Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h05
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité au sein de l'église catholique en france — Nomination d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir souligné que la commission doit se prononcer sur la recevabilité et pas en opportunité. Car sur ce dernier point, nous avons tous réagi, et moi la première en signant l'appel de Témoignage chrétien. Mais tel n'est pas l'objet de notre réunion d'aujourd'hui.

Vous avez rappelé les deux champs sur lesquels peut s'asseoir la recevabilité.

En premier lieu, le recueil d'informations portant sur des faits déterminés, auquel cas la chancellerie doit être interrogée, et il reste possible d'écarter, comme l'a rappelé Alain Richard, les affaires faisant l'objet de poursuites judiciaires. C'est d'ailleurs ce qu'avait plaidé la garde des sceaux dans un article publié dans Le Monde quelques jours avant l'audition de M. Benalla. Sur ce type de sujet, le Parlement, le Sénat n'ont pas trouvé de difficulté lorsqu'il s'est agi d'enquêter sur l'affaire d'Outreau, celle de l'Amoco Cadiz ou bien encore sur l'affaire dite des paillotes. Preuve que l'existence de poursuites judiciaires n'est pas fatalement un empêchement.

En second lieu, est recevable une commission d'enquête se donnant pour objet le recueil d'informations sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale. On voit qu'est visé là un champ public au sens large.

Vous vous êtes attardé à juste titre, monsieur le président, sur le terme de « traitement », qui recouvre la prise en compte, la détection, la prévention, le signalement à la justice - ou non - de faits qui se sont produits, notamment au sein de l'Église catholique. Si le Sénat et l'Assemblée nationale ont une jurisprudence différente effectivement sur la recevabilité des commissions d'enquête, la question n'a pas posé de difficulté lorsque le Sénat a accepté une commission d'enquête sur l'évasion des capitaux, sur l'immigration clandestine ou sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, autant de sujets à la frontière du service public et du fonctionnement de certaines institutions. On ne peut pas contester que l'Église catholique soit un collaborateur occasionnel du service public, notamment dans le domaine de l'éducation, où elle est subventionnée, à ce titre, par la puissance publique, tandis qu'en matière fiscale, elle bénéficie d'avantages particuliers pour les dons.

Nous sommes ici dans l'exercice du « droit de tirage », qui veut qu'un groupe politique puisse demander une fois par an une commission d'enquête. La décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009, que vous avez mentionnée, impose de vérifier qu'une commission d'enquête ne porte pas sur des faits faisant l'objet de poursuites judiciaires - j'ai dit ce qu'il en était - ou sur un sujet déjà traité par une commission d'enquête tenue dans les douze mois précédents - il n'y a pas débat sur ce point. Il n'y a donc pas d'argument net contre la recevabilité.

Nous sommes en plein débat sur la réforme constitutionnelle. Nous sommes en plein débat sur le rôle du Sénat. S'opposer à la recevabilité, alors que la situation juridique ne justifie pas une position aussi tranchée, reviendrait à considérer que le Sénat peut s'opposer au « droit de tirage ». J'attire l'attention de nos collègues, membres aujourd'hui - mais pas forcément demain - qui de la majorité, qui de l'opposition, sur une possible transgression de ce droit, avancée issue de la réforme constitutionnelle de 2008, qui permet au Parlement d'exercer pleinement ses fonctions.

Vous l'aurez compris, monsieur le rapporteur, notre groupe est défavorable à vos conclusions tendant à l'irrecevabilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion