et à protéger la création française. Ensuite, il faut prévoir quel pourra être l'usage des fréquences libérées - il s'agit de la seconde partie du projet de loi - avec le développement de la télévision haute définition et de la télévision mobile.

En ce qui concerne le passage au numérique, un premier pas a été accompli avec le lancement des chaînes de la TNT le 31 mars 2005. Cette offre nous a permis d'apprécier la qualité de son et de l'image numérique. Par ailleurs, aucune chaîne gratuite n'avait été lancée en France depuis 1987. Seules des chaînes payantes étaient apparues, sur le câble ou le satellite, et jusqu'en 2005, ces services n'étaient souscrits que par environ 25 % de la population. Cela signifie que 75% des Français ne recevaient que cinq chaînes : TF1, M6, France 2, France 3 et France 5, en partage avec ARTE. Dans un pays où les deux tiers des foyers ne recevaient que cinq ou six chaînes, il existait évidemment un appétit pour une offre de programmes gratuite et plus étoffée.

Malgré les discussions et les retards, le projet a survécu, grâce à la conviction de quelques-uns, notamment la vôtre, monsieur le ministre.

La vitesse d'équipement des ménages a dépassé les prévisions. Alors que, lors du lancement de la TNT, la proportion de la population couverte était la plus faible sur le marché européen - à l'exception de l'Allemagne -, la France a connu le démarrage le plus rapide : en seulement quatre mois, 500 000 adaptateurs ont été vendus. À la fin du mois de mars 2006, un an après le lancement de la TNT, le nombre de boîtiers vendus ou loués a atteint deux millions et demi, avec une perspective de doublement pour le début de 2007.

Je me réjouis d'ailleurs que notre chaîne parlementaire participe à cette aventure et soit appréciée pour ses débats et ses documentaires de qualité.

Avec le lancement des chaînes de la TNT, le Gouvernement a résolument installé le public français dans l'ère du numérique.

Le projet de loi prévoit une date butoir : le 30 novembre 2011. Le Gouvernement a pris une décision courageuse, qui nous permettra de ne pas accuser de retard par rapport à nos partenaires européens, mais qui le contraindra à trouver rapidement des solutions techniques pour assurer une couverture complète du territoire. Il est, en effet, impossible d'envisager l'extinction de la diffusion analogique avant que la très grande majorité de la population ne soit équipée.

Si nous saluons votre démarche volontaire, monsieur le ministre, nous tenons à vous faire part de nos craintes s'agissant de la couverture de certaines zones, notamment frontalières, et de notre souhait d'obtenir un calendrier zone par zone afin de pouvoir rassurer nos administrés.

Les Français qui ne reçoivent pas aujourd'hui les chaînes de la TNT ne savent pas forcément si cela est dû à un problème technique lié à leur zone ou simplement à un manque d'émetteurs. Ainsi, je ne peux pas dire à quelle date il sera possible de recevoir la TNT à Fontainebleau et dans le sud-est de la Seine-et-Marne, mon département. Il existe donc un réel besoin d'information.

Par ailleurs, je tiens à souligner l'existence d'un problème spécifique aux zones frontalières : actuellement, on peut, dans ces zones, recevoir des chaînes des pays voisins. Lorsque l'analogique sera abandonné pour le numérique, cela ne sera plus possible. Aussi, avec plusieurs de mes collègues, je vous proposerai un amendement visant à assurer une nécessaire coordination avec les pays voisins, ainsi qu'une consultation de nos collectivités régionales et départementales.

L'information doit être transparente s'agissant des dates de réception, mais elle doit aussi exister en matière d'équipement. Les Français qui achèteront un téléviseur pour Noël savent-ils que celui-ci devra pouvoir recevoir la TNT, faute de quoi ils devront s'équiper d'un boîtier dans cinq ans ? Ils doivent être informés que les modèles avec TNT intégrée sont nécessaires, certes pour bénéficier de l'offre gratuite actuelle, mais surtout pour le « grand passage » de 2011. Le problème est encore plus important pour la haute définition, car peu de téléviseurs sont compatibles et pourront se prêter à cet usage.

Aussi comptons-nous sur vous, monsieur le ministre, pour mettre en place une information simple et complète. A cet égard, nous saluons l'initiative de la commission, qui propose une campagne nationale de communication.

Pour ma part, je présenterai un amendement tendant à imposer que les récepteurs commercialisés à partir du 31 mars 2008 intègrent la technologie numérique. Ainsi, les consommateurs n'achèteront-ils pas de téléviseurs voués à être rapidement obsolètes. Les constructeurs doivent, selon moi, se plier aux intérêts des consommateurs.

J'évoquerai maintenant l'effort de création. Plusieurs dispositions du projet de loi incitent les chaînes à investir dans la production d'oeuvres françaises audiovisuelles et cinématographiques. Des engagements sont demandés pour la délivrance des autorisations de diffusion en télévision mobile personnelle ou en haute définition. La contribution au compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels est majorée.

La disposition du projet de loi permettant l'octroi d'un canal supplémentaire à TF1, M6 et Canal+ a fait couler beaucoup d'encre. L'octroi de ce canal par le CSA est assorti de conditions liées au pluralisme, à la création française et européenne. Si l'amendement proposé par la commission est adopté, les obligations de production seront encore davantage explicitées.

Je me réjouis, par ailleurs, que le travail de la commission des affaires culturelles, brillamment orchestré par notre rapporteur Louis de Broissia, nous permette de réfléchir à la définition qu'il faut donner à « l'oeuvre ». Il était temps de préciser ce que l'on entend par ce mot, au moment où de nouveaux programmes apparaissent, telles les émissions de téléréalité. Il ne faut pas que, dans le grand tournant de multiplication des chaînes, on assiste à un nivellement par le bas qui serait encouragé par une définition trop large de ce terme.

La seconde partie du projet de loi est consacrée à la télévision haute définition et à la télévision mobile personnelle.

La fin de l'analogique est le préalable nécessaire pour installer ces deux technologies. Le projet de loi fixe les critères qui devront guider le CSA dans l'attribution des fréquences en termes de qualité de projet et de formats adaptés. Ainsi sont posées les premières bases nécessaires à des utilisations nouvelles.

En ce qui concerne la télévision haute définition, des milliers d'heures de programmes sont déjà diffusées dans nombre de pays à travers le monde, au Japon, aux États-Unis. Il aurait été dommage que nous prenions du retard du fait de l'absence de cadre législatif.

Il en est de même pour la télévision mobile personnelle. Le téléphone mobile s'est installé dans notre vie de tous les jours comme une évidence. En 2001, quinze ans à peine après la commercialisation des premiers appareils, le nombre des lignes de téléphone portable avait dépassé celui des lignes de téléphone fixe. Ainsi, 82, 6% de la population française est aujourd'hui équipée et la France détient l'un des taux les plus forts d'Europe, avec près de 50 millions d'abonnés.

Cette extraordinaire envolée du produit laisse augurer du succès de l'alliance entre téléphone et télévision. Depuis 2005, les téléphones de troisième génération sont en train de se transformer en téléviseurs de poche. Chacun regarde ce qu'il veut, quand il veut, comme il veut. Le tournant est pris vers une consommation « à la carte » et personnalisée de la télévision sous toutes ses formes. La mobilité est une révolution comparable à celle du transistor pour la radio. Le consommateur ne sera plus forcé d'adapter son mode de vie aux horaires de la télévision, il regardera les programmes qui l'intéressent au moment où il sera disponible.

Personne ne sait à quelle vitesse le marché va se développer. Il est certain qu'il faut poser certaines orientations dès maintenant. Dans le projet de loi, un équilibre est trouvé entre les divers intérêts en présence, toujours avec le souci de protéger la création et la diversité culturelle.

Enfin, je souhaiterais évoquer la question de la radio numérique. Vous avez lancé, monsieur le ministre, plusieurs consultations sur ce sujet, et je souhaiterais savoir comment vous envisagez le passage au numérique dans ce secteur, sachant que ce chantier est encore plus complexe que celui de la télévision.

Comme pour la télévision, le numérique va permettre de multiplier le nombre des canaux de diffusion de radio et le nombre des opérateurs. C'est un véritable défi technologique et économique, et cette avancée est très attendue par un marché qui commence à souffrir des nouveaux modes de consommation de la musique. Pourriez-vous nous dire où en est ce projet ?

Je tiens pour finir à vous remercier, monsieur le ministre, de votre investissement personnel sur ces sujets qui déterminent l'avenir de l'audiovisuel français.

Je pense que le travail de notre Haute Assemblée prendra pleinement en compte les enjeux du passage au numérique et permettra d'enrichir le texte sur plusieurs points importants. Ainsi aurons-nous contribué, nous aussi, à tracer le chemin vers la télévision du futur.

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