Intervention de Eric Jeansannetas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « sport jeunesse et vie associative » - examen du rapport spécial

Photo de Eric JeansannetasEric Jeansannetas, rapporteur spécial :

Comme l'an dernier, j'ouvre l'examen des crédits du budget de l'État avec la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Réduire ces trois politiques à une mission budgétaire relève toutefois d'une gageure. Un seul chiffre résume la difficulté de cet exercice : l'ensemble des crédits destinés aux politiques de jeunesse est évalué à près de 95 milliards d'euros, soit 95 fois plus que ceux qui sont proposés dans la mission.

Cependant, même si cette mission constitue la vingt-cinquième du budget général en termes de crédits, elle incarne, avec les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et le service national universel, la complexité de l'équation budgétaire que le Gouvernement devra résoudre.

Pour 2019, les crédits proposés sont en augmentation, particulièrement au titre des autorisations d'engagement (AE), qui progressent de 22,3 % par rapport à 2018, pour atteindre près de 1,2 milliard d'euros. Cette hausse marquée résulte essentiellement de la montée en charge des besoins de financement au titre des Jeux de 2024, multipliés par quatre en autorisations d'engagement par rapport à l'an dernier. Cette hausse masque toutefois une dynamique contraire des différents programmes de la mission, dans la mesure où les crédits du programme 219 consacré au sport diminuent de 8 % en crédits de paiement (CP).

Dans ces conditions, j'aimerais d'abord attirer votre attention sur deux points d'alerte.

Le premier concerne le risque d'une attrition des crédits destinés au mouvement sportif afin de répondre aux besoins de financement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ce scénario redouté, qui avait été balayé par les engagements du Président de la République, semble toutefois se concrétiser dès cette année. La décision d'attribution des Olympiades de 2024 étant intervenue après la préparation initiale du budget triennal pour les années 2018 à 2022, il est possible de déterminer la majoration du plafond opérée au titre de l'organisation des Jeux. En comparant celle-ci au besoin de financement effectif en 2019 et 2020, j'ai constaté un écart, pour chaque année, de 20 millions d'euros. De fait, ce montant doit être amorti par les crédits de la mission, par ailleurs extrêmement concentrés sur certains dispositifs.

En 2019, il nous est proposé deux parades budgétaires : si nous pouvons nous interroger sur leur sincérité, nous sommes certains de leur caractère non pérenne. Ces parades ne règlent pas le problème de fond, appelé à s'amplifier en raison de la montée en charge des besoins de financement liés aux Jeux. Sauf à rogner sur les dispositifs existants, ce sont ainsi 100 millions d'euros supplémentaires qui devront être trouvés dès 2021, et 160 millions d'euros en 2023.

Afin de respecter les engagements pris par le Président de la République, je vous proposerai un amendement visant à transférer des crédits à hauteur de 20 millions d'euros du programme 350 vers le programme 219, afin de préserver le soutien au mouvement sportif. Cet amendement, conçu pour mettre le Gouvernement face à ses responsabilités, pourrait être entre-temps satisfait par l'Assemblée nationale. La directrice de cabinet de la ministre des sports m'a en effet indiqué hier soir que le Gouvernement devrait présenter devant l'Assemblée nationale un amendement visant à majorer les crédits du programme 219 « Sport » à hauteur de 15 millions d'euros en mesures nouvelles. Dans l'attente, je vous proposerai d'adopter mon amendement.

Le second point d'alerte concerne les réflexions engagées sur la création d'un service national universel. Souhaité par le Président de la République, redouté par beaucoup en raison des difficultés qu'il présente, le dispositif devrait relever de cette mission. Le rapport du groupe de travail remis au printemps dernier envisage deux phases d'engagement : une première, entre quinze et dix-huit ans, obligatoire d'une durée d'un mois, et une seconde, entre dix-huit et vingt-cinq ans, volontaire, selon des modalités proches du service civique. Cependant, plusieurs questions restent à ce stade sans réponse tangible. Le caractère obligatoire, qui inquiète d'ailleurs de nombreuses associations de jeunesse, nécessite une révision constitutionnelle, afin de permettre à l'État d'imposer une telle obligation en dehors des besoins liés à la défense nationale. Surtout, son coût concentre notre attention : une estimation prudente l'évalue entre 2,1 milliards et 4,3 milliards d'euros en rythme de croisière, soit entre 1 point et 2 points de PIB. À cela s'ajoutent les coûts initiaux liés aux infrastructures, estimés à 1,75 milliard d'euros par le groupe de travail, dont une partie pourrait porter sur les collectivités territoriales. Il s'agit donc d'une équation complexe à résoudre ; elle ne doit pas conduire à remettre en cause le succès du service civique, qui, huit ans après sa création, fait aujourd'hui de la France le premier pays en termes de volontariat des jeunes en Europe.

Ces deux facteurs pèseront donc sur la soutenabilité de la mission au cours des prochaines années.

Permettez-moi de terminer ma présentation en formulant deux observations.

La première concerne l'évolution de la gouvernance du sport. Annoncée depuis le début de l'année, sa finalisation a toutefois pris du retard. Le projet de loi de finances est donc soumis à notre examen sans que le cadre soit stabilisé. L'objectif est pertinent : créer, sous la forme d'une agence nationale du sport, un groupement d'intérêt public agrégeant le mouvement sportif et ses différents financeurs : l'État, les collectivités territoriales et les acteurs économiques. Cette gouvernance devrait permettre de résoudre en partie le paradoxe selon lequel les collectivités territoriales, soutien essentiel du sport, n'étaient guère représentées dans sa gouvernance.

Cette évolution appelle toutefois de ma part trois remarques : elle ne doit pas conduire à une attrition progressive du soutien financier de l'État ; elle s'accompagnera d'une actualisation des missions du ministère et de la direction du sport, sans que nous en connaissions les conséquences, notamment en termes humains - je pense en particulier aux conseillers techniques sportifs - ; elle devra conduire à un réexamen des taxes affectées, dont bénéficie actuellement le Centre national pour le développement du sport (CNDS), conformément aux annonces faites par le Premier ministre le 10 septembre dernier, annonces qui n'ont pas été détaillées à ce stade.

La seconde concerne le soutien à la vie associative. L'audition organisée par notre commission il y a quinze jours a mis en lumière les difficultés auxquelles les associations sont confrontées en raison des réformes fiscales mises en oeuvre. D'autres facteurs s'ajoutent comme la forte réduction des contrats aidés ou la suppression de la dotation d'action parlementaire ou « réserve parlementaire ». Les 25 millions d'euros prévus en faveur du Fonds pour le développement de la vie associative l'an dernier à titre de compensation seront maintenus en 2019. Cependant, l'actualisation réglementaire tardive des missions de ce fonds s'est traduite par une coupure dans les ressources des petites associations qui bénéficiaient traditionnellement de ce soutien. Le mouvement associatif attend beaucoup de la concertation engagée par le Gouvernement pour le renouvellement de la vie associative. Il importe de ne pas le décevoir en concrétisant rapidement cette démarche par des actions concrètes.

En conclusion, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Nous restons attentifs aux débats qui se déroulent à l'Assemblée nationale.

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