Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion générale

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la loi « paquet télécoms et audiovisuel » de juillet 2004, l'évolution des technologies de diffusion nous oblige à une nouvelle modification du cadre juridique de notre secteur audiovisuel.

Derrière les aspects très techniques du basculement de la diffusion analogique au tout-numérique, du développement de la télévision haute définition et de la télévision mobile personnelle, ne nous y trompons pas : ce texte est éminemment politique et aura de lourdes conséquences en termes tant de respect du pluralisme que de défense de la création audiovisuelle et cinématographique ou de l'égal accès de tous à la télévision.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement affiche une date d'arrêt de l'analogique très ambitieuse, puisque antérieure au couperet européen de 2012 et, surtout, compte tenu du retard pris par notre pays dans le lancement de la TNT sous le gouvernement de M. Raffarin.

Si, dans l'intérêt du téléspectateur d'accéder à une offre élargie de programmes et à une meilleure qualité de son et d'image grâce au progrès de la numérisation, nous ne pouvons qu'adhérer à ce calendrier, reste à savoir quels moyens le Gouvernement se donne pour atteindre cet objectif et dans quelles conditions.

La priorité pour le tout-numérique et la fin de l'analogique, c'est la préoccupation démocratique du droit à la communication et à l'accès à la culture, au savoir et à l'information pour chaque citoyen, quelle que soit sa localisation géographique. Pour ce faire, nous devons rendre accessible à tous le progrès technologique le plus rapidement possible afin que les mutations technologiques ne creusent pas davantage la « fracture numérique » dans les zones les moins accessibles.

C'est pourquoi se pose, d'abord, la question de l'égal accès de tous à la télévision, à travers la couverture géographique de notre territoire en numérique. Trois cas de figure font problème : les zones blanches, les zones frontalières et l'outre-mer, qui n'est toujours pas couverte par la TNT. Sur chaque point de notre territoire, il faut que le progrès technique soit accessible à tous et en finir avec les zones qui sont toujours les plus mal desservies, en finir avec la fracture numérique.

Afin d'assurer la couverture au-delà des 85 % de la population, les zones densément peuplées pourront être couvertes grâce à des réémetteurs. Mais cet accroissement substantiel des réémetteurs, auxquels viendront s'ajouter les dispositifs pour la réception de la TMP à l'intérieur des bâtiments, soulève des interrogations quant aux conséquences sanitaires et techniques de la multiplication des sources électromagnétiques. Le principe de précaution exigerait donc de lancer des études afin de pouvoir répondre aux futures inquiétudes de la population.

Dans cet égal accès de tous à la télévision, j'intègre aussi le développement de la réception des programmes régionaux. Alors que la TNT devait être un vecteur de la télévision locale, il n'en est toujours rien à ce jour. Les télévisions locales ont même été les grandes sacrifiées du lancement de la TNT.

Concernant les programmes régionaux de France 3, il faut que, sur chaque point du territoire, chacun ait accès à tous les programmes régionaux, et au minimum à celui de sa propre région. Il n'est pas acceptable que, à Paris, on puisse regarder le décrochage de France 3 Aquitaine, mais que dans certains villages d'Aquitaine on ne le puisse même pas. Nous défendrons un amendement tendant à corriger cette situation.

L'interopérabilité participe également de cette égalité d'accès. C'est pourquoi, malgré les difficultés d'interprétation que suscite l'article 30-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, nous sommes opposés à ce que la télévision mobile personnelle échappe aux accords dits « d'interopérabilité ». Nous sommes encore plus opposés à la suppression pure et simple de cet article 30-3 proposée par la commission. La navette parlementaire, même si elle se trouve limitée par la déclaration d'urgence, ne devrait-elle pas plutôt être utilisée pour améliorer la rédaction du dispositif d'« interopérabilité » et clarifier son interprétation par le CSA ?

Il importe que le téléspectateur puisse se repérer facilement dans l'offre de programmes élargie. La numérotation des chaînes doit le lui permettre. Nous souhaitons pour cela donner au CSA les moyens de veiller à ce que les chaînes publiques et privées diffusées par voie hertzienne terrestre, en mode analogique et numérique, à titre gratuit, ne soient pas victimes d'une numérotation discriminatoire sur certains plans de service du câble ou du satellite. J'y reviendrai lors de la défense d'un amendement.

Mon rappel introductif à la loi de 2004 n'était pas neutre : sa logique, très favorable aux grands groupes privés, prévaut de nouveau. Je pourrais d'ailleurs presque reprendre point par point les arguments de mes collègues d'alors, Danièle Pourtaud et Henri Weber, tant ce sont les mêmes principes et recettes que vous appliquez à la télévision du futur, à savoir servir l'intérêt des grands groupes avant celui du téléspectateur, mettre à mal la régulation du secteur en assouplissant les règles « anti-concentration », faisant fi des principes de service universel et de neutralité des supports posés par la directive « paquet » de 2003, pourtant censée être transposée par la loi de 2004.

Puisque le Gouvernement tente de légitimer l'octroi de la « chaîne bonus » à TF1, M6 et Canal+ par le précédent de la TNT, il est bon de rappeler le contexte et les arbitrages politiques qui ont présidé à la mise en oeuvre de cette dernière. Les chaînes supplémentaires accordées dans ce cadre étaient justifiées par l'ouverture d'un nouveau marché, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Dans le projet du gouvernement Jospin, ces chaînes supplémentaires ne marginalisaient pas le service public, bien au contraire. C'est parce que nous avions considéré que la télévision numérique terrestre devait représenter une avancée démocratique pour l'ensemble de la population que le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité que la moitié, au moins, des chaînes de la télévision numérique terrestre soit gratuite et que le service public en soit le fer de lance avec huit chaînes. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Malgré les promesses faites par Jean-Jacques Aillagon, pourtant déjà en retrait par rapport à notre projet initial, de réserver deux multiplexes aux chaînes publiques, les arbitrages du gouvernement Raffarin ont marginalisé le service public et mis à mal sa compétitivité dans la première phase du développement de la TNT.

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