La situation exceptionnelle qui vient d'être décrite est applicable aux ports, les moyens pour traverser la Manche étant assez comparables en termes d'objectifs opérationnels.
Face au Brexit, en l'absence d'accord, nous sommes confrontés à un enjeu économique de très court terme avec le retour des contrôles douaniers à la frontière, des contrôles vétérinaires et phytosanitaires, et à un enjeu de plus long terme, celui du développement de nos échanges commerciaux directs avec l'Irlande - laquelle est aujourd'hui principalement approvisionnée via le Royaume-Uni.
Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est principalement l'échéance de très court terme et le retour des contrôles aux frontières à partir du 30 mars en l'absence d'accord. Les contrôles occasionneront nécessairement des ralentissements et auront des impacts assez difficiles à quantifier, mais probablement très importants sur les coûts des transports routiers, maritimes ou ferroviaires jusqu'au payeur final. Pour réaliser ces contrôles, il sera nécessaire d'adapter les infrastructures, les moyens immobiliers et humains.
Il y aura également, potentiellement, un impact à plus ou moins long terme sur les flux et une baisse de nos échanges commerciaux avec le Royaume-Uni du fait du renchérissement du coût des échanges et, probablement, des barrières tarifaires ou non tarifaires, comme les possibles divergences de normes.
Potentiellement, dès le 30 mars, il faudra pouvoir contrôler dans les ports, à destination du Royaume-Uni, 4,5 millions de camions par an, majoritairement depuis les Hauts-de-France - 4,3 millions -, mais aussi depuis la Normandie - entre 200 000 et 300 000.
HAROPA n'est concerné que marginalement par ces flux : la ligne directe de ferries entre Le Havre et Portsmouth traite environ 30 000 camions. En revanche, un port comme celui de Calais, qui traite jusqu'à l'équivalent de 2 millions de camions par an, est concerné au premier chef. Le port de Cherbourg traite l'équivalent de 200 000 camions par an. Citons également le port de Roscoff.
Pour faciliter ces échanges, il faudra réaliser des investissements sur les infrastructures pour permettre la gestion de ces flux, mais aussi sur les systèmes d'information permettant une dématérialisation totale des formalités douanières. Le Cargo Community System, utilisé pour les échanges maritimes avec l'Asie ou l'Amérique du Nord, peut être adapté au trafic transmanche, mais avec des exigences opérationnelles très différentes. Ainsi, le temps d'embarquement et de débarquement est d'environ quarante-cinq minutes, avec de nombreuses rotations. Le système doit être repensé pour pouvoir traiter ces flux transmanche très différents en termes de cadence de ceux que nous traitons à ce jour au Havre - même si nous y traitons chaque année 3 millions de conteneurs.
Nous devons pouvoir anticiper : les déclarations devront être faites avant l'embarquement sur le bateau de façon que la douane ou les services de contrôle puissent décider, avant même qu'ils ne débarquent, quels camions ils souhaitent contrôler physiquement. Dans les échanges avec la Chine ou les États-Unis, le taux de contrôle douanier physique des conteneurs est assez faible : de l'ordre de 1,5 %. Il faudra donc déterminer le niveau de contrôle physique du trafic transmanche.
S'agissant des marchandises soumises à un contrôle vétérinaire ou phytosanitaire, les contrôles des services du ministère de l'agriculture sont beaucoup plus systématiques. Les moyens à mettre en oeuvre seront donc plus importants, notamment en matière de formation.
La situation est assez paradoxale : dans la perspective éventuelle d'un accord, on attend de réagir, mais, en l'absence d'accord, les mesures à mettre en oeuvre seront extrêmement importantes. Il faudra alors adopter des mesures législatives pour accompagner cette situation d'exception.