Intervention de Fabienne Keller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h00
Contrôle budgétaire — Outils financiers permettant d'optimiser la gestion des flux de transports en milieu urbain - communication

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteure spéciale :

Il faut donc anticiper sur les recettes. La congestion charge de Londres a rapporté à la ville quelque 1,8 milliard de livres de recettes nettes depuis 2003, soit environ 2 milliards d'euros. Ces recettes nettes, qui ont représenté 185 millions d'euros l'an dernier, ont été systématiquement investies dans le réseau de transport londonien, et en particulier dans l'amélioration du réseau de bus.

Les recettes du péage urbain de Stockholm représentent pour leur part environ 75 millions d'euros. Dans un premier temps, ces recettes ont été uniquement affectées au développement d'offres de transport alternatives à l'utilisation de la voiture : création de nouvelles lignes de bus reliant le centre-ville de Stockholm à ses banlieues, achat de nouveaux bus, nouvelles pistes cyclables, mise en place de parkings-relais, etc. Dans un deuxième temps, il a été décidé d'affecter une partie de ces recettes non plus seulement aux transports en commun, mais également aux infrastructures routières, qu'il s'agisse de la maintenance des routes existantes ou de la construction de routes et de tunnels.

Ce nouveau choix d'affectation des recettes a permis de rendre plus acceptable la congestion charge pour les habitants des communes voisines de Stockholm qui effectuent des déplacements pendulaires entre leur domicile et leur travail situé au centre-ville.

Il me paraît donc essentiel d'investir massivement dans les transports en commun grâce aux recettes nouvelles pour proposer de véritables alternatives à la voiture individuelle et en réserver une partie pour les infrastructures routières, de sorte que les automobilistes puissent bénéficier de retombées positives.

Troisième facteur d'acceptabilité, sur lequel tous mes interlocuteurs ont insisté : l'importance de la concertation et de la communication. Le maire de Londres a organisé une large consultation des Londoniens pendant 18 mois pour connaître leur avis sur les limites géographiques de la zone soumise à péage, ses heures de fonctionnement et son tarif. Les réponses obtenues à cette occasion ont permis à la population de se sentir entendue et ont directement influencé les caractéristiques du péage qui est entré en vigueur en 2003, le rendant plus opérationnel.

La façon dont a été conduite la communication au moment de la mise en place de la congestion charge à Stockholm est également exemplaire et explique sans doute en grande partie la raison pour laquelle ce dispositif fait dorénavant consensus.

Le dispositif a d'abord été mis en place à titre expérimental, pour une période probatoire de six mois, du 3 janvier 2006 au 31 juillet de la même année. À l'issue de cette période, le péage a été suspendu, et un référendum a été organisé en septembre 2006. Le choix était donc vraiment laissé aux citoyens, la mairie s'étant engagée à supprimer le péage et à démonter l'infrastructure en cas de vote négatif. Mais c'est le « oui » qui l'a emporté avec 51,1 % des voix et une participation à hauteur de 74,7 %. Le péage urbain a donc été rétabli en août 2007 et fonctionne sans interruption depuis lors.

Ce résultat s'explique avant tout par les intenses efforts déployés en matière de communication durant l'expérimentation pour convaincre les habitants des bienfaits de ce dispositif sur leur qualité de vie. Des rapports mensuels, puis un rapport final fournissant des informations détaillées sur la qualité de l'air dans le centre-ville, mais aussi en périphérie, sur le nombre de véhicules s'acquittant de la congestion charge, sur les recettes, les améliorations du réseau de transport public obtenues grâce à ces dernières, ont ainsi été mis en ligne sur un site dédié. De nombreuses conférences de presse ont également été organisées pour diffuser ces informations auprès des médias et, au fil des mois, le ton des journaux a changé : alors que 3 % des articles portant sur le péage urbain lui étaient favorables à l'automne 2005, 42 % de ceux qui ont été rédigés au printemps 2006 étaient positifs. Depuis le rétablissement du péage, la municipalité finance régulièrement des études afin d'évaluer précisément ses résultats et continue à les communiquer aux médias et au public, ce qui permet de maintenir la confiance de la population. De fait, les habitants de Stockholm semblent s'être désormais pleinement emparés de cet outil, qu'ils sont plus de 70 % à soutenir aujourd'hui : ils ont pris conscience qu'il peut permettre, à condition d'être bien articulé avec d'autres dispositifs, de fluidifier la circulation automobile dans le centre-ville et d'améliorer la qualité de l'air qu'ils respirent.

À partir des expériences de Londres et de Stockholm ainsi que de l'analyse d'autres expériences menées dans le monde, mon souhait était donc de vous proposer une boîte à outils, susceptible d'inspirer les collectivités françaises ou européennes qui souhaiteraient s'en saisir.

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