Intervention de Ivan Renar

Réunion du 20 novembre 2006 à 22h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Question préalable

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

...on peut s'attendre à des abîmes de vacuité !

Ainsi les mots « fictions », françaises et européennes, « documentaires », « films », « création », « auteurs », « artistes », « spectacles vivants » sont-ils absents du projet de loi, alors qu'ils devraient en être le coeur vivant, le coeur battant ! Notre premier devoir n'est-il pas de protéger les oeuvres et de consolider leurs sources de financements, tous supports confondus ?

Un autre élément plaide pour un report de l'examen de ce texte : la télévision de service public n'est pas prête à affronter les nombreux défis liés à la modernisation des modes de diffusion. Le Gouvernement ne lui donne pas, hélas ! les moyens de ses légitimes ambitions. Comment imaginer une télévision du futur sans un service public fort, offensif, capable de rivaliser avec les moyens de plus en plus colossaux des grands groupes privés et les opérateurs de télécommunications ?

Comment ne pas voir que la généralisation du numérique, dans le cadre d'une Union européenne acquise aux principes du libéralisme, représente un réel danger pour le modèle audiovisuel français fondé sur la notion de service public ? La nouvelle directive européenne Télévisions sans frontières, qui vise à assouplir les règles sur la publicité, confirme cette menace.

La qualité de la télévision de service public a été et reste une référence obligée et incontournable, y compris pour les chaînes privées généralistes.

Le groupe France Télévisions possède de réels atouts, d'abord l'attachement d'une majorité de citoyens au service public audiovisuel, ensuite un inestimable savoir-faire dans la production de contenus à haute valeur ajoutée culturelle et artistique.

Face à des opérateurs privés de plus en plus riches et puissants, l'engagement de l'État actionnaire est déterminant pour permettre à la télévision de service public de combattre à armes égales. Sans volonté politique résolue, nous assisterons à la marginalisation du groupe France Télévisions.

Il ne s'agit pas de jouer les Cassandre, mais simplement de ne pas se dérober au principe de réalité. La difficulté avec laquelle le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions a été bouclé n'est pas de nature à tranquilliser.

Le projet de loi de finances pour 2007 confirme malheureusement l'insuffisance des moyens alloués au groupe France Télévisions, lesquels sont bien trop faibles pour relever les défis auxquels il est pourtant confronté : développement de la TNT, surcoût de la couverture des zones d'ombre de la TNT, équipement pour la haute définition, rendez-vous stratégique avec la télévision mobile personnelle, inflation du prix des contenus comme le sport et le cinéma, besoin de nouveaux programmes pour accompagner la montée en puissance de France 4 et de France 5 sur la TNT, poursuite d'une politique privilégiant les oeuvres de création audiovisuelles, les jeunes talents ainsi que la coproduction cinématographique, sous-titrage des programmes pour les sourds et les malentendants, montée en puissance de la nouvelle chaîne française d'information internationale, etc.

Les débats consacrés au projet de loi de finances pour 2007 ne devraient pas manquer, malheureusement, de mettre en relief qu'une logique restrictive budgétaire est en train d'asphyxier doucement mais sûrement les chaînes des services publics.

Ainsi, la redevance audiovisuelle - elle est la moins élevée d'Europe - n'a pas été augmentée depuis plusieurs années. Son produit est en diminution du fait de la non-compensation par l'État des différentes exonérations. De plus, le service public souffre d'un rendement moindre de la redevance depuis qu'elle est adossée à la taxe d'habitation.

À quoi bon être un pays pionnier dans le domaine numérique si on laisse dépérir le fer de lance de notre paysage audiovisuel qu'est sans conteste le service public ?

Dans un autre registre, alors que, dans cette enceinte, nous n'avons cessé de déplorer l'insuffisance du nombre de télévisions locales, le passage à la TNT devrait être une opportunité à saisir pour tenter de rattraper le retard important que notre pays accuse en la matière. Or le projet de loi ne prévoit aucune disposition en ce sens.

En ne favorisant que les grands opérateurs, le projet de loi nous invite en fait à un véritable retour en arrière : le temps où les radios et les télévisions libres n'existaient pas. Par contre, le marché est lui complètement libre ! C'est le renard libre dans le poulailler libre !

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