Certaines de vos questions ont été posées lors des réunions du comité d'orientation, sans obtenir de réponse. Je peux difficilement donner des informations à ce sujet.
Sur le fond, on ne peut pas dénier à Françoise Nyssen, lorsqu'elle était ministre, une vraie volonté d'aboutir pour donner corps à ce qu'elle désignait comme le « projet culturel du quinquennat ». Il faut reconnaître que le projet adopte une approche plutôt révolutionnaire. On peut toutefois s'interroger sur les marges de manoeuvre du ministère de la culture, puisque le projet est largement géré depuis l'Élysée.
Sur la forme, il y a davantage à redire. Le comité d'orientation s'est réuni à trois reprises depuis le 6 mars 2018. Lors de la première réunion, on nous a laissé croire que nous allions pouvoir réellement orienter le projet, apporter notre pierre à l'édifice. Mais le calendrier initialement annoncé, soit trois réunions avant l'été, n'a pas été respecté et il nous a fallu en réclamer l'organisation au cabinet du ministre, et une seconde réunion s'est finalement tenue le 25 juin dernier. Lors de cette réunion, nous avons découvert que les choses avaient beaucoup avancé en trois mois, sans que nous en soyons avisés. L'application nous a alors été présentée pour la première fois, certes à un stade embryonnaire, mais aussi les deux dirigeants de l'association de préfiguration tout juste mise en place : Éric Garandeau et Frédéric Jousset. La troisième réunion, le 4 septembre, a porté sur les résultats du premier test technique et une présentation plus complète de l'application par les membres de la start up d'État. Je ne vous cache pas avoir alors été effrayé par leur langage du point de vue de la protection des données. La ministre a voulu nous rassurer en nous affirmant que l'algorithme n'orienterait pas les jeunes vers des choix correspondant à leurs goûts personnels et, qu'après avoir souscrit à une offre d'un établissement culturel une première fois, celle-ci n'apparaîtrait plus ensuite dans le « carrousel des offres » pour le pousser à découvrir des offres différentes. Mais j'ai été très inquiet lorsque l'équipe de développement a fait part de sa volonté de « siphonner les réseaux sociaux » pour connaître les amis du jeune afin d'encourager la pratique collective des activités culturelles.
Quand on sait que l'opération va être financée à 80% par le secteur privé, on voit mal comment celui-ci pourrait ne pas s'attendre à un moment à des retombées. Les craintes autour du financement existent. Je ne peux guère vous donner plus d'informations puisque l'audition de M. Garandeau, qui devait porter sur les questions financières, a été annulée et que la prochaine réunion du comité d'orientation n'aura lieu qu'après le vote du budget. On voit donc une volonté de marquer le quinquennat avec quelque chose d'emblématique en termes de communication mais, au fond, une façon de penser bien classique, avec une semi-concertation qui n'en est pas une, pour aboutir à une révélation publique sur un contenu dont on pressent qu'on nous l'aura caché.