Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion générale

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Enfin, bien entendu, monsieur le ministre, nous approuvons le dispositif d'aide envers les personnes à faibles ressources pour leur permettre de s'équiper de quelque manière que ce soit.

Néanmoins, deux autres types de mesures nous semblent également nécessaires pour que le passage au mode de diffusion numérique se fasse dans les meilleures conditions possibles pour les usagers.

Premièrement, il faut favoriser l'accès des chaînes de la TNT à l'ensemble du public, c'est-à-dire proposer une offre simplifiée et lisible en prévoyant une numérotation homogène des chaînes publiques et privées gratuites sur l'ensemble des réseaux de distribution - câble et satellite - afin que les téléspectateurs identifient rapidement ces programmes.

Nous savons aujourd'hui que les chaînes de la TNT se retrouvent sur des canaux différents, selon les offres de distribution.

Deuxièmement, il convient de préserver les consommateurs en veillant à ce que, au-delà d'une certaine date, la vente de téléviseurs non équipés d'adaptateurs et non compatibles en MPEG 4 soit impossible.

Vous le savez, la majorité des téléviseurs vendus aujourd'hui ne sont pas équipés d'adaptateurs TNT intégrés ou ne sont pas aux normes. Les personnes qui achètent aujourd'hui un poste de télévision ne savent pas qu'elles se dotent d'un équipement qui sera bientôt périmé.

Lors de nos récents débats au sein de la commission des affaires culturelles nous avons été unanimes, monsieur le ministre, pour souhaiter la mise en place d'une campagne d'information efficace dans un délai assez court, comme ont su le faire des pays tels que le Royaume-Uni.

Pour ma part, je pense qu'il faut aller encore plus loin afin d'éviter les mauvaises surprises. Cela nécessite, bien sûr, qu'une concertation soit engagée avec les industriels et les revendeurs.

En deuxième lieu, nous voulons insister sur la défense d'un audiovisuel pluriel et diversifié.

L'augmentation du nombre de chaînes pour les téléspectateurs, grâce au dividende numérique, ne doit pas se faire au détriment des chaînes locales ou indépendantes, qui ont leur spécificité. Le risque que le paysage audiovisuel numérique soit monopolisé par de grands groupes médiatiques dans un secteur marqué par une forte concentration existe et menace, à terme, le pluralisme de l'information, des courants d'opinion, et la diversité des programmes.

En tant qu'élus locaux, nous connaissons tous l'importance de l'information de proximité diffusée par les chaînes locales. C'est un « plus » pour l'exercice de notre démocratie dans une société où, aujourd'hui, le papier véhicule moins les nouvelles que l'écran de la télévision ou de l'ordinateur.

Il convient donc de garantir, au travers de ce projet de loi, l'accès aux chaînes locales sur les territoires, car elles sont synonymes d'originalité et de diversité. Nous devons les aider à se développer dans notre pays où elles ont du mal à trouver leur place.

Dans le même ordre d'idée, alors qu'un nombre croissant de téléspectateurs accèdent à la télévision via une offre alternative à la diffusion hertzienne - satellite, câble, ADSL - qui ne reprend que les programmes nationaux de France 3, il nous semble nécessaire que ces offres reprennent également les programmes régionaux de cette chaîne auxquels les téléspectateurs sont attachés.

Ce sont plusieurs millions de foyers qui sont privés de ces éditions régionales, qui font partie des missions de service public de France 3 et qui garantissent une information pluraliste en région.

Enfin, il faut permettre aux télévisions indépendantes et thématiques d'être présentes sur les nouveaux supports pour assurer le pluralisme des programmes et la diversification des opérateurs.

A travers ce projet de loi, c'est bien l'équilibre du paysage télévisuel qui est en jeu. Je n'aborderai en cet instant que de manière peu exhaustive la question du fameux « canal bonus ». Nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement au cours de la discussion.

Cependant, les nouveaux entrants de la TNT vivent l'attribution du canal supplémentaire aux opérateurs privés historiques comme une distorsion de concurrence mettant en péril leur propre équilibre. Le service public, quant à lui, va forcément subir, au même titre que les chaînes privées, ce changement d'environnement économique imposé par le passage à la TNT.

Or, les arguments justifiant l'attribution, malgré l'avis du Conseil d'État auquel nous n'avons pas eu accès, d'un canal supplémentaire aux chaînes historiques, attribution qui a d'ailleurs fait l'objet d'une mise en garde de la part du CSA, valent également pour France Télévisions. On ne comprend pas alors pourquoi le service public ne bénéficie pas de cet avantage. Ne risque-t-il pas de se retrouver pénalisé par ce canal bonus, puisque le « gâteau » des recettes publicitaires devra être partagé entre un plus grand nombre d'acteurs ? Ses ressources, malgré l'effort louable de l'État, sont déjà trop justes pour faire face à l'ensemble des missions que sa tutelle lui demande de remplir. Seront-elles suffisantes pour financer l'adaptation que les nouvelles technologies et modes de diffusion exigent ? Cette question, parce qu'elle touche à la diversification du paysage audiovisuel, est donc essentielle.

En troisième lieu, nous défendrons le « mieux-disant » culturel numérique. Il faut veiller à ce que la création de canaux supplémentaires soit l'occasion d'un enrichissement des programmes et se traduise par un accroissement de la diversité culturelle. Or, l'expérience des vingt dernières années a montré qu'en matière audiovisuelle la multiplication des chaînes pouvait paradoxalement aboutir à un appauvrissement des programmes. On ne peut que le constater en regardant la plupart des nouveaux entrants de la TNT qui, pour l'instant, investissent peu dans la création.

La télévision du futur, qui ne se résume pas à des discussions techniques sur le choix des normes - DVB-H, DVB-T, MPEG-4 -, ne peut faire l'impasse sur la question des contenus. L'intérêt du numérique est de diffuser, dans une qualité technique meilleure, une plus grande variété d'oeuvres, donc d'auteurs et de créateurs, enrichissant ainsi l'offre proposée aux téléspectateurs. C'est la raison pour laquelle nous proposons de renforcer les obligations des nouvelles chaînes en faveur de la création et, à l'instar de M. le rapporteur, de redéfinir plus précisément la notion d'oeuvre audiovisuelle, afin de recentrer une partie des investissements des chaînes sur les oeuvres de création originale.

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