Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion générale

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en l'absence de mon collègue Pierre Laffitte, dont l'autorité dans ce domaine est reconnue, vous me permettrez de me faire l'interprète de sa réflexion.

La numérisation de la société s'amplifie, ce qui devrait amener cette dernière à mieux répartir les biens les plus rares et à mieux les protéger. Je pense, en particulier, à l'eau, à la qualité de l'air, à l'énergie, mais aussi aux fréquences hertziennes.

Depuis la propagation à distance des ondes hertziennes, la communication, initialement réservée aux militaires, s'est considérablement développée : monopole d'État, usages militaires et administratifs, radiodiffusion. La multiplication des acteurs a conduit à réguler l'emploi des fréquences. L'Agence nationale des fréquences, l'Autorité de régulation des télécommunications et le Conseil supérieur de l'audiovisuel se sont partagé ce pouvoir régalien.

À l'origine, nul ne songeait à donner une valeur à ces fréquences. Avec le développement des télécommunications en Europe, divers pays ont attribué des fréquences aux enchères. D'autres, dont la France, ont réalisé des appels d'offres. Mais tous ont ponctionné largement les opérateurs qui ont supporté des charges élevées pour des bandes de fréquences nécessitant, en outre, d'engager, pour couvrir tout le territoire, des investissements considérables.

Seuls les opérateurs de télévision et de radio qui avaient, au préalable, reçu des autorisations pour de très larges bandes de fréquence utilisant la diffusion analogique n'ont pas été soumis à la même règle, alors que les besoins de fréquence augmentaient pour des nouveaux usages. D'où l'intérêt d'organiser l'usage de ces biens pour de nouveaux utilisateurs, publics et privés.

Il semble étonnant que le projet de loi n'aborde pas divers points essentiels. Il s'agit pourtant de préparer la France à une répartition nouvelle des usages d'un bien rare.

Ainsi, la valeur des bandes de fréquence n'a pas été prise en compte dans les autorisations accordées par l'autorité indépendante, pas plus d'ailleurs avant celle-ci par l'État.

Des raisons historiques expliquent ce fait : le monopole public, les fréquences affectées aux militaires ou aux administrations ne conduisaient pas à considérer la valeur des fréquences. Lorsque les télécommunications se sont développées et ont exigé la disposition de fréquences, les divers pays européens ont adopté des méthodes variées d'attribution. Plusieurs milliards ont dû être payés par les nouveaux opérateurs pour des bandes de fréquences moins attrayantes que les bandes utilisées par les opérateurs de télévision.

Le besoin d'une coordination des bandes de fréquence s'est donc fait sentir. Un colloque organisé à Sophia Antipolis, auquel ont participé le ministère en charge des télécommunications ainsi que des représentants de l'Agence nationale des fréquences, de l'Autorité de régulation des télécommunications et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, en a permis l'examen.

Le ministre Christian Pierret avait déclaré en son temps qu'une telle mise à plat des fréquences était d'autant plus nécessaire que les usages, notamment en matière de communication électronique, se développaient avec la numérisation de la société.

On l'a constaté récemment lors de l'appel d'offres pour la couverture radio numérique, le développement de l'ADSL, du Wifi, du Wimax, la diffusion de l'Internet à large bande et, désormais, du très haut débit nécessaire à la transmission par Internet des données, la numérisation du son et des images par le Protocole Internet, ou IP, bouleversent les industries de communication, désormais obligées de changer leurs plans de développement.

Seuls les opérateurs de télévision y échappent du fait de la rente de situation qui leur est offerte, et que le projet de loi en discussion ne remet pas en cause : au contraire, il la conforte au détriment du développement économique du territoire national. Le texte ne dit pas un mot des télévisions par Internet, qui vont inéluctablement prospérer.

En ce qui concerne la télévision du futur, croit-on vraiment que les millions de détenteurs de terminaux mobiles dotés de caméras n'auront pas tendance à former de multiples groupes susceptibles d'échanger leurs clips ? Un festival organisé en 2007 à Sophia Antipolis nous proposera de découvrir des clips sur le développement durable, la gestion des eaux, la gestion de l'énergie.

On pense, bien sûr, à une explosion de recherches coopératives dans les secteurs du développement durable, de la diffusion de la culture scientifique. Y aura-t-il des fréquences disponibles ? La saturation des réseaux de téléphonie mobile est-elle proche ? Ne faudra-t-il pas de nouvelles fréquences ? On commence à réaliser que c'est uniquement dans les bandes rendues disponibles par numérisation qu'il faudra les trouver pour que la vie locale associative puisse communiquer librement et se développer.

La télévision du futur sera certainement différente de la télévision actuelle, qui permet le versement de salaires exorbitants à des producteurs et des amuseurs dont l'utilité sociale est contestable, mais qui profitent des libéralités attribuées par l'État aux chaînes qui ont eu la chance de succéder à l'ORTF. Les médias actuels sont riches, car ils ne paient pas les ressources rares qui sont mises gracieusement, ou presque, à leur disposition.

Rien ne figure non plus dans le projet de loi s'agissant de la radio numérique. C'est pourtant le média le plus écouté, le plus important, le plus populaire : trois Français sur quatre l'écoutent chaque jour grâce aux 120 millions de postes radio disponibles dans les foyers. La radio est gratuite et offre une extraordinaire diversité. Nous avons la chance d'avoir avec Radio France, et ses diverses chaînes, ainsi que ses concurrents privés, une panoplie offrant une large diffusion de l'information, de la musique et de la culture.

Or les nouvelles autorisations de publicité données pour les télévisions vont priver les radios d'une ressource rare. Contrairement à ce que pourrait laisser penser l'intitulé du projet de loi, la radio numérique et les radios numériques de proximité ne sont pas traitées dans la loi. Mais elles utilisent, et doivent utiliser, des fréquences à l'heure actuelle plus encombrées que les fréquences du domaine télévisuel. Voilà encore une anomalie !

À l'occasion de ce projet de loi, il est nécessaire que nous imposions un arbitrage n'excluant pas la radio. Les radios nationales doivent être intégrées dans le DVB-H. Sans cela, les radios devront avoir leur propre réseau dédié, ce qui n'est pas concevable financièrement.

Dans cette perspective, j'ai déposé, avec d'autres membres de mon groupe, deux amendements qui reprennent les droits accordés à la télévision dans la loi et pourraient réparer l'inégalité de traitement créée. L'un institue une autorisation nationale pour les radios nationales, que cela soit en analogie ou en numérique. L'autre vise à rétablir un autre équilibre : comme les télévisions nationales, les radios nationales autorisées en mode analogique doivent bénéficier du principe de reprise en mode numérique.

Rien ne figure non plus dans le projet de loi s'agissant de la convergence : désormais, téléviseurs et ordinateurs ont des fonctions communes et peuvent recevoir via Internet la télévision numérique terrestre ou satellitaire.

Les ordinateurs paieront-ils la redevance télévisuelle ? Les opérateurs de télévision vont-ils avoir les mêmes problèmes que les opérateurs de télécommunications quand Internet assure gratuitement le transport de la voix par protocole IP ?

Sous réserve de la prise en considération de nos observations et des réponses que vous y apporterez, monsieur le ministre, la majorité des membres de notre groupe soutiendra ce projet de loi.

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